Manfred s'essore

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28/01/19

Laverie. J'en pousse la porte. Partout tout est pris, et devant chaque machine un jeune en uniforme attend la fin du cycle.

Je reconnais mon ami Mathieu. C'est un drôle, et il a pris laverie au mot. Je le dépasse tandis qu'il verse de pleins sacs de grains dans le tambour.

Je reconnais aussi mon ami Martial. C'est un tout-malin, et par manque de lave-vaisselle, il scrute un hublot que raye un tourbillon de couverts et de verres. Il se retourne soudain, me voit et fait signe :

"Hé ! T'as vu Maurice ?"

Je tends le regard jusqu'audit ami Maurice, accroupi, non, plongé tout plein dans l'œil de la machine. Il grogne abondamment, et ses grincements ricochent jusqu'à nous avec des reflets métalliques. De temps en temps, on voit un de ses bras sortir du tube, tâtonner, tremper un chiffon dans un seau mouillé de savon ; et un deuxième jeter quelque tissu dans une petite panière. C'est un sot, qui lave lui-même ses vêtements dans la machine comme il roulerait en trottinette dans une voiture.

À côté de lui, l'ami Mario se mire dans la vitre ovale. C'est un vaniteux, et il fait tourner de l'eau pas même lessivée dans le simple but d'avoir un prétexte pour mirer son reflet une heure durant.

En face, côté séchoir, Martin inonde le réservoir de sauces diverses. C'est un gourmet, qui touille une de ces soupes qui font sa renommée dans tout le campus. Dans vingt minutes, il offrira la tournée à tous les gars. Pressons, pressons, ou je raterai cette aubaine !

Aussitôt, je saute sur mon ami Marc, et le presse d'écourter la savonnade de son sac poubelle. C'est un effrayant, qui retire aussitôt le corps empaqueté, et l'allonge un peu plus loin. Pas le temps de m'arrêter sur les détails ; je me mets à nu. Je suis un zélé sur tout ce qui touche à l'hygiène. Vite, je crache tout mon système digestif en l'extirpant tel un cordage. Allons ! En un rien je cueille mes organes et les fourre là-dedans, dévisse les yeux, désosse le cartilage, brosse le gras, et cœur, et reins, et foie, et mains : pluie de phalanges dures à dessouder... L'écorchement, je le bâcle, et racle fort, vite. Les muscles suivent en guirlande joyeuse. Les membres y sont, bien, quoi d'autre ? Oh, ne reste que le crâne, que j'envoie au tambour sur un coup de tête.

Mes amis Mathieu, Martial, Maurice, Mario, Martin, Marc se sont attroupés autour de la machine à laver.
"Mais enfin Manfred ! disent-ils. Pourquoi ne t'y es-tu pas tout simplement mis entier, d'un coup d'un seul ?
- Vous êtes fous ? Comment ferais-je pour respirer là-dedans ? Je finirais noyé aussi sûrement qu'un pendu finit pendu."

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