Chapitre 3

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Page 2 de l'écrit de Caleb.

« 6 Juillet 2016.

Ayant trouver d'autres occupations plus intéressantes que d'écrire dans ce vieux journal, j'avais abandonné cette stupide idée. Mais pour une raison quelconque, elle persistait dans mon esprit. Un jour, il y a bien longtemps, j'ai entendu un philosophe à la noix prononcer "écrire pour ne pas oublier". Même si ces hommes aux grandes gueules et aux "nobles" causes devraient descendre de leurs chevaux, ils ont cependant parfois raison.

Malgré la haine que j'éprouve envers toute forme de vie, j'aimerai conserver certains souvenirs. Alors je vais écrire, pour ne pas oublier. Je vais te raconter mon histoire, amas de papier, et te conserverais le plus précieusement possible.

Commençons donc par le commencement...

Contrairement aux légendes épiques et aux histoires fantaisistes, je n'étais pas un enfant de la providence ou l'élu d'une prophétie sortie tout droit d'un conte de fée. Si il y a bien un dieu dans ce monde, alors il est foncièrement sadique. L'ère qui assista à ma naissance remonte beaucoup trop loin dans le temps pour qu'elle soit définie.

Je me souviens de l'air pur, non souillé de toute la pollution d'aujourd'hui. La nature était reine et la survie chaque jour un combat. On y vivait en tribus et clans... Je m'égare ! Je ne vais pas m'attarder sur la description de l'environnement, peut-être une autre fois. Ce qui s'imprima à jamais dans ma chair et esprit n'était autre que ma "transformation".

Je suis né voilé. Certains parlaient de chance tandis que moi je criais aux malédictions, et à raison. Je ne ressemblais en rien à mes géniteurs, sans parler de ma taille surdimensionnée. On me prenait pour un géant, je ne passais pas inaperçu lorsque je traversais notre clan, m'attirant des œillades inquiètes et curieuses. A ma simple vue, le peuple était pris de frénésie et parfois de violence. Ma force monumentale ne faisait que m'isolait des autres enfants de mon âge, mais ce qui scella ma réputation de monstre auprès des miens ne fut autre que ma dentition étrange qui apparut d'une façon soudaine. Ma mâchoire devint une puissante machine à broyer les os les plus coriaces. Tous me rejetaient catégoriquement, à l'exception de l'orpheline. On n'osa pas m'exiler à cause de ma génitrice et de la crainte qu'elle aspirait aux autres membres du clan.

Paraissait-il que ma mère était une catin de sorcière qui copulait avec les démons et que c'était de cette façon qu'elle m'avait conçu. Et pour conjurer ce magnifique sort, elle m'avait nourri, à mon insu, de sang de nouveaux nés durant le mois précédant ma majorité. Afin de conclure cette très belle histoire, elle me transperça le cœur durant mon sommeil d'une longue pierre aiguisée. Ah, je ne me lasserai jamais de la raconter ! Ça m'émut à chaque fois !

Je garde bien sûr le meilleur pour la fin ! En me réveillant dans ma mare de sang et transpiration, j'était en pleine hallucination, fiévreux de surcroît. Mes sens étaient en feu. Les douleurs aiguës qui me tailladaient les entrailles s'ajoutaient au son strident qui me saignait les oreilles. Les sifflements de l'enfer se mêlaient aux voix, respirations et battements de cœur, surtout aux pulsations. Ces fichues pulsations, le trajet du sang, chaque fois que le cœur le pompait ailleurs je le percevais... C'était à la fois fascinant et étrange. Elles m'appelaient à elles, et cette odeur... l'odeur du sang, pour la première fois j'eus une faim vorace. J'avais faim mais en même... j'étais nauséeux. Je ne comprenais rien à ce qui se déroulait, tout était si confus et insensé. Je devrais être mort, et pourtant j'étais là à regarder ma génitrice d'un air ahuri. J'observais cette femme qui me transcendait de son regard glacial et vicieux. Elle souriait à pleine dent, et je jure que cette vision dans le noir absolu était un spectacle à retourner l'esprit. Elle avait cette lueur du devoir accompli dans les yeux, une fierté, dont je ne saisissais pas le sens, idiot et innocent que j'étais. Quand j'appris le sort qu'elle me réservait avant même ma conception, je me suis enfoui comme le ferait un courageux guerrier.

Je n'étais qu'une offrande destinée au démon auquel elle vouait un culte et un amour aveugle. Je l'aurai bien étripé sur place, mais elle devait à coup sûr pouvoir me neutraliser sans effort. Je me retins donc de l'approcher. Après tout, elle m'avait conçu et connaissait mes moindres faiblesses. Une once d'intelligence que je ne regrette pas.

Voici ma naissance.»


-


— Mets le feu au bâtiment, voire même au quartier. C'est le mieux à faire. Cela effacera toute trace de ton passage et de ta porcherie, ordonna Caleb d'une voix ferme, soutenue d'un regard déterminé.

Tony l'observait avec incompréhension, il arqua le sourcil.

— Pourquoi la totalité du quartier ? Est-ce vraiment nécessaire ou tu souhaites faire une entrée en scène toute en feu ?

— Est-ce de la peur que je sens ? Ou de la stupidité ? Tu ne te serais pas attacher aux habitants de cette ville, tout de même ? Fais marcher un peu ta petite cervelle. Si une seule maison, abandonnée qui plus est, prend feu d'une façon soudaine et sans aucune raison apparente, cela attirera l'attention sur les corps calcinés qui s'y trouvaient lors de l'incendie. Et étant donné l'étendue de la science de nos jours, les humains ne tarderont pas à comprendre que ces morts n'ont pas été causé par le feu. Alors que si une grande majorité de personnes périssaient dans les flammes, on ne chercherait pas la cause de la mort, car elle est toute trouvée. Ils se focaliseront davantage sur l'identité des morts ainsi que l'origine du feu. Enfin, il leur sera difficile de déterminer la cause de la mort avec de la cendre. Est-ce clair maintenant ?

— Comme de l'eau de roche..., répondit Tony légèrement offusqué.

Il se sentait idiot d'avoir posé la question, il savait que Caleb ne faisait jamais rien d'inutile.

— Ne t'inquiète pas, cher ami. Tu retrouveras ton honneur et ton rang, ainsi que le respect qui t'ait du. Bientôt. Allez, au travail. Nettoie moi tout ça.

— Attends ! Où est-ce-qu'on se retrouve ?

— Au manoir des Haringhton.

— Mais il est habité de nos jours...

— Par des humains ? cracha-t-il armement, il jetait un regard chargé de reproche à son interlocuteur.

— Oui. Je crois qu'ils l'ont transformé en une institution, un truc dans le genre...

— Nous allons le reprendre et lui redonner sa gloire d'autrefois. Depuis quand se soucie-t-on des humains et de ce qui leur, soit disant, appartient ? Officiellement, ce manoir est ma propriété. Je l'ai fait construire.

Visiblement, ces envahisseurs le dérangeaient plus que de raison.

— Oui et un de tes descendant l'a vendu, pour presque rien, pendant que tu "hibernais".

— Occupe toi du nettoyage, je récupère notre ancienne demeure et je pars à la chasse au vampire.

— Bien, lança-t-il sèchement avant de s'atteler à sa tâche.

De sa démarche soutenue et droite, il sorti avec dignité de cette fosse à carcasse que Tony qualifiait de refuge. Prochaine destination avant Londres, le bureau du notaire. Le Notaire, en fait. Cet homme était un humain descendant d'une des nombreuses familles qui servaient les vampires et les vénéraient aussi loin qu'on puisse se souvenir. Le poste était transmis de père en fils et consistait à gérer les comptes et finances des plus importants vampires dans la société, peu d'entre eux pouvaient s'offrir les services hors de prix des notaires. A chaque réveille, Caleb rendait visite à son employé qui conservait sa fortune à l'abri des yeux de la convoitise. Il était très riche, pour ne pas dire milliardaire. Il possédait plusieurs entreprises auxquelles ils ne portaient que très peu d'intérêt, laissant la gérance aux humains ou à certains de ses "enfants".

Il voulait reprendre son bien d'une manière diplomatique, mais si les occupants actuels du manoir venaient à refuser, cela en serait on ne peut plus amusant. Ensuite, il partirait à la recherche des membres survivants du Conseil pour rétablir son royaume et afin de pour suivre à la trace ses anciens sujets.


*


— Une bibliothèque ? C'est respectable, marmonna Caleb en observant en contre-bas l'édifice sinistre qui lui servait autrefois d'habitat, une bâtisse à la fière allure et au toit en pointe.
Il se tenait debout face à l'entrée du manoir accompagné de Tony, qui scrutait les alentours d'un œil nostalgique.

— Tu n'es pas en colère ?

— Beaucoup moins. Les lieux de savoir sont une bonne chose pour ces petits êtres humains. Allons-y. Ils nous observent de leur fenêtre depuis déjà une dizaine de minute.

— Ouais, passe devant, proposa-t-il.

Caleb tira la corde de la cloche authentique du manoir, les propriétaires ne tardèrent pas à se présenter aux portes après quelques minutes d'hésitation.

— Bonsoir, lança froidement l'homme brun à la barbe de trois jours et à la chemise à carreaux, sa femme se dissimulant presque dans son dos.
Elle représentait parfaitement le cliché de la bibliothécaire aux lunettes et au chignon. Elle était intimidée mais paradoxalement intriguée par le regard du délicieux Caleb, aucun humain ou vampire ne résistait à ses charmes.

— Bonsoir à vous, répondit-il d'une voix grave et enjouée, Tony se contenta de hocher la tête.

— Entrez, entrez..., répliqua l'homme, toutefois très hésitant.

Les deux entrèrent l'un après l'autre, Caleb observait l'énorme lustre de cristal qui pendait du plafond du vestibule. Presque rien n'avait changé si ce n'est ces immenses étagères pleines de livre qui occupaient tout l'espace.

— Je suis heureux que vous n'ayez pas touché au papier-peint ni aux sculptures, mais surtout à la décoration, parla ouvertement Caleb, en soupirant de satisfaction.

L'homme le regarda d'un air de mépris et le dévisageait, le trouvant trop arrogant.

— Au téléphone, je n'ai jamais parlé de vous vendre le manoir. Simplement que vous pouviez le visiter, d'ailleurs j'aurai préféré que ça soit en journée !

— Excusez-moi mais, est-ce-que j'ai l'air de me préoccuper de vos envies ? répondit-il tout en arborant son plus beau sourire.

La jeune femme bouscula son mari du coude avant de lancer :

— Ce n'est pas poli de laisser nos invités sur le seuil de la porte. Venez, je vous offre du thé.

— Non. On est pressé, cracha Tony avant d'être repris par Caleb.

— Nous avons tout notre temps, voyons. Je prendrai volontiers cette tasse de thé.

Il accompagna sa parole de son sourire séducteur, habituel, qui fit rougir la jeune femme.

Ils s'installèrent autour d'une table de verre sertie de moulures argentées, on y avait disposé des tasses et une théière en porcelaine.

Tous étaient assis sur des fauteuils aux accoudoirs en bois sculpté avec goût, datant probablement de l'époque victorienne.

— Ah cela me réchauffe le cœur de voir mes biens entre de bonnes mains. Vous avez pris soin de mes meubles ainsi que du manoir.

Le mari se crispa alors qu'il écoutait ce prétentieux envahir sa récente maisonnée.

— Oui, nous adorons les objets d'époque. Cela nous fait voyager ! gloussa la jeune femme rouge comme une tomate.
Toute excitée qu'elle était, elle remontait une énième fois ses lunettes. Son compagnon lui jeta un regard chargé d'éclairs, s'excusa auprès des invités avant de lui intimer de le suivre.

— Il est hors de question de leur vendre le manoir ! Qu'est-ce-que tu fabriques ?

— Écoutes-les d'abord ! Ils ont peut être quelque chose d'intéressant à proposer.

— Plus intéressant que le manoir ? J'en doute ! C'était l'affaire du siècle. Le drogué qui nous l'a vendu n'en connaissait pas la valeur, c'était presque gratuit ! Et cette bibliothèque au concept original et au décor ancien qu'on a créé attire les plus riches ! On se fait du bénéfice sans n'avoir rien investi, pas question d'envisager de le vendre ! chuchotait-il en grognant, la jeune femme se renfrogna.

Il revint d'un pas sûr vers les invités, déterminé à les jeter dehors.

Évidemment, Caleb et Tony avaient saisi la totalité de la discussion. Ils attendaient avec impatience le retour des hôtes.

— Un million de livre pour le tout, et je vous laisse en vie en prime. Qu'est-ce-que vous en dites ? clama Caleb avec résolution, se levant brusquement.

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