Réveil

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– Noir –

L'obscurité s'est imposée d'un coup. Dense, impitoyable, elle s'est superposée au monde dès la fin du compte à rebours.

Suis-je mort ?

Mais drôle de mort... je sens encore l'air vibrer de ma récente oblitération, je tiens encore dans ma main l'accoudoir orphelin. Je respire.

— Et bien ? Lançais-je benoitement à l'infini.

Je me mets à tâtonner au fond du néant, je sens les sièges sous mes doigts. Devant, il doit y avoir la vitre que je viens d'éclater. Mais n'aurais-je pas dû être projeté à l'extérieur à cause de la brusque dépressurisation ? C'est calme, pourtant. L'ambiant se fait diffus, sans bruissement, et je commence à me convaincre que je suis toujours là.

La vitre s'illumine soudain, m'aveuglant. Je recule en masquant mes yeux.

Les rouvrant péniblement, en utilisant mes doigts comme pare-soleil, je constate d'abord que toutes les vitres se sont illuminées, ensuite qu'aucun décor n'apparait derrière et enfin qu'il y a un message écrit en lettres noires qui flotte dans l'air qu'elles encadrent.

TU ES MORT !

Je reste suspendu à ces mots, abasourdi et tremblant. Ma bouche pend, grande ouverte, mes yeux sont exorbités. Lentement, mes jambes me lâchent. Heureusement le fauteuil, mon voisin, m'accueille sans broncher.

« Non... Pas mort... Justement, murmuré-je à l'invisible.

Un bruit fluide et chuintant me sort de la morne contemplation des reflets de « TU ES MORT ! » sur le plastique pâle du dossier d'en face. Je me retourne pour voir ce qu'il m'attend comme nouvelle aberration.

Une silhouette sombre se découpe sur fond de wagon, elle me fait signe de la suivre.

Un peu lessivé, le cerveau et le corps en compote, je n'ai aucun cœur à résister. Je suis le mouvement.

Je traverse les rangées à demi-plongées dans la pénombre, on ne dirait plus vraiment un train. Quelque chose manque...

Je traverse la porte vitrée, enfin ouverte, et m'avance vers la sortie de train. Mais je ne m'attends déjà plus à trouver de quai.

Je ne suis pas si surpris de constater qu'à la place d'une sempiternelle gare pêchant par excès de modernité, je trouve une pauvre petite salle chichement décorée en mode salle de réception et pourvue de quelques chaises imitant des bancs de station.

La personne qui m'a devancé m'est inconnue. Du moins je crois. Les images s'embrouillent un peu dans ma tête. Je l'ai peut-être déjà aperçue auparavant... mais sans certitude.

— Ah, c'est dommage ! dit-elle, visiblement déçue. Tu aurais eu quatre minutes, tu aurais réussi le défi, t'y serais arrivé !

— Pardon ? Quoi ? hasardé-je, la tête dans le gaz et le corps encore dans le wagon.

— Oui... Hm... Je vais te replacer dans le contexte. Pardon ! Je suis Amel, l'animatrice du défi « Train Escape ». Un jeu auquel tu participes même si tu l'as oublié... Mais ne t'inquiète pas, ta mémoire va bientôt revenir.

— C'est quoi cette merde ?

— Oui, c'est perturbant, tu n'es pas le seul à avoir du mal à revenir. On doit encore améliorer ça...

— Revenir de quoi ?

— Tu as participé à un défi. Un Escape Game amélioré si tu veux. Le TGV est factice et le but était de t'en échapper.

— Mais le paysage, la vitre !

— La vitre que tu as cassée est vraie. À chaque nouveau jeu on les remplace - à compter que le joueur parvienne à cette solution extrême, bien sûr - et le paysage apparait grâce à des écrans.

— Mais... Comment... je me suis retrouvé là ?

— Tu te rappelles de quoi ? Tu étais avec tes amis en rue, c'est ça ? Tu passais près de la gare ?

— Oui ? Comment vous ...

— Et bien, c'est justement ça le truc inédit de notre Escape Game ! A l'aide d'un dispositif neuro-actif, on éteint ta mémoire à court terme. C'est à dire que tu oublies la dernière demi-heure. C'est pour ça que tu ne te souviens pas d'être passé devant notre salle et encore moins de tes amis qui te l'ont payé pour ton anniversaire...

— Quoi ? Les cons ! Ils vont m'entendre !

Je me lève, remonté. Je m'avance vers la porte où l'inscription "Sortie" brille comme la fin de mon calvaire. Au moment de saisir la poignée, j'hésite.

Toute cette affaire me semble étrange. Un dispositif qui efface la mémoire ? Un jeu expérimental ? J'aurais cautionné ça ? Je ne suis pas sûr de vouloir ouvrir cette porte... Mais ai-je le choix ?

— Une minute monsieur, m'interpelle cette Amel, dont lentement les traits me reviennent. Puis-je vous demander s'il y a des remarques ou des suggestions que vous voudriez faire à propos de notre Escape Game ?

Je tourne la poignée.

— Oui... Pour votre défi, là... Trois minutes... C'est bien trop court !

Et je m'enfonce dans ce qui, peut-être, sera une nouvelle illusion...

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