3. Partie de cache-cache

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Plus tard, alors que je me servais une coupe de champagne au bar, j’entendis une voix chaude et sirupeuse dire derrière moi :

- On trinque ?

Je me retournai.

Leonardo di Caprio me souriait, prêt à cogner sa coupe de champagne contre la mienne.

- À quoi ? fis-je, glaciale.

Il parut surpris de ma réaction. Cependant, il garda son sourire enjôleur :

- Vous n’êtes pas au courant ?

- De quoi ? fis-je sur le même ton indifférent.

Avec un petit ricanement nerveux, il se tourna vers un de ses gardes du corps :

- Tu te rends compte, Trevor. Je viens de tomber sur la seule femme d’Hollywood qui n’est pas au courant ! C’est fou, non ?

L’autre acquiesça, l’expression carcérale de son visage s’adoucissant comme celle d’une peluche.

Personnellement, l’attitude énigmatique de l’acteur commençait à m’agacer. Je la trouvais lourdaude.

- Je viens d’obtenir l’oscar du meilleur acteur pour the revenant, annonça-t-il glorieusement.

Je le toisai de haut en bas. Puis, m’en allant, je lâchai :

- Ça me fait une belle jambe.

À peine cinq minutes venaient de s’écouler que Leonardo me relança. Je continuai mon texto, impassible.

- Vous l’avez vu, au moins ?

- Quoi ?

- The revenant, le film pour lequel j’ai été primé.

Je levai furtivement les yeux sur lui.

- Ouais.

Un sourire impeccable mangea son visage. Ses yeux brillèrent.

- Alors ?

- Alors... Pas mal.

Il éclata de rires.

- Tu es impayable ! s’écria-t-il théâtralement. Mais pas mal comment ? Genre comme Piège de cristal ou comme 2001 l’odyssée de l’espace ?

Derrière lui et ses gardes du corps, ses groupies prirent des airs offusqués et échangèrent des méchancetés à mon égard. Je finis de taper mon message puis dit :

- Piège de cristal, j’ai pas vu. Et 2001 l’odyssée de l’espace, j’étais pas née. Je dirais plutôt pas mal comme there will be blood.

- Bingo ! gueula-t-il en levant les bras. Là, tu n’as pas le choix, trinquons !

- J’ai plus de champagne, fis-je en montrant du menton ma coupe vide sur la table.

- Bouge pas, je vais t’en chercher une.

Naturellement, j’en profitai pour bouger. Ce n’était parce que Leonardo me plaisait que j’allais lui faciliter la tâche. Et puis quoi encore ! Oscarisé ou pas, il allait devoir faire preuve de pugnacité ! Comme son personnage de trappeur dans the revenant !

Notre jeu de chat et de souris dura un bon moment. À chaque fois qu’il m’abordait, je trouvais le moyen de m’éclipser. Loin de l’énerver, ce manège l’amusait prodigieusement (je n’en attendais pas moins de Leonardo).Je fis même semblant de m’intéresser au jeune réalisateur ayant le vent en poupe.

Bien sûr, Leonardo ne fut pas dupe, il me confia même à l’oreille que les mouvements de lèvres de ce type le faisait flipper. Nous éclatâmes de rires. Ce fut le moment que choisit Linda pour nous aborder. Elle était complètement éméchée et avait beaucoup de mal à tenir debout et à articuler ses phrases. Cependant, à travers son baragouinage, je compris qu’elle me faisait le reproche de ne pas lui présenter l’acteur. J’allai traduire ses propos à Leonardo quand celui-ci fit signe à Trevor de virer Linda.

- Mais, mais..., protesta cette dernière soulevée sans ménagement par le molosse.

- S’il y a une chose que je déteste plus que les brunes, déclara Leonardo, les traits durs. Ce sont les brunes alcooliques. On devrait toutes les exécuter.

Et sans me laisser le temps de deviner si c’était du lard ou du cochon, il s’en alla. Je le retrouvais vingt minutes plus tard près de la piscine, galochant et pelotant deux superbes créatures d’une vingtaine d’années. Cependant, tandis qu’il malaxait les petits culs et plongeait sa langue avide dans les bouches offertes, son regard étincelant ne cessait de me fixer.

Imperturbable, je passai à quelques centimètres de cet enchevêtrement de chair. Sa main chercha à me toucher mais, ayant anticipé ce geste, je l’évitai. J’entendis dans mon dos un grognement de frustration puis un bruit de succion obscène.

Un sourire aux lèvres, je retournai dans la salle de séjour et récupérai mon sac. Il n’était pas loin de deux heures du mat’ et j’avais fait le tour de cette soirée. Demain, ou plutôt tout à l’heure, j’avais des choses importantes à faire et une autre soirée chez un producteur renommé.

Quelques bises échangées avec des connaissances et j’étais dehors, dans la nuit chaude et silencieuse. Alors que je dégainais mon portable pour appeler un taxi, quelqu’un saisit mon épaule. Je réprimai une grimace. C’était le jeune réalisateur.

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