Pressée de retrouver Lucas, je regarde l’horloge murale de la salle de classe encore une fois.

– Dis ? l’appelé-je.

– Hum ?

– Alors ? As-tu choisi ? Où allons-nous ?

– J’hésite encore… Chez moi ? Ou au cinéma ? se demande-t-il. Cinéma : sursaute, se réfugie dans mes bras…

– Je te préviens tout de suite, je déteste les films d’horreur… lui dis-je tandis qu’un mot clignote dans ma tête : cliché.

– T’as raison, abandonne-t-il. Je n’aime pas ça non plus… (Adieu câlin dans le noir…) Alors, tu veux venir chez moi ? (À moi le câlin ?)

Et rencontrer ses parents ? Hors de question. (Bye-bye câlin…)

– Ils ne sont pas méchants. (Sniff !)

– Que dis-tu d’une comédie ? éludé-je. (Mignon câlin ?)

– Mouais… (Oh, intéressant !)

– D’un film d’action, dans ce cas ?

– Hum. (Un câlin clandestin pouvant être surpris par des spectateurs ?)

– Je te promets que j’aurais un peu peur. Il y a même des chances pour que j’aie besoin de toi… Tu comprends, c’est vite angoissant ! (Câlin assuré !)

– OK ! s’exclame-t-il, viqiblement bien plus enthousiaste. (Câlin en vue !)

Je ris sous cape. Gagné. Trop facile…

– « Gagné » ? C’est ce qu’elle va voir… se dit-il, se sentant tout à coup défié.

Mince, ça sent les représailles.

– La séance est à dix-sept heures trente, l’avertis-je en pianotant sur mon téléphone. Ça te convient ?

– Parfait. On se retrouve devant ?

– D’accord !

Une heure et quarante minutes plus tard, je sors de cours en trombe, bien décidée à être en avance.

– Je devrais y être aussi.

Je souris, toute guillerette. Un peu plus et je sautillerais de joie.

– À tout de suite, mon chou ! lui dis-je en montant dans le bus.

– Yep.

Peu de temps après, la connexion se rompt, apparemment signe qu’on se rapproche l’un de l’autre, si je ne m’abuse.

Quand j’arrive à destination, il est là et m’attend, les mains dans les poches. Je repense alors à la veille. Il m’avait fait la même surprise.

Un peu gênée, j’hésite entre la timidité et l’assurance. Mais peu importe mon choix, mes joues me trahissent tandis que je me remémore ce rêve qu’il a perçu pendant que je dormais. Je baisse le nez en arrivant vers lui et il caresse avec délicatesse ma pommette du pouce. Je lève timidement les yeux. Déstabilisée par son regard intense, je m’empresse de me blottir contre son torse et agrippe faiblement son pull.

Je me sens si bien. Et son odeur ! Un mélange de lessive au lait d’amande et… de lui. Indescriptible, mais enivrant.

Je suis tellement heureuse d’avoir reçu un pareil présent que les larmes perlent à mes yeux. Je remercie les forces de la nature de nous avoir réunis de nouveau. Ces retrouvailles… Peut-être Lucas est-il une récompense ? À moins qu’on ne m’accorde un répit avant de vivre un véritable enfer ? Le calme avant la tempête ? Je repousse cette idée peu probable. Comment une fille banale comme moi pourrait-elle subir une vie semée d’embûches ?

Quoi qu’il en soit, je ne sais pas si je l’ai mérité, mais je ne compte pas gâcher ma chance. Je n’ai pas une existence extraordinaire, je ne suis personne. Mais, avec lui, je deviendrai ce dont il a besoin. Un port où s’ancrer. Et il sera le mien.

— On y va ? me demande Lucas.

— Oui, dis-je en levant les yeux vers les siens.

C’est alors qu’il embrasse tendrement mon front. Son nez froid contre ma peau provoque un frisson le long de mon dos. Je le tâte de l’index, tout sourire.

En un geste rapide, il recule la tête et d’un claquement de dents, il essaye d’attraper mon doigt effronté. Je pousse un petit cri surpris en retirant ma main, puis j’éclate de rire. Il me regarde avec chaleur et me retourne mon sourire avant de glisser ses doigts entre les miens. Je frémis et nous nous mettons en route.