Mr Aleksandar M.

666 rue des condamnés

16200 Soyaux

Objet : Je t'aime, je t'aime, je t'aime, je t'aime, je t'aime...

    A Toi qui m'a tant de fois humiliée, blessée, je t'écris cette lettre.

Cette lettre pour te dire à quel point je t'aime... Toi et tes regards méprisants que tu me jettes souvent, tes remarques acerbes et tes traîtrises.

Je voulais que tu saches à quel point tu me manques, à quel point j'ai mal de ne savoir où tu es, a quel point je souffre... Pourtant je ne devrais pas, je le sais.

J'ai voulu te tuer, ce soir.

J'ai jeté tes vêtements dans la fontaine et tout le peu que tu possédais. Tu m'en a voulu et tes mots m'ont fait si mal. Plus mal encore que l'aurais pu cette lame, dans ma main pendant plusieurs minutes, marchant dans ton ombre, tout en m'époumonant sur tout le mal que tu m'avais fait faire.

Par amour pour toi, j'ai laissé ma vie devenir un calvaire. Depuis Toi, je vis un enfer.

Ma famille, mes amis, ils m'ont tous tourné le dos, puisque tu n'as pas su faire preuve de gentillesse ni de respect envers eux, envers moi. J'ai eu des reproches de tous les côtés, mais ça ne m'a pas arrêté. J'ai continué de croire en toi... en nous. J'ai espéré encore un peu plus longtemps que nous arriverions à faire face à tout ce qui pourrait se passer, car rien ne saurait être pire que le rejet de tous ceux que j'aimais.

Tu m'as montré l'inverse, m'entraînant dans tes vices, dans ta quête de toujours plus d'argent, me faisant peu à peu apprécier et même attendre, cet argent sale avec lequel tu tentais de nous nourrir.

Tu m'as poussée à mentir, à mépriser, à voler. Pour toi, j'ai tout fait. J'ai tout fait pour aller dans ton sens, aussi malsain soit-il, juste pour que ça ailles bien entre nous. Pour résister aux tentations de m'en aller que j'avais depuis longtemps. Tu t'es joué de moi, tu m'as menti... tellement souvent.

Il aurait été tellement plus simple que tu ne te caches pas pour commettre ce que je te reproche tant, que tu ne me mentes pas . Accepter, avouer, autant de choses que tu ne sais pas faire, et maintenant tes objets qui flottent dans le bac d'une fontaine, imbibés d'eau, tâchés de cette huile que j'ai vidé par-dessus...

Je regrette peut-être mon geste... Oui, c'est sans doute vrai.

Je suis perdue. Tu me manques déjà, je ne fais que te pleurer depuis des heures, mais je ne vois toujours pas ton ombre approcher à ma fenêtre et je souffre. Je suis seule. Si seule. Ma solitude me hante, me bouffe, me tue... Tu es parti avec ce petit bout de moi qu'il me restait d'intact, emportant avec lui le peu d'espoir qu'il me restait, que j'avais pourtant bien caché.

J'écoute la même musique, en boucle.

Mes larmes coulent pendant que je t'écris ces mots, mais je suis sûre que tu n'en a rien à faire... Après tout, tu es comme ça... Indifférent à tout ce qui n'est pas ta petite personne, insensible à toutes les émotions qu'on pourrait exposer à tes yeux. Simplement parce que tu n'es pas quelqu'un de bien. Mais ça je le sais. Je le savais et je l'ai toujours su.

Pourquoi ais-je continué malgré tout ? Car dans ma sottise et ma naïveté enfantine, j'ai toujours cru qu'on pouvait changer la nature d'un homme. Que puisqu'on naissait tous "bons", on pouvait tous le rester... ou le redevenir. Quelle idiote je fais.

Notre histoire était perdue d'avance. Elle s'est arrêtée tant de fois. Des cris d'un bout à l'autre de l'appartement, deux âmes qui s'ignorent au coin du même matelas, bijoux arrachés, cadres brisés, sang sur le mur, coeur en éclat, et pourtant... Pourtant nous étions toujours là. Toujours ce même sourire qui nous animait lorsqu'on voyait quelque chose de drôle, ce même petit regard en coin parfois. Les rires finissaient toujours par revenir.

Mais aujourd'hui... Aujourd'hui est un jour nouveau, ce soir était le dernier, tu as pris la porte et tu n'es pas rentré, je t'en pries dit-moi seulement où tu es...

Ta "femme" ?