Chapitre 1

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Page 1 de l'écrit de Caleb

datée du 6 Juillet 1995

"Le monde a changé. Il évolue à une vitesse folle. Je ne reconnais rien si ce n'est ces foutus repas ambulants qui se croient supérieurs à toute autre race ou espèce. Stupides et égocentriques.

Je n'écris pas pour déverser ma haine pour ces êtres de chair contrairement à ce qu'on pourrait croire. J'écris car seul le geste m'importe, la seule chose universelle qui n'a presque pas évolué. Je ne suis pas vraiment pour le changement, j'aime le constant.

Pourquoi me suis-je réveillé de mon si long sommeil et qui est en la cause ? Je ne cesse de me poser ces questions. J'avais pourtant tout fait pour disparaître, il faut croire qu'il m'est impossible de mourir en paix. Qu'il ou elle soient maudits, damnés aux tourments de l'enfer ! Je ne voulais pas revenir à cette misérable vie... j'ai déjà trop vécu.

La mort était une délivrance et la vie une malédiction.

Je retrouverais l'imbécile qui a ouvert le Sceau et l'étriperai de mes dents. Quelqu'un se joue de moi et cela ne me plaît guère, il s'agit de ma troisième tentative d'entrer dans un sommeil mortuaire... comme si on tenait à ce que je reste sur cette terre. Et chaque fois, je déversai ma colère sur le monde afin de trouver le coupable.

Mais cette fois-ci, je n’abandonnerai pas.

Puisque je ne peux ni dormir ni mourir en toute tranquillité, je tuerai et massacrerai ces humains insignifiants afin de me divertir. Qui sait ? Peut-être que ça ne sera pas si déplaisant. "


Vingt-et-un an ont passé, durant lesquelles Caleb s'appliquait à tenir sa sombre et meurtrière promesse. Sa vie s'étendait presque aussi loin que l'histoire de l'humanité. Voyant son existence s'allonger sans limite, il avait attenté à ses jours à maintes reprises. Mais quelque chose ou quelqu'un venait faire échouer sa quête de répit. Perdre ses proches, voir ses enfants et ses petits-enfants mourir avant lui, revenir d'entre les morts et ne jamais vieillir, éprouver un désir et un amour fou envers le sang et la mort : tout ceci s'accumulait au fur et à mesure de sa longue vie et il en devint fou, répandant mort et désespoir partout où il passait.

Si l'être humain croyant avait connaissance de l'existence d'un tel monstre, il prendrait Lucifer pour un enfant de cœur.

Torture, meurtre et sadisme : voici les trois grandes qualités de cette créature. Car oui, il n'était pas un Homme, mais un non-humain ; une des nombreuses formes de vie dont l'Homme ignorait ou refusait l'existence. S'agissait-il de la peur ou du déni ? Ils étaient aveugles à la vérité : ils n'étaient pas seuls à peupler la Terre.

En apparence, le jeune homme tendait vers la trentaine. Vingt-sept ans ou l'âge qu'il avait à sa mort et naissance. Les épaules larges et un corps bien proportionné, un visage dur au menton carré et proéminent, un nez bien droit, une bouche souvent étirée en un étrange sourire inquiétant aux lèvres pâles charnues : Caleb était le parfait prédateur, il arborait son apparence délicieuse comme le ferait une fleur à l'appel d'une abeille. Une comparaison étrange, car il n'avait rien d'innocent. Malgré la parfaite santé dont il disposait, son teint pâle et sa peau sur les os donnaient l'impression qu'il vacillait entre la vie et la mort, ce qui n'était pas tout à fait faux pour un non-mort. Son apparence était due à son long sommeil et au jeun interminable qui s'en était suivi. Sa posture recourbée et ses épaules en avant n'arrangeaient pas son apparence inquiétante. Ses grands yeux bleu foncé bravaient l'obscurité de la nuit. Cela n'annonçait rien de bon pour les habitants de la ville, cet homme était l'instrument de l'enfer.

Demeurant caché dans l'ombre durant deux décennies, il ne s'attaqua pas ouvertement aux villes et villages. Cette fois-ci il ne voulait pas que le "blasphémateur" de sa tombe lui échappe. Non, il se fera plus discret. S'insinuant dans la panique des foules et rassemblements, il massacrait à tour de bras les malheureux qui croisaient son chemin, profitant de la confusion durant les incendies ou catastrophes naturelles. Toute sa vie durant, il avait toujours été et a toujours chassé seul. Ceux qui l'avaient un jour aimé ou approché de trop près voyaient leur vie s'écourter d'une façon aussi abrupte que violente. Et de toute manière il aimait faire cavalier seul, il considérait toute autre personne que lui même comme un fardeau qui le ralentissait considérablement.


*


Une double rangée de lampadaires ornait l'avenue de chaque côté. La nuit était plus sombre qu'à son habitude et l'endroit désert, à l'exception d'une adolescente brune saoule. Elle avait vomi un peu plus loin sur le trottoir et s'essuyait la bouche de la manche droite de son gilet gris, ses yeux papillotaient de fatigue et ses joues étaient roses à cause de l'alcool. Elle jurait et titubait de temps à autre, traînant des pieds dans une démarche irrégulière. C'était exactement ce bruit qui agaça fortement Caleb qui était de l'autre côté de la rue. Il portait un manteau droit trois quart noir ainsi qu'une veste de la même couleur par en-dessous, un pull-over moulant était la dernière couche qui le séparait de l'air frais. Alors qu'elle s'apprêtait à sortir un briquet afin d'allumer la cigarette qu'elle tenait maladroitement entre ses doigts, elle fut surprise par cet homme avant de lâcher le tout au sol.

— Levez les pieds quand vous marchez. Ça peut en agacer ceux dont l'ouïe est fragile, persifla-t-il en arrivant à son hauteur.

La jeune fille le dévisagea, arqua un sourcil avant d'essayer de le dépasser. Mais Caleb lui barrait le chemin d'un pied ferme.

— Laisse-moi passer, sale con !

Il était encore hésitant, mais la mine suffisante de la brunette avait fini de le décider.

— Oh ! On sort vite les gros mots, j'adore l'éducation de nos jours, répliqua-t-il, visiblement amusé par les efforts de l'humaine.

Elle tenta de le bousculer en s'appuyant de tout son poids sur lui, mais il ne vacilla pas. Il arbora un étrange sourire machiavélique.

— Alors, la petite veut utiliser la force ?

— Putain, ce que tu fais chier ! Laisse moi passer ou j'appelle les flics !

Les yeux de l'adolescente brillaient d'une lueur de colère, elle ne saisissait pas l'ampleur de la situation.

— Avec ça ? répondit-il d'un ton taquin en montrant un téléphone tactile dans une main avant de le briser en morceaux. Il va falloir trouver autre chose pour m'intimider jeune fille.

Cette phrase qui venait de quitter ses lèvres avait un ton vicieux et menaçant. Son visage, jusque là encore humain, s'était voilé de son expression de chasseur assoiffé de chair, celle de la bête. L'adolescente ne lui était plus indifférente et sentait le mal qu'il dégageait. Quelque chose clochait chez cet homme mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, sans doute à cause de son état d'ivresse, pensa-t-elle.

Caleb lisait la peur dans la lueur de ses yeux noirs, ce qui le fit sourire cette fois à pleines dents. Il dévoila par la même occasion une dentition des plus étranges, des dents et crocs difformes encore plus tranchants qu'une lame de rasoir. Le visage de l'adolescente se déforma en une expression de terreur, Caleb s'écarta de quelques pas lui cédant le passage. Alors qu'elle fixait, avec insistance, ces canines luisantes, la créature lui murmura à l'oreille :

— Courrez, courrez jeune fille. Aussi vite et loin que vos jambes sauront vous porter.

La brunette ne se fit pas prier et ne demanda pas son reste. Elle courut aussi vite qu'elle pouvait et scella de la même façon son destin : elle fit sans le savoir ce que désirait le prédateur,

la prendre en chasse.

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