L'Île Mystérieuse

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Les gouttes de pluie tombaient sans interruption telles des bombes, martelant le sable fin d'une force colossale et creusant de profonds cratères.

Une ombre glissait sur la plage, fendant la tempête. Les trombes d'eau semblaient s'écarter sur son passage. À l'instant même où elle se glissait à l'abri des arbres, le tonnerre explosa dans la nuit. Un éclair tomba pile sur la frêle silhouette mais s'évanouit avant d'avoir pu l'effleurer. L'étrange inconnu progressait à travers la jungle, aussi facilement que l'avait été son cheminement sur la plage. La végétation se pliait devant lui, les arbres lui offrant une splendide haie d'honneur. Mais la nature devint soudainement beaucoup plus hostile. La terre se craquela, les branches se brisèrent et les feuilles furent pulvérisées. Une force monstrueuse se mit à arracher et projeter des bouts de bois et de roche dans toutes les directions : un ouragan s'était subitement formé au centre de l'île. Mais l'ombre avançait toujours. Les bourrasques dévastatrices, détruisant violemment tout ce qui l'entourait, ne l'affectaient pas. Des flammes bleues lui léchaient les bottes, sans plus de succès. Le sol semblait fondre, remplacé par un tapis de braises ardentes : un chemin luminescent parfaitement inoffensif aux yeux de l'impétueuse silhouette, qui le suivit hâtivement, sa cape glissant sur le sol. Après un certain temps, alors que le cataclysme paraissait donner tout ce qu'il pouvait pour stopper son avancée, le chemin l'amena au bord d'une large cuvette naturelle, dont le fond était masqué par l'impressionnante végétation qui remontait en s'entortillant le long des pierres.

D'horribles hurlements à glacer le sang s'élevèrent de la cavité. Ils constituaient maintenant l'unique paysage sonore de l'endroit. L'ouragan, n'ayant pas cessé depuis plusieurs dizaines de minutes, s'était arrêté aussi subitement qu'il avait commencé. Comme si l'île même avait abandonné devant le fulgurant tempérament que montrait cet étranger, ne parvenant même pas à l'atteindre. Les cris stridents s'accompagnèrent bientôt d'une nuée de créatures fantomatiques décharnées, qui commencèrent à tournoyer à toute vitesse autour de la petite ombre. Le son perçant qui sortait de leur semblant de bouche n'avait rien d'humain, pas plus qu'il n'avait quelque chose de vivant. Les spectres formèrent un cône brumeux autour de l'intrus, tentant de s'en emparer. C'est alors qu'une impressionnante déflagration sembla émaner de celui-ci même, réduisant les créatures à l'état de courants d'airs. Immaculée, la silhouette se glissa au fond du creux, et enfin, put le voir de ses propres yeux.

Surgissant, comme tout à fait incongru dans cet environnement - à juste titre - un gigantesque galion, dont les voiles s'étaient évanouies depuis des lustres, gisait sur le sol inégal. L'arrière du navire donnait l'impression de s'être entaillé sur la roche. La coque était constellée d'innombrables brèches, l'avant séparé du reste. La figure de proue, le squelette affreusement mutilé d'une gigantesque créature ailée à deux pattes, pointait redoutablement vers l'agile ombre, la fixant de ses orbites vides.

Cette dernière ignora son avertissement et se faufila aisément à l'intérieur de l'épave. Au sein de celle-ci, le spectacle était effrayant. L'armature était complètement dévastée. Des morceaux de bois, qui pendaient dans le vide, remuaient avec de sinistres craquements. Le vent, s'engouffrant par d'incalculables trous dans la structure, émettait de funestes plaintes qui résonnaient au sein du défunt géant des mers. Le sol était constitué d'une matière relativement solide, qui craquait sous les longues bottes noires serties d'or. La vive couleur blanche de cette matière réfléchissait la puissante lumière qui jaillissait de la baguette brandie. Dans cet amas exhalant une putride odeur de mort, on trouvait de tout : des fémurs déchiquetés aux omoplates ébréchées, en passant par les crânes cabossés. Le paradis d'un canidé, à n'en pas douter. Le festin d'une effroyable bête, peut être. Mais la téméraire silhouette n'avait pas le temps d'y penser. Elle courait presque sur le tapis osseux, sachant parfaitement qu'elle touchait au but. Après avoir rêvé de ce moment un nombre incalculable de fois. Dans les profondeurs du navire, elle trouva ce qui l'obsédait depuis si longtemps. Une simple porte de bois bardée d'un métal inconnu, surprenamment intacte, gravée d'une inscription composée de deux lettres :

H S

Lorsque la porte fut baignée de lumière, une troisième lettre, probablement grattée, difficilement visible, se révéla au milieu des deux autres :

H M S

L'intrus, bien trop pressé, ne s'embarrassa pas de délicatesse : il marmonna quelques mots, pointant sa baguette. Le métal se mit à fondre et une fissure vint couper la porte sur toute sa diagonale.

Les deux pans fragilisés se déchirèrent et tombèrent lourdement sur le sol.

Désormais, plus rien ne le séparait de ce qu'il était venu chercher.

Dans la pénombre lugubre du galion, la cale, maintenant accessible, scintillait au contraire de mille-feux. Une montagne de butin s'entassait du sol au plafond, jonchée de meubles raffinés, de cristaux en tous genres et d'autres coffres dorés. Ignorant cet incommensurable magot, les bottes noires traversèrent l'océan étincelant, rejetant les richesses amassées, écrasant les brillantes pièces de multiples devises. Elles s'arrêtèrent devant un coffre à l'apparence banale, au fond de la pièce. Celui-ci n'était pas serti de pierres précieuses comme la plupart de ceux empilés dans la cale. Légèrement cabossé à certains endroits, il avait traversé les âges et les tempêtes. De fins sillons sur sa surface, presque imperceptibles,​ se mirent à luire d'une vive couleur bleu-céleste. D'étranges symboles runiques de la même teinte apparurent alors sur le bois. Le bleu se mélangea bientôt au rouge sang qui gouttait sur le coffre. Le bras tailladé se retira et un léger cliquetis mécanique se fit entendre. Le couvercle s'ouvrit brusquement. Une machinerie infernale s'activait à l'intérieur. Les engrenages étaient imprégnés d'une substance particulière, un mélange de sang et d'un autre liquide. La mixture possédait une sombre couleur violette. Une vive énergie indéfinissable se dégageait des entrailles du coffre, devenant de plus en plus présente à chaque mouvement du mécanisme. La dernière roue dentée s'arrêta dans un dernier bruit métallique, puis ce fut le silence.

Inséré dans une complexe architecture protectrice, l'objet de ses profonds désirs était pour la première fois à portée de sa petite main. L'ombre l'avança avant de se raviser brusquement et de lever sa baguette, tremblante d'excitation. Quelques murmures, et les bras retenant l'objet se replièrent. Celui-ci s'éleva ensuite lentement au dessus du coffre, toujours baigné d'une forte lueur violette. Un instant plus tard il lévitait vers la silhouette, se rapprochant de sa main ouverte. Le trésor toucha délicatement la paume rugueuse. Le sol gronda.

Des morceaux de bois volèrent dans toutes les directions. L'étranger fit volte face et se protégea d'un écran magique. L'entrée de la cale n'était plus. Le trésor des pirates se déversait dans le trou béant qui l'avait remplacé dans un flot ininterrompu d'or. Quelque chose avait transpercé la coque du bateau sur toute sa longueur, crevant chaque solide cloison de bois, avant d'avoir achevé sa course en pulvérisant l'entrée de la cale. Une autre silhouette émergea des ténèbres du couloir transversal ainsi créé. Il s'agissait d'une jeune femme élancée, le haut de son visage dissimulé sous un chapeau aux larges bords. Une chevelure dorée indisciplinée tombait en boucles sur un décolleté prononcé. Quelque chose scintilla derrière les cheveux blonds. Pendant qu'elle s'approchait d'une démarche lente mais assurée, les débris de planches volaient en tous sens autour d'elle, égalisant le sol devant ses pieds pour l'empêcher de trébucher. La petite ombre ne bougea pas. La main crispée sur sa baguette levée, elle attendit. Un mince sourire se dessina sur les lèvres pourpres de la jeune femme qui lui faisait à présent face. Sa voix vibra dans les décombres du navire :

- Voici enfin venue l'heure de notre rencontre !

L'autre ne répondit pas et se contenta de scruter l'inconnue, sur la défensive. Celle-ci reprit :

- Je constate que tu ne sais pas encore qui je suis. À l'inverse, je connais tout de toi Alice... Un bien joli nom pour se fondre dans la masse n'est-ce pas ?

Les traits de l'étrangère se décomposèrent. Paniquée, elle s'apprêta à lancer un sort, mais elle fut projetée au sol avant d'avoir eu le temps d'esquisser le moindre geste. Sa baguette atterrit plusieurs mètres derrière elle.

- Inutile de tenter quoi que ce soit, tu es bien trop faible pour le moment...(dit-elle sans changer de ton) même si nous disposons des mêmes pouvoirs... ajouta t-elle avec un sourire.

Alice ne répondit toujours pas. La soudaine panique qui l'avait assaillie venait de s'évanouir. Le visage fermé, elle réfléchissait. Elle avait absolument tout prévu dans les moindres détails. Tout, sauf ça. Elle ne comprenait pas ce que cette femme faisait là, quelles étaient ses intentions et surtout, elle était sûre de ne l'avoir jamais vue de sa vie. La jeune femme avait parfaitement conscience de la subtilité de l'art de la manipulation, la plus fine magie qu'il lui avait été donné de manier. Ravie de l'effet que provoquait son discours sur l'enfant, elle reprit alors du même ton neutre :

- Cependant il faut reconnaître que tu as réussi à arriver jusqu'ici sans trop de dommages, au nez et à la barbe du Ministère, accomplissant le rêve de nombreux chasseurs de légende au passage...

Alice avait la désagréable impression que l'inconnue lisait son esprit comme dans un livre ouvert.

- Et ce subterfuge, consistant à utiliser les méthodes des Héritiers de Pinkstone pour sécuriser ta correspondance avec ce Sir Bragnam (son accent était impeccable), un allié de poids dans ta quête...à qui tu as menti éhontément, en t'inventant une sœur, tantôt travaillant au Ministère, tantôt pourchassée par ce dernier ! Pratique... Tu les as tous trompés. Mais pas moi.

Comment pouvait-elle savoir tout ça ? C'était impensable, la jeune fille avait été si prudente...

- Tant d'ouvrages consultés, à toute heure du jour et de la nuit...une langue plus ou moins apprise...sans broncher une seule fois...n'hésitant pas à modifier la mémoire d'une amie trop curieuse...et nous nous retrouvons ici, au sein de l'épave du Hope Sweeper... je dois dire que c'était plutôt excitant à suivre... et impressionnant... Même si cela peut en revanche aisément s'expliquer par notre passé commun qui nous fait honneur, à toi et à moi... termina t-elle.

- Un passé commun ? s'écria Alice, qui s'était relevée d'un bond.

Les mots étaient sortis tous seuls de la bouche de la jeune fille, qui n'avait pu se contrôler devant l'absurdité des propos de l'inconnue. Ses jambes tremblantes trahissaient son état interne chancelant.

- Tu me fais enfin le plaisir de pouvoir entendre ta voix de petite fille nasillarde, quelle belle évolution !

Cette fois-ci ce fut un sourire narquois qui se dessina sur les lèvres écarlates de la jeune femme. Alice ne supportait pas le ton arrogant qu'elle se plaisait à employer.

- Répondez-moi ! s'évertua t-elle.

Les tremblements qui agitèrent sa voix, lui faisant perdre le peu de menace qu'elle espérait y mettre, ne furent pas volontaires.

- Quelle impatience ! J'imagine que celle-ci est liée à l'ignorance de l'adolescence, sourit l'inconnue de toutes ses dents.

Du bout de sa baguette somptueusement ouvragée, elle releva légèrement le bord de son chapeau. Des yeux vifs scintillèrent dans la pénombre, surmontés de légers sourcils arrondis. Un nez délicat et des lèvres ourlées achevaient ce visage impénétrable. L'expression d'Alice changea. Les souvenirs affluaient dans sa tête, une mémoire oubliée qui refaisait surface, mais incomplète et nébuleuse. Elle connaissait ces traits fins. Prise de vertiges, elle porta une main à son front.

- Ça y est, je le sens ! Tu te rappelles de mon visage, ou plutôt devrais-je dire, du nôtre. Nous sommes liées au plus profond de notre âme, par une magie ancienne qui, même si cela paraît inconcevable, nous dépasse ! s'anima la jeune femme.

Cela ne pouvait pas être possible, comment une telle vérité avait t-elle pu lui échapper ? L'hypothèse du mensonge était omise. Ce visage, cette démarche, l'éclat du miroir, sa main qui parcourait cette chevelure dorée indisciplinée...le diamant qu'elle n'enlevait jamais... Non ce n'était qu'un fantôme, un épouvantard, une entité démoniaque, gardien de la fortune du Hope Sweeper. Elle n'était et ne pouvait pas être réelle... Il était temps de s'en débarrasser... Alice s'était rapprochée de sa baguette qu'elle avait réussi à agripper, malgré l'ouragan de questions et de réponses qui s'entremêlaient dans son esprit tourmenté.

- Ce...ce n'est pas possible ! s'écria t-elle soudainement, tendant le bras et déversant une incroyable série de jets d'énergie, que son adversaire para directement. Son sourire moqueur avait cependant quitté ses lèvres pincées.

- J'ai toujours été seule ! Je n'ai pas de famille, pas de passé, rien !

Ces derniers mots avaient été criés avec temps de force qu'elle avait l'impression que ses cordes vocales allaient exploser.

- Mais ne t'es tu jamais demandée la raison de ce vide existentiel, petite imbécile ? cracha l'autre.

- Je suis unique, c'est tout !

- Ton ignorance me chagrine devant le déferlement de magie que tu es capable de provoquer à ton âge... s'impatienta la jeune femme.

Elle bougea légèrement la tête, ses cheveux blonds épais dévoilant de petites oreilles, agrémentées de magnifiques bijoux... Le cœur d'Alice rata un battement. Le diamant qu'elle aimait tant l'aveugla l'espace d'un instant. Cette femme portait la copie identique des boucles d'oreilles qu'elle avait reçues à Noël...cette paire qui paraissait aller aussi bien à cette inconnue qu'à elle-même...ces bijoux qu'elle savait parfaitement adaptés à la forme de son visage...

- Je...je sais que je suis différente des autres...je...je suis plus forte...plus intelligente... bafouilla Alice, qui n'arrivait plus à comprendre ce qu'il se passait.

La colère de la jeune fille faiblissait, l'incompréhension et la douleur psychologique d'avoir le sentiment de ne plus se connaître la remplaçait petit à petit. Pour la première fois depuis longtemps, elle doutait d'elle même. Elle baissa sa baguette.

- Oui ! Voilà enfin quelque chose de sensé ! s'écria la femme comme si elle avait lu dans ses pensées. Je t'ai laissé t'enfuir avec nos bottes et tout l'or qu'elles contenaient...j'ai fait faire pour toi cette copie de nos boucles d'oreilles, en espérant que cela réveillerait ta mémoire ! Cela n'a pas marché directement comme je l'escomptais, mais désormais...je peux le percevoir...ton petit cerveau de petite sotte se souvient lui... Ressaisis toi ! Remémore toi cette nuit sans lune, le jour où nous avons échoué, le moment où le sortilège nous a frappé.

Les images défilaient à une vitesse ahurissante dans l'esprit d'Alice. Aux nombreuses réponses se mêlaient toujours plus de nouvelles questions. Elle entrevit un combat, bref, mais terriblement destructeur. Puis plus rien, le noir total, comme si le film de sa mémoire venait de s'arrêter brusquement. Le souvenir engloba son esprit.

Ses yeux s'ouvrirent avec difficulté. Des décombres, des flammes, la destruction à perte de vue. Elle était revenue dans son cauchemar de l'été dernier. Mais cette fois, tout était bien moins confus. Elle voyait distinctement. Elle se leva. Le ciel...strié de nombreuses traînées dorées, qui semblaient retomber en une pluie d'étoiles aux quatre coins du monde. Les courants d'énergie étaient tellement puissants qu'ils paraissaient déformer la voûte céleste, constellant celle-ci de multiples tourbillons qui altéraient la forme même des constellations d'étoiles. Un tableau magnifique. Un flash soudain lui brûla les yeux, puis l'éclair percuta le sol à quelques centaines de mètres d'elle. La terre gronda, les environs se désintégrèrent sous la violence de l'impact. Ses oreilles devinrent subitement muettes. Alors, dans son esprit où une multitude de questions nébuleuses apparaissaient, une évidence même s'imposa à elle : il fallait fuir. Tout de suite. La petite fille se mit à courir, les rayons de lumière éblouissants continuant de crever la nuit ténébreuse. Elle ne savait pas qui elle était. Elle ne connaissait pas son nom. Elle ignorait l'endroit où elle se trouvait. Sa seule certitude était qu'elle devait courir, sans s'arrêter. Au bout d'un moment, elle entendit des cris derrière elle, des pas qui se rapprochaient. Elle accéléra encore sa vitesse, puisant son énergie dans sa peur d'enfant. On l'avait prise en chasse. Mais pourquoi ? Cette question n'avait aucune réponse. Elle savait uniquement au plus profond d'elle que si elle se faisait rattraper, tout était fini. Courant toujours plus vite, elle examina brièvement sa peau brouillée par la vitesse. Des marques de brûlures scintillaient sur tout son corps, la faisant souffrir à chaque mouvement. Ses bottes noires butaient sur les racines et les pierres du terrain. De magnifiques bottes, aux attaches dorées, curieusement parfaitement adaptées à son pied. Plusieurs fois, elle trébucha, roulant dans la poussière. À chaque fois, elle se releva péniblement, et se remit à courir, son corps tout entier étant focalisé sur cette simple action. Devant elle, les premières lueurs du jour apparurent, les rayons de l'astre ardent s'immisçant entre les troncs de plus en plus épars. Puis il n'y eut plus d'arbres. Uniquement l'herbe humidifiée par la rosée du matin. La nature n'émettait plus aucun bruit suspect. Elle ne sentait plus de présence derrière elle. Le ciel semblait avoir retrouvé une teinte normale, apaisante. Un bleu azur sur lequel se détachait sa chevelure dorée. Comprenant que le danger s'était évanoui, l'adrénaline la quitta d'un seul coup. Elle s'écroula de tout son long. Et ne se releva pas. Ce furent les ténèbres qui l'accueillirent.

Alice hurla. Elle était revenue à elle, sur le sol pourri de la cale du Hope Sweeper, sur une île en plein milieu du Pacifique. L'endroit était totalement dévasté. Elle pouvait voir le ciel orangée au dessus d'elle, les derniers rayons de lune baignant les planches moisies qui l'entouraient. Ses horribles mains, zébrées de cicatrices, seul vestige des temps oubliés de sa mémoire morcelée, tremblaient. L'une était serrée sur sa baguette poisseuse, son autre poing était refermé sur quelque chose de dur. En se relevant, Alice ouvrit lentement le poing, ses doigts ankylosés par la pression qu'elle avait exercé sur l'objet.

Une douce chaleur se répandit dans tout son corps et un puissant reflet violet éclaira son visage. L'Éclat Céleste brillait de mille-feux dans les premières lueurs du jour, qui s'infiltraient dans la coque du désormais impuissant géant des mers. Le plus beau et authentique sourire d'Alice se dessina sur son visage d'enfant, qui n'était en réalité qu'un leurre pour dissimuler une noirceur inexpugnable, enfouie sous les nombreuses couches d'un esprit calculateur.

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