acte 5 final

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Acte V

Scène 1 (Antiochus seul, il boit)

Antiochus

Me revoici hélas sans aucune conquête

Face à face avec cette encombrante quéquette

Cette cholette, bistouquette, ce serpent à lunette,

Cette manette, bredoillette, cette belle zigounette,

Cette matraque, cet engin, ce très gros canon,

Pistolet à eau chaude, ce gourdin, ce tromblon,

Arbalète, sabre, lame et toute ma panoplie,

Cette dague, cette trique dans ma boite à outils,

Ce poignard, père frappart, cette béquille défonceuse

Cette gaule, casque à trou cette tête fouilleuse,

Tête chercheuse, goupillon, cette cane, ce pieu,

Ce petit frère, ce zob, cette inutile queue,

Ce guignol, ce piquet, ce jouet, cet objet,

Bâton de pèlerin, bâton de prisonnier,

Métronome sans mesure, gros paquet, robinet,

Ce fifre à pédale, clarinette, flageolet,

Étalon, zigouillard, ce système métrique,

Ce nœud, ce dard, cette pine, ce cierge magique,

Salsifis, asticot, ce beau manche à gigot,

Ce boudin, pain au lait, os à moelle, ce poireau,

Mon anchois, sucre d'orge, andouille à col roulé,

Merguez, carotte, saucisse, chipo bien épicée,

Ce poteau, ce pivot, arrosoir, lance machin,

Ce bout, ce tube, cette chose, cette quille, ce zinzin,

Troisième jambe, mon organe, ce joujou,

Marteau piqueur galant, cette colonne à froufrous

Frétillant zgeug, compte-goutte, mon chibre, mon popaul,

Plus de rêve pour cette chose, ce zizi, ce guignol,

Que cette rage importune à me vider la paire,

Mes bonbons, mes deux sœurs, de mon foutre le repaire,

Oublions tous les noms de ce vaste arsenal ;

Que les dieux fassent de moi le plus sombre animal.

Bérénice dès ce soir quittera ce palais ;

Cette pucelle délicieuse à jamais délaissée.

Un généreux dépit succède à sa fureur :

Elle renonce à la mort et puis à l'empereur...

Je l'avoue que de sujets d'espoir m'ont donné

Cette histoire. Mais la reine de mes avances lassée

N’écoutera ma voix à jamais condamnée.

Moi aussi dès ce soir cette maison vais quitter ;

Tous mes moments ne furent qu'un éternel passage

De la crainte à l'espoir, de l'espoir à la rage...

Et je respire encore ?... Bérénice ! Titus !

Dieux cruels, de mes pleurs vous ne vous rirez plus...

(Titus et Bérénice entrent, il boivent)

scène 2 (tous, ils boivent)

Bérénice

Non ! Je n'écoute rien ! Me voilà résolue :

Je veux partir ! Pourquoi vous montrer à ma vue ?

Pourquoi venir encore aigrir mon désespoir ?

N'êtes-vous point content ? Je ne veux plus vous voir !

Titus

Mais de grâce écoutez...

Bérénice

Il n'est plus temps !

Titus

Madame !...

Un mot

Bérénice

non !

Titus

Dans quels troubles elle jette mon âme...

Bérénice

Je pars !

Titus

Non demeurez !

Bérénice

ingrat ! Que je demeure !?...

N’êtes-vous point satisfait du bruit que font mes pleurs ?

Faut-il encore que je noie cet affreux palais

De larmes sanguinaires et de cris déchirants ?

Voulez-vous que cette nuit devienne l’ouragan

Où voleront en éclat ces parures de grandeur

Qui ornent vos épaules de si sombre imposteur ?

Faut-il que j'ouvre à vos yeux ces veines de reine,

Que j’inonde de mon sang cette si blanche scène,

Que je tranche devant vous l'un après l'autre mes membres

Pour remplir ainsi de souvenirs cette chambre ?

Ou bien faut-il encore que j'arrache ce cœur

Pour vous prouver ainsi de mon âme les fureurs ?

Peut-être préférez-vous que je finisse ce verre

Témoin devant les dieux de ma fièvre solitaire

Où j'aurai pris le soin de verser un poison

Qui rongera ces entrailles que vous mîtes en prison

Ou me fera plonger dans l'éternel sommeil

Qui comblera sans doute votre cœur de merveilles.

Ou que dans une rage inhumaine et sauvage

Je me fracasse le crâne sur ces murs sans âge

Qui ont vu tant de cris de dépit ou de joie,

Témoins plus d'une fois de tous mes doux émois

Qu’en ce palais versais sans aucune retenue

Et qui réclament encore la preuve de vos vertus.

Ou bien préférez-vous que je pende à ce lustre

Ce corps mille fois conquis pour qu'à vos yeux s’illustrent

Les peines qui désormais m’inondent le dedans ?

Je peux bien sans attendre combler tous mes instants

Par d'atroces orgies immondes et sanguinaires

Où je me remplirais par tous mes trous ouverts

De tout ce que le monde offre comme nourriture

Par ma bouche, par mon cul, par mon sexe sans futur,

Et éclater ainsi dans une grasse explosion :

Prendre de l'univers les vastes dimensions...

(à anthiochus)

Et vous, soyez témoin de l'ingrate lâcheté :

Cet empereur barbare qui tente de racheter

La clémence de ces yeux qu'il a tant faits pleurer...

Antiochus

Mais ?...

Titus

Ne vous mettez donc dans cet état fâché,

Bérénice

Quel crime, quelle offense a pu vous animer ?

Hélas qu'ai-je fait que de vous trop aimer ?

Quel était mon erreur, quel amour insensé !

Je ne vois rien ici dont je ne sois blessée ;

Tout cet appartement préparé par vos soins,

Ce lieu de mon amour tant de fois le témoin

Qui semblait pour jamais me répondre du vôtre

Pour toujours il faut nous séparer l'un de l'autre...

Hélas adieu ! Je n'écoute plus vos serments ;

Car je sais en mon âme que votre bouche ment !

Laissez-moi ma fureur, elle seule sonne juste ;

Retournez ! Retournez vers tous ces cris augustes

Qui viennent vous applaudir de votre cruauté.

Mais ce n'est pas assez, expiez vos amours :

Avez-vous bien promis de me haïr toujours !

Titus

Mais je n'ai rien promis...

Bérénice

Contentez votre gloire

Et promettez à tous d'oublier ma mémoire ...

Maintenant dégagez et laissez-moi sortir !

Titus

Vous ne sortirez point, je n'y puis consentir.

Quoi ! Ce départ n'est donc qu'un cruel stratagème ;

Vous cherchez à mourir et tuer ce que j'aime...

(À Antiochus)

Antiochus mon ami, témoin de notre amour,

Vous en prie, près de moi, venez à mon secours !

(À Bérénice)

Mes pas vers vous m’entraînent, et je venais peut-être

Pour me chercher moi-même et pour me reconnaître.

Qu'ai-je trouvé ? Je vois la mort peinte en vos yeux,

Je vois pour la chercher que vous quittez ce lieu...

C’en est trop ! Ma douleur, à cette triste vue

À son dernier excès est enfin parvenue.

Si vos pleurs plus longtemps viennent frapper ma vue,

Si toujours à mourir je vous vois résolue,

Madame, à d'autres pleurs vous devez vous attendre ;

En l'état où je suis je puis tout entreprendre ;

Et je jure devant vous que ma main à vos yeux

Ensanglantera la fin de ces sombres adieux !

Bérénice

Tant pis...

Titus

Hélas ! Il n'est rien dont je ne sois capable

Vous voilà maintenant de mes jours responsable.

(À ant)

Jugez-moi mon ami pour cette ignoble vie

De gloire inexorable qui à toute heure me suit.

Soyez témoin ici de toute ma faiblesse,

Voyez si c'est aimer avec peu de tendresse...

Jugez-nous...

Antiochus

Je crois tout : je vous connais tous deux.

Mais connaissez-vous même un prince malheureux...

Vous m'avez honoré, seigneur, de votre estime ;

Laissez-moi vous conter l’ampleur de tout mon crime.

Vous m'avez, malgré moi, confié l'un et l'autre,

La reine son amour et vous, seigneur, le vôtre.

J'écoutais tout le jour ces nobles confidences ;

Vous m'en croyez devoir quelque reconnaissance.

Mais pourriez-vous croire en ce moment fatal,

Qu’un ami si fidèle était votre rival ?...

titus

Mon rival ?

Antiochus

lui-même...

titus

non

Bérénice

si /

Titus

vous dites ?

Bérénice

rival

Titus

ah !...//

Bérénice

Quoi ? Croyez-vous...

Titus

malheur !...

Bérénice

être le seul...

Titus

mais quoi !

Mon rival !

Antiochus

Il est temps que je vous éclaircisse.

Oui, seigneur, j'ai toujours adoré Bérénice...

Pour ne plus l'aimer j'ai mille fois combattu ;

Je n'ai pu l'oublier. Au moins je me suis tu.

Bérénice

Ciel que ces paroles me font rire à cette heure :

Vous m'avez plus d'une fois conté vos ardeurs ;

Et lorsque votre ami excitait tous mes pleurs,

Vous sûtes profiter de ma trouble candeur

Pour tenter ce cœur perdu dans tant de malheurs.

Vous avez su entendre ces furieuses chaleurs

Qui enflamme mon cul pour cette trop longue absence ;

Et réclame en son sein de bien chaudes semences.

Votre infidélité excita les clameurs

De votre corps fragile de fier défloreur.

Il m'en a fait tantôt la preuve en ce lieu même.

Titus

Arrêtez ! Arrêtez ! C'est bien trop quand on aime

D’entendre ces aveux de tant d'amis fidèles

Bérénice

Et pourtant !...

Antiochus

Taisez-vous ! Quel est ce coup mortel

Qu’en mon cœur vous plantez ! Est-ce pour vous venger

De votre sollicitude à vouloir soulager

Cette âme noble et vaillante à toujours vous servir ;

Je n'ai point à Titus ce cœur voulut ravir.

Bérénice

Menteur !

Antiochus

Taisez-vous !

Bérénice

Regardez ce front rougir !...

titus

Taisez-vous tous les deux, laissez-moi réfléchir...

(Un temps)

Si dans ces hauts degrés de tendresse et d'estime

Je vous tiens tous les deux, sachez que d'autres crimes

Il me faudra conter. Votre sincérité

A su toucher mon cœur qui désire avouer

Les mensonges qu'à tous deux je vous ai faits servir.

(à Bérénice)

Pour vous forcer ma reine à perdre mon souvenir,

Je vous faisais entendre la voix de mon devoir ;

Espérant voir en vous la fin de vos espoirs.

Mais sachez que mon cœur n'a de cesse de battre,

Malgré mon désespoir et ma rage à combattre

Tout le viril éclat de ma bite écarlate,

Tendue de tant d'amour, qui à cette heure se dresse

Aux pensées impudiques des rondes et belles fesses

D’Antiochus, mon amour...

Antiochus

Quoi ? Moi ?...

Titus

Oui vous ! Hélas...

Je désire pour jamais me voiler cette face,

Et finir mes jours, importuns à loisir,

Dans une mare de sang, d'alcool et de soupirs.

Car jamais plus ma vie ne pourra me ravir ;

Je désire voir ces heures pour toujours se finir...

Antiochus

Vous êtes venu, seigneur, vous vous êtes rendu.

Sachez que moi je ne supporte plus la vue

De tant d'amours sincères et pourtant malvenu

De tant de culs offerts et de bite tendues.

Une dernière fois je me suis consulté,

Et ne désire pas par vous être enculé ;

J’ai fait de mon courage une épreuve dernière,

Je viens de rappeler ma raison toute entière :

Jamais je ne me suis senti si dépité

De ne pouvoir aimer et pouvoir être aimé...

Ce n'est qu'en expirant que je pourrai détruire

Tant de troubles que mon cœur ne peut point contenir ;

Entendez une fois tous les maux de ma vie,

Qu’en ce jour si malheureux je vous sacrifie....

(Un temps, ils boivent)

Bérénice

Stoppez là vos émois, princes trop généreux.

En quelle extrémité vous me jetez tous deux ?

Soit que je vous regarde, soit que je l'envisage,

Partout du désespoir je rencontre l'image.

Je ne vois que des pleurs et je n'entends parler

Que de troubles, d'horreurs, de sang prêt à couler.

Servons donc tous les trois d'exemple à l'univers,

De l'amour la plus tendre et de la plus sincère

Dont il puisse garder l'histoire douloureuse.

Mais garantissons une fin point malheureuse...

(àTitus)

Et vous prince malchanceux, ne formez plus d'espoir

Pour la bite de cet homme, ce guignol de foire ;

Car sachez que son foutre n'a jamais pu ravir

Les chaleurs de ma chatte toute prête à vous servir ;

Il ne s’épand hélas que dans ses blancs dessous,

Car il ne sait ma foi retenir aucun coup.

Ce prince ne pourra donc jamais votre cul ravir,

Et il ne pourra point vos tendres amours servir.

Maintenant oublions, buvons encore un peu...

Titus

Il ne reste donc plus qu'à nous faire nos adieux

Nous compterons les jours de l’éternelle absence

Qui nous sépareront de l'empire de nos sens...

Bérénice

Pourquoi ainsi compter tant de jours tant de nuits ?

L’éternité se moque de nos petites vies.

Par tous les dieux je vous en prie ne comptons plus !

Compterai-je chaque poil de ma touffe velue ?

Compterai-je chaque jour qui me sépare de vous ?

Je ne compte plus rien et me libère de tous !

Mais qui donc nous commande de mesurer nos vies ?

Le temps n'est certes pas l'étalon qui servit

Aux dieux éternels qui les ont faites ainsi...

Je ne compte plus rien, maintenant je revis ;

Simplement je regarde la mer au loin briller

Et j'apprendrai d'elle plus qu'un livre qui fait bailler :

Personne ne demande que ses éternels flots portent

Ces bateaux que le vent dans son souffle emporte

Et d'aucun n'a le droit de croire que l'univers

Nous porte pour toujours dans ses grands bras austères.

La solitude sera notre fardeau commun ;

C’est bien trop soutenir ce fardeau inhumain.

Chaque heure, chaque minute qui à l'horloge bat,

Nous vieillit un peu plus et mine nos cœur las

D’espérer sans relâche dans de vaines attentes

Que les jours viennent enfin de ces fêtes décadentes !

Nous devenons obscures, moroses, impénétrables ;

Telles des pierres immobiles échouées sur le sable,

Grillant au soleil de nos désirs obscurs ;

Impatients de fuir cette fosse à ordures

Où nous amassons tous nos cadavres exquis.

Finis ces bavardages qui nous saoulent d’ennuis,

Buvons jusqu'à ne plus reconnaître nos vies ;

Dans cet alcool noyons nos petits cœurs meurtris ;

Et oublions sur l'heure tous nos petits soucis ;

Sombrons vite et profond dans orgies infinies ;

Ne comptons plus les jours, ne comptons plus rien ;

Et oublions que viennent les jours de notre fin...

Il suffit simplement d'avaler tout entier

Cette terre que sans cesse nous foulons de nos pieds,

Qui retient nos savates comme les fers d'un boulet,

Qui engloutit nos vies lorsque tout se finit…

Pourtant rien ne finit et sans cesse tout revit....

Que des cris d’allégresse nous fassent renaître encore

De cette fosse commune où pourrissent tous les corps.

Pour un souffle de vent dans la cime d'un arbre

Réjouissons-nous de cette ivresse pleine de charme,

Servons tous d'exemple pour ce vide univers

De l'amour la plus pure et de la plus sincère,

Sans tabou, sans pudeur, sans morale et sans trêve ;

Dans la triste joie du vin voguons sur nos fous rêves,

Car cette fin malheureuse n'est-elle pas enfin

La plus heureuse de toutes : elle ravive notre faim...

Des beaux fruits de ce monde courrons vite nous gaver,

La gueule grande ouverte et les dents desserrées ;

L’amour sans importance, sans fin et sans envie :

Ce sera à jamais le cadeau de nos vies...

Seigneurs, adieu...

(Elle s'écroule)

FIN

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