j'embrase

2 minutes de lecture

13/02/19

Au tout début, il faisait noir, si noir, qu'on ne voyait rien. C'était une vie, ça, messieurs, qu'on a bien du mal à imaginer, nous qui connaissons les bienfaits du soleil. Je ne sais pas trop ce qui s'est passé avant, je n'en retiens qu'une poignée de souvenirs brumeux qui ne remontent jamais totalement à la conscience : pour moi, tout a commencé le jour où, par mégarde, j'ai craqué une allumette. Je devais sans doute jouer avec quelque petite tige de bois sans trop savoir ce qui m'attendait, et puis, d'un coup, lumière. L'air était lourd alors, gonflé de poussières et de particules qui étouffaient la flamme. Aussi, dix secondes durant, j'ai vu. Mais si peu ! À peine un bâtonnet crépitant avec un gros morceau de pouce. Oh, à ce moment là, inutile de vous dire mon excitation : j'avais l'iris timbré par cette image, la tête me tournait. Peu, c'est assez pour s'enivrer quand on ne connaît rien ! Le rire aux lèvres, j'en craquai une autre. À nouveau, lumière. Cette fois-ci, pas question de la laisser partir, me fallait garder ce précieux éclat à tous prix. Vous vous en doutez, je ne manquai pas de me brûler les doigts. L'allumette m'échappa pour choir sur un monticule de feuilles mortes, qui s'embrasa en deux-deux. Ça y était, je pouvais me voir, mains, membres et tronc crasseux à souhait. Le feu formait un demi-cercle de lucidité, où je reconnus des lattes de plancher qui bientôt sauraient aussi tout aussi bien brûler. Face à moi, cependant, une masse inéclaircissable grondait... je l'avais trouée, blessée... allait-elle vouloir se venger ? Ce n'est qu'à cet instant que je réalisai : si je pouvais me mirer, il en allait de mêmes pour toutes les bêtes informes tapies dans l'ombre, auxquelles j'échappais quotidiennement à grands renforts de discrétion. Vite ! Il faut tout éteindre ! Comme obéissant à ma volonté, une main sortit des ténèbres et étouffa le foyer d'un simple geste. Cette main... je n'en eus qu'un aperçu, un seul, et cela suffit à me glacer : un squelettique assemblage de phalanges noires, attachées encore par quelque magie ancestrale à un grylle grimaçant.

Il me mit en garde : sur un monde voisin, il avait aussi joué avec le feu. Oui, il avait tout vu, tout su, mais aussi tout consommé, jusqu'à sa propre chair. Quand sa planète ne fut plus qu'une boule de cendres chaudes, il avait construit une longue échelle qui lui permit de fuir dans l'ombre où je l'ai trouvé, avec les rescapés infirmes de sa croisade folle. Combien de temps avait brûlé ce monde ? Dix milliards d'ans. La suite, vous la connaissez : j'ai mis ma terre à feu et à sang, massacré toutes les bêtes, tout vu, tout su, en pleine lumière. J'ai retrouvé la longue échelle, et tous ceux qui ont bien voulu me suivre ont migré avec moi sur la vieille planète brûlée, tandis que la surface de l'autre s'entamait à peine. Ce monde d'où je viens, regardez-le, c'est notre soleil maintenant ! Il nous instruit et nous protège. Soyez rassurés, il en a encore pour dix milliards d'ans !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Damian Mis ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0