Chapitre 2

4 minutes de lecture

19h50. J’hésite à sonner. Voilà déjà dix minutes que je suis en bas de l’immeuble et je ne sais toujours pas quoi faire, quand soudain une voix de femme se fait entendre.

- Allez-y, montez.

Je lève la tête. Elle est accoudée à la fenêtre, au dernier étage.

- Si vous continuez, vous allez attraper froid. Montez, je vous dis !

Je monte les escaliers quatre à quatre et pousse la porte ouverte.

- Laissez-moi encore cinq minutes et je suis à vous, résonne une voix depuis la salle de bain.

Je regarde autour de moi. C’est un appartement standard, ni trop grand, ni trop petit. Je n’ai cependant pas le temps d’en voir plus, car j’entends Héloïse m’appeler depuis la pièce d’à côté.

- Pourriez-vous m’aider à l’attacher, s’il vous plaît ?

Je mets quelques secondes à répondre. Elle se tient debout, dos à moi, et porte une robe blanche moulante et si courte que… enfin, très courte. Je remonte délicatement sa fermeture éclair. Elle se retourne et me gratifie d’un sourire éclatant.

- En route !

- Après vous.

Je lui tiens le bras pendant que nous descendons les escaliers, ce qui ne m’empêche cependant pas d’observer le paysage. Je détourne les yeux difficilement et lui demande où nous allons.

- Il y a un très bon restaurant à deux rues d’ici. Spécialités françaises.

- Ce sera parfait, réponds-je avant de reprendre le cours de mes pensées.

En chemin, nous parlons de banalités, comme c’est souvent le cas dans ces moments-là où nous ne savons pas encore ce que nous pouvons dire ou non. Nous arrivons sur place quelques minutes plus tard. Elle a réservé une table pour deux personnes dans un coin de la pièce et connaît apparemment bien les lieux.

- Dites-moi tout, Héloïse, que faites-vous dans la vie ?

La faire parler d’elle, le plus possible. L’écouter attentivement. Tout enregistrer. Ainsi, j’apprends qu’elle travaille dans l’édition en tant que secrétaire, cependant le nom de l’entreprise ne me dit rien.

- C’est une petite boîte qui se lance à peine, je suis chez eux depuis quelques mois seulement. Avant ça, j’étais bibliothécaire dans ma ville natale. Rien de très excitant donc ! conclut-elle en haussant les épaules.

- Au contraire ! Je trouve cela très courageux d’avoir pris le risque de changer de vie sans être sûre du résultat. Cela m’impressionne, j’en serais moi-même incapable à vrai dire.

- Je n’en suis pas sûre, vous m’avez l’air tout à fait courageux.

- C’est bien là le problème, voyez-vous, je n’en ai que l’air !

Elle rit et me demande ce que j’aime le plus dans la vie.

- A part faire rire les femmes et écrire, peu de choses, je le crains.

Je continue de la fixer, cependant elle semble complètement à son aise. Étrange…

- Vous n’avez pas de passions ?

- Je viens tout juste de vous énoncer les deux seules choses au monde qui aient le pouvoir de me consumer.

- Je suis sûre qu’on peut en ajouter une troisième à la liste…

J’ai à peine le temps de me demander où elle veut en venir car une serveuse nous apporte nos assiettes. Je lui jette un rapide coup d’œil en la remerciant. Mon dieu, c’est donc dans ce quartier que les plus belles femmes se cachent ?! Je secoue la tête et commence à manger. Je la regarde à plusieurs reprises pendant le repas, mais Héloïse se contente de rester tête baissée et de finir son repas, impassible. Elle ne souhaite clairement pas continuer à discuter. Je ne comprendrai donc jamais les femmes ! J'essaie de la bousculer un peu :

- C’est bon ?

- C’est délicieux, merci.

Elle ne lève même pas les yeux pour répondre et ne me retourne pas la question.

Dix minutes plus tard, nous avons terminé. La serveuse arrive rapidement pour débarrasser et nous demander si nous voulons un dessert. Je suis sur le point d'acquiescer mais Héloïse me prend de court et refuse. Je la regarde en quête d’une explication, mais elle ne daigne toujours pas me regarder. Alors que je me lève pour régler l’addition, elle me suit et insiste pour régler sa part. D’accord, cela devient vraiment bizarre.

Une fois sortis du restaurant, je me place face à elle. J’attends un mouvement de sa part. Un mot, un geste, même un regard. N’importe quoi, pourvu qu’elle s’adresse à moi. Elle n’en fait rien. Après une interminable minute, je lâche prise. Je tourne les talons et, sans un mot, je m’éloigne. Elle ne dit rien, et ne tente pas de me rattraper. Je résiste à l’envie de me retourner pour voir son expression.

J’arrive chez moi une vingtaine de minutes plus tard. Alix n’est pas là, j’ai la maison pour moi seul. A cet instant cependant, cette idée me déprime au plus haut point. Sans même prendre la peine de me déshabiller ou d’allumer la lumière, je me laisse tomber sur mon lit. Héloïse. Cette femme est vraiment spéciale. Elle m’a proposé de sortir avec elle, et s’est ensuite employée à me le faire regretter. Que veut-elle vraiment ? Est-elle seulement une de mes lectrices ? Je ne sais plus quoi penser d’elle. Elle m’a entièrement désarmé. Maintenant que j’y réfléchis, c’était peut-être justement ce qu’elle souhaitait. Mais pourquoi faire une chose pareille ? Je n'ai pas l'habitude de me sentir impuissant. Et je déteste ça. Je vais devoir y rémédier.

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