Chapitre 13 : La fin de l'attente

7 minutes de lecture

Andrei

3 mai 5131

Les opérations ont commencé ! A l’approche de la frontière Vladimir, comte de Gamar, envoya une force d’un millier de chevaliers sous le commandement de Filipp, duc de Cracvonia, chevaucher nuits et jours afin de se saisir par surprise du col d’Ilpelev avant que l’ennemi ne l’occupe. L’opération fut un succès et notre armée progressa à marche forcée afin de rapidement rallier notre avant-garde avant que les troupes d’Isgar ne se regroupent et contre-attaquent nos cavaliers esseulés. Cette manœuvre, bien qu’en apparence anodine, était en réalité une grande victoire, ce chemin au milieu des montagnes blanches étant l’un des seuls suffisamment larges et praticables pour faire passer notre armée sans que nous ayons besoin de faire un détour de plusieurs dizaines de lieues au nord. Toutefois il est également assez étroit pour pouvoir être défendu avec des effectifs réduits et forcer le passage nous aurait coûté bien du temps et bien des pertes.

Le duc de Cracvonia fut dûment récompensé bien qu’il semblât quelque peu étonné de l’absence de réactivité de notre ennemi. Les chevaliers s’étaient contentés de mettre en déroute une petite troupe qui commençait à fortifier le passage mais nulle tentative de les déloger ne survint après cela. La réponse à cette interrogation nous parvint quelques jours plus tard lorsque les éclaireurs que Filipp avait envoyé repérer notre ennemi nous revinrent. Ils décrivirent une armée désorganisée, en sous nombre, pas même encore regroupée et où l’indiscipline régnait en maître. Les forces isgariennes semblaient encore plus faibles que je ne le soupçonnais et, enhardis par ces informations et ce premier succès, le comte de Gamar ordonna qu’on se rue sur la forteresse de Rutor, « la clef d’Isgar » selon ses mots.

Il en fut ainsi. L’armée ennemie mit bien du temps à réagir et, tandis que nos forces marchaient sept lieues par jour, nos adversaires n’en parcouraient que quatre ou cinq.

Nous arrivâmes rapidement en vue du château de Rutor. Il s’agissait là d’une imposante place forte en très bon état semblait-il. Cela devait néanmoins être la seule car, selon mes informateurs, les autres forteresses avaient été bien peu entretenues. Profitant que l’armée ennemie était encore à quelques jours de marche au nord, Vladimir ordonna l’assaut dès que possible. En deux jours suffisamment d’échelles furent construites pour s’attaquer aux murs. Les offensives étaient nombreuses mais sans succès. Il semblait que même des novices pouvaient repousser des forces entraînées et équipées durant ce genre d’attaques. Toutefois il ne s’agissait là que de feintes et, tandis que les hommes se battaient et mourraient par centaine sur les murailles, des sapeurs creusaient des tunnels sous le mur le plus fragile du château. Pour avoir fait partie des décennies durant de notre royaume, il avait été aisé de trouver quelques seigneurs ayant connaissance de l’architecture de la citadelle. Il semblait que malgré les efforts d’entretien qui aient été consentis par le jadis marquis de l’ouest, il n’ait pas eu les moyens ou la volonté de rectifier les rares défauts du château. Au quatrième jour d’assaut le mur ouest s’affaissa donc sous son propre poids grâce aux galeries creusées par le corps du génie de l’armée du comte de Gamar et notre ost s’y engouffra. Après quelques durs combats la place se rendit et l’étendard d’Orania flotta fièrement sur sa première prise d’importance.

Les survivants de la garnison ennemie furent réquisitionnés pour rebâtir le mur et garnir nos forces tandis que les vampires qui dirigeaient la citadelle refusèrent tous de prêter serment à Yegor et furent donc fait prisonniers. Ce dernier ne s’y opposa pas et ordonna même qu’ils soient bien traités essayant ainsi de gagner ainsi leur loyauté. Je ne sais pas si cela marchera mais pour la première fois notre prétendant au trône essaya de se comporter comme un roi, bien que je ne puisse une fois encore m’empêcher d’y voir une manœuvre d’Anastasia.

Nous avions perdu quelques deux-mille hommes, la plupart entrainés, et une vingtaine de vampires mais il semblait que le plus dur était derrière nous. Le royaume d’Isgar tout entier s’offrait désormais à nos forces sans que la foule de paysans et les quelques rares chevaliers locaux méritant encore ce nom marchant derrière Valentyn ne puissent sérieusement songer à s’opposer à nous. De plus le royaume d’Aartov demeure, pour l’instant, dans une prudente neutralité, bien que mon manque de contacts dans ce pays m’empêche de donner la moindre interprétation crédible à cette posture. Finalement après un mois de campagne la seule déception fut la quasi-absence de seigneurs isgariens s’étant soulevé à notre approche. Nous ne reçûmes qu’un petit baron apportant dans ses bagages deux chevaliers et une centaine d’hommes d’armes.

Yegor fut des plus ravis de ce maigre soutient mais lorsque je questionnai ce nostalgique de la reine quant à ce manque d’entrain vis-à-vis du retour du vrai roi, il m’expliqua que bon nombre des seigneurs qui le soutenaient dans la région avaient péri dans d’étranges circonstances et qu’il se racontait de ci de là que la colère de Valass poursuivrait quiconque renierait le roi légitime Valentyn. De toute évidence Valass n’avait pas pris la peine de perdre son temps pour occire un petit baron mais la disparition des grands seigneurs prêts à soutenir notre cause ainsi que la peur que de telles morts provoquaient chez les autres donnaient une légitimité nouvelle au roi du moment. J’ignore ce qu’il se cache là-dessous, il n’empêche que cela explique la baisse notable des rapports que je reçois et l’absence de soutiens que nous recevons.

Enfin, si la campagne continue comme elle a commencé le pays entier pourrait bien rester fidèle à Valentyn que cela n’y changerait rien ! Le comte de Gamar a donné ses nouvelles instructions : nous marcherons désormais vers Ijlkalmar. Cet ordre perturba néanmoins bien des seigneurs car, bien qu’il s’en défende pour l’instant, la direction que notre armée prenait pouvait laisser pensait qu’à terme Sussmar serait notre objectif et jamais aucune armée oranienne ne s’était avancée si loin en territoire ennemi. Progresser en ligne droite vers la capitale ennemie poserait un nombre incalculable de difficultés logistiques et certains, à l’image du grand-duc d’Ortov, y opposèrent quelques réserves voilées. Toutefois le prestige de Vladimir et le refus de définir la capitale ennemie comme but final de la campagne firent rapidement taire toute critique et c’est malgré tout confiants que nous nous enfonçons dans ce pays jadis constellé de mille palais désormais remplacés par des ruines.

Marie

Le voilà venu le temps de la révolte ! Nous apprîmes que tous les fidèles se soulèveraient le trois mai, un mois après le passage de l’armée vampirique afin qu’ils soient suffisamment éloignés pour nous laisser le temps de nous organiser une fois notre liberté arrachée de leurs mains. Le jour prévu tout était prêt. Au petit matin nous accourûmes à la caserne avec la complicité des miliciens nous ayant rejoint et tuâmes les autres. Renaud les jugera. Désormais armés et animés d’une vindicte jusque-là inconnue, sans doute due à notre haine et à la grâce du Dieu-Roi, nous prîmes d’assaut la petite forteresse de notre baron. Les vampires étaient forts surpris de voir arriver à eux des humains libres et non leurs congénères qu’ils avaient envoyé à l’aube en entendant nos hurlements. Ils ont beau se penser supérieur à nous, un vampire ne peut rien contre une dizaine d’humains.

Ces prétendus chevaliers essayèrent alors de se mettre à l’abris derrière la herse mais cette dernière ne se baissa pas assez rapidement et une trentaine des nôtres entra dans leur demeure. Ils massacrèrent les vampires qu’ils croisèrent et parvinrent, au prix de bien des pertes, à relever la grille pour que les fidèles restants puissent entrer. Je perdis un de mes fils dans cette opération… Jacques qui mourut en protégeant trois de ses camarades qui actionnaient la manivelle… Encore un membre de ma famille que les vampires me prirent… Ma vengeance n’en fut que plus savoureuse. Les mâles se battirent jusqu’à la mort mais j’espère que dans son infini sagesse Renaud leur fit apprécier le spectacle de ce que nous fîmes à leurs femmes et leurs enfants ! Les cris de douleur et les supplications, loin de nous calmer, nous enrageaient encore davantage ! Aviez-vous écouté nos implorations lorsque vous nous dévoriez ? Avez-vous eu pitié d’un seul des nôtres par le passé ?

Toutefois il était de mon devoir en tant que prêtresse de m’assurer que la légitime vengeance ne prenne pas sur l’exécution des ordres. Après avoir fait expier à cette vermine tous leurs péchés dans la souffrance et la mort, nous enterrâmes nos défunts et nous mîmes en route comme prévu vers Kmansk avec tous les vivres disponibles. Je ne sais pas ce que nous y feront mais Rolland, lui, le sait. Renaud également d’ailleurs et, avec son aide, nous vaincrons !

Malgré tout voilà deux jours que nous marchons. Pourtant, si notre enthousiasme et notre foi en la victoire ne vacillent pas, d’autant plus que nous sommes sans cesse rejoint par d’autres fidèles ayant comme nous brisé leurs chaines, la mort de mon ainé me hante. La tristesse, un temps apaisée par la vengeance, se fait de plus en plus forte à mesure que les jours passent. Seule la perspective de faire souffrir des vampires m’apporte un peu de réconfort. Le jour je prêche avec une ardeur et une conviction qui m’était jusque-là inconnue et la nuit je sanglote en repensant à mon fils. Durant mon sommeil je rêve de torture et cauchemarde en revoyant Jacques mourir.

J’ai attendu l’heure de la rébellion depuis des années et maintenant qu’elle est arrivée il m’apparaît que jamais je n’ai été aussi abattue. Je prie tous les jours et toutes les nuits Renaud de protéger mes enfants encore en vie… Puissent-ils vivre libre du joug des vampires mais surtout puissent-ils vivre ! Seule la perspective de la défaite de nos bourreaux et de leurs souffrances à venir me donne encore quelques moments de joie mais ce bonheur est assombri par le risque que courent désormais mes fils et mes filles. Gontran, Vivien, Laura, Aliénor par pitié ne mourrez pas, du moins pas avant moi !

Annotations

Vous aimez lire Antoine Zwicky ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0