Journal de Morgane

4 minutes de lecture

( https://youtu.be/rhZK6Uw-wcw )

15 Décembre 2015,

Cher journal,

J'adore l'hiver je pense que depuis le temps que j'écris, tu dois le savoir ! C'est une période que je trouve emplie d'enchantements et de merveilles ! Tout peut arriver, et plus particulièrement les miracles de noël.

Comme tu le sais aussi, je fais régulièrement ma commère. Figure-toi qu'hier, je m'étais assise à la place habituelle de ce café, celui où je vais tout le temps, au centre commercial, et j'ai assisté à une scène des plus curieuses. Allez, hop, j'essaye de la retranscrire comme je l'ai vécue, ça peut être amusant :

Ca faisait une bonne dizaine de minutes que j'avais commandé mon frappuccino auprès d'un serveur un peu pataud ; comme il tardait à revenir, je me suis mise à observer, comme toujours, le monde qui m'entourait. Tout cet amas de personnes au même endroit, en même temps, me fascinait. Quelle était leur vie, leurs occupations et leurs préoccupations ? Qu'étaient leurs rêves, leurs ambitions ? Avaient-ils une famille, cherchaient-ils l'âme sœur ? Parfois, je m'amusais à mettre sur ces visages inconnus un passé, un présent, et un futur.

Parmi tant d'autres, un visage m'a particulièrement frappée. Celui d'un homme, assis deux tables plus loin. Il avait l'air fatigué et surtout nerveux. Fin, élancé, ses cheveux ébouriffés reflétaient une certaine innocence qui ne se lisait pourtant pas une seule seconde sur les traits de son visage tendu. Curieuse, je me suis mise à l'observer. Je ne pouvais m'empêcher de me demander ce qui avait pu l'éteindre de la sorte. Un licenciement, une grave maladie, une rupture, la mort d'un être cher... ? Peut-être n'était-ce rien de tout cela, peut-être était-il simplement las, fatigué de vivre, d'entrer dans le moule d'une société auquel il ne désirait plus coller.

Le serveur m'a apporté mon frappuccino au moment même où une jeune femme le rejoignait. Elle ne s'est pas assise tout de suite, debout, immobile. Je n'ai pas vu leurs lèvres bouger, ils se regardaient, tout simplement. Quel étrange tableau ; je semblais être la seule à le remarquer. Debout, l'un face à l'autre, ils se dévisageaient.

Vive et discrète, j'ai pris la place du couple qui venait de partir à une table plus proche, et j'ai attrapé un journal. Mode détective, activé ! Je me suis mise à les espionner sans vergogne, parfaitement camouflée.

En tendant l'oreille, je perçus tant bien que mal ce qu'ils se disaient :

« Merci d'être venue. »

Il n'y eut pas de réponse. La jeune femme serra simplement les mâchoires. Elle semblait en colère, mais les plis que formaient ses sourcils sur son front témoignaient de son inquiétude prononcée.

« Assieds-toi, s'il te plaît, j'aimerais discuter. »

« Ah, maintenant tu veux discuter ? »

Le jeune homme baissa la tête sur sa tasse de café vide. Je vis son interlocutrice se mordre la lèvre et s'asseoir, le visage fermé.

« Tu ne vas pas bien, Charlie, qu'est-ce qui t'es arrivé ? »

La voix s'était faite moins cassante, et l'homme, Charlie, releva légèrement la tête, essuyant une perle salée s'étant malicieusement frayée un passage à travers ses paupières.

« Je suis désolé, Ophélie... J'ai... Cru bien faire. J'ai cru faire pour le mieux. J'ai cru que tout serait plus simple... »

Il s'est pris la tête dans les mains. Mon cœur s'est serré, et je me suis sentie soudain intruse dans leur conversation. Pourtant, je devais savoir la fin, à présent. Qu'était-il arrivé à Charlie, et pourquoi s'excusait-il ?

Ophélie a attendu la suite en silence, mais je voyais bien que le spectacle misérable de son interlocuteur la troublait.

« J'ai dit des choses... Je ne les pensais pas une seule seconde. » il crachait ses paroles avec un profond dégoût. « Tu... » il soupira. « Tu comprends, j'étais marié et allais être papa... Maintenant j'ai bien l'impression que tout s'étiole. Elle m'a quitté, et elle n'est plus enceinte. » a-t-il laissé tomber.

J'ai frissonné, guettant la réaction d'Ophélie derrière le journal dont je tournais les pages de manière machinale.

« Charlie... » elle avait une voix emplie d'émotion. « Je suis désolée. »

« Non ne sois pas désolée. Tu n'as pas le droit d'être désolée pour le pire des connards. »

« C'est vrai que tu n'as été qu'un odieux connard. Mais connard ou pas, je sais qu'au fond tu es quelqu'un de bien. Et que tu ne mérites aucun malheur. »

Charlie a relevé la tête, il semblait déboussolé, perdu, interloqué. Il avait visiblement du mal à comprendre et intégrer ce qu'Ophélie venait de lui dire.

« Je suis tellement désolé. »

« Je sais. »

J'ai vu sa main se poser sur celle de Charlie, très brièvement. Ils se sont longuement regardés.

« Pas de conneries, hein, Charlie ? Tu fais peur. »

« Ce n'est pas dans mes plans... »

« Bien... »

Ophélie sourit légèrement avant de se lever.

« Où tu vas ? »

« Chercher un café, ce connard de serveur ne m'a pas vue. »

J'ai attendu quelques minutes, de plus en plus curieuse mais de moins en moins à ma place. Lorsqu'Ophélie est revenue, elle a tiré sa chaise à côté de celle de Charlie. Aussitôt, celui-ci a enfoui sa tête contre son épaule pour dissimuler son visage. Ophélie n'a fait aucun geste, les yeux baissés sur la table. Après de longues minutes, bien après que son café lui ait été apporté, elle finit par poser une main dans la chevelure décoiffée de son interlocuteur en poussant un soupir.

« Je te hais de m'empêcher de pouvoir te haïr. »

Charlie a redressé la tête, Ophélie avait l'air blessé, sombre et triste.

« Je me hais assez tout seul... »

Je n'ai rien pu en tirer d'autre, il se sont levés pour continuer cette discussion ailleurs me laissant sur ma faim, avide de détails.

Et depuis, cher journal, je ne cesse de penser à ces deux personnes. Ces personnes inconnues que je ne reverrai jamais, dont un pan de leur vie m'a été révélé à leur insu.

En regardant les premiers flocons de neige tomber sur Paris, j'espère qu'ils ont pu mettre de côté leurs différends, panser leurs blessures.

Je leur ai écrit une fin heureuse, quelque part dans mes innombrables carnets. J'espère, oui, j'espère que noël leur apportera leur miracle à eux.

FIN.

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