Les ardoises (1.2.4)

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Tome 1 > chapitre 2 > partie 4

Il avança tranquillement et parcourut les premières ardoises, lisant le nom des écoles et cherchant ceux de ses connaissances pour voir si leur souhait, au moins un, avait été exaucé. Il fut content pour eux à mesure qu’il les découvrait, imaginant leur réaction, essayant de deviner leur futur. Il avait souvent veillé d’une manière discrète sur les gens rencontrés ces dernières années, apportant du soutien et de l’aide lorsqu’il le fallait. Entraîner à une parade à l’épée, débrouiller un problème mathématique ou expliquer un concept philosophique. Le plaisir d’aider, d’apprendre, de former. Il éprouvait de l’affection pour beaucoup d’entre eux.

Il allait les quitter tous à présent, un autre avenir l'appelait.

Il lui fallu du temps pour se faufiler dans la foule. Jamais il ne bouscula quelqu’un, peu se rendirent compte de son passage dans leur dos. Il parcourut bien plus de la moitié des ardoises sans y trouver son nom. Il n’en attendait pas moins. Chaque pas l’amenait vers un destin un peu plus grand.

Il poursuivit son chemin jusqu’à voir des hommes particulièrement disciplinés occuper une crayée : les Paladins de l’Unique. Anaelis ne les aimait pas, rien que leur nom pompeux à souhaits en disait long. Ils appartenaient à une sorte de religion étrange apparue deux siècles plus tôt. Cette croyance niait le folklore agréable des cultes polythéistes et érigeait en principe l’existence d’un seul et unique dieu. Dieu qui un jour enverrait ses anges sur le Continent pour guider les Hommes. Tout cela était un peu trop fanatique au goût d’Anaelis. En tant qu’athée, il souhaitait ne rien avoir à faire avec eux. Il regrettait même leur inclusion dans l’armée, compliquée mais nécessaire, pour ne pas les laisser devenir une armée religieuse.

Il avait beau ne pas les apprécier, il restait impressionné par leur allure. Lourdes armures impeccables, bouclier dans le dos, tabards et capes au sigle de leur culte : une colline surmontée d’un homme ailé, dominés d’une étoile. Ils portaient leurs masses d’armes, l’une lourde et grande qu’ils maniaient à deux mains, l’autre plus petite pour l’utiliser avec le bouclier.

Deux masses, très utile aujourd’hui... pensa Anaelis.

Les Paladins de l’Unique avaient un besoin maladif d’occuper l’espace, dans un but de prosélytisme inavoué. Les quatre qui se tenaient côte à côte en surveillaient les environs donnaient l’impression d’un mur d’acier. Derrière eux se trouvait l’un de leurs prêtres. Fluet en comparaison, sur le début de la vieillesse, en longue robe beige, il discutait paisiblement avec des membres de son ordre.

Un adolescent à frêle carrure regardait l’ardoise, l’air triste. Il s’approcha du groupe. L’homme de foi lui adressa un sourire aimable. Le jeune croyant posa genou à terre devant le prêtre. Ce dernier lui demanda de se relever pour discuter.

Anaelis s’approcha de l’ardoise pour écouter la conversation. Il reçut un regard de la part d’un paladin, mais son physique le désignait comme un guerrier, aussi n’attira-t-il pas plus l’attention. Des années d’entraînement dans le désir d’intégrer les Chevaliers Sanges avaient modelé son corps. L’œil averti reconnaîtrait sa carrure et sa musculature discrète et s’en méfierait, il saurait que cet homme était capable de bien plus qu’il n’en avait l’air.

— Maître, je n’ai pas été admis. L’Unique ne veut-il donc pas de moi ?

L’un des paladins, une baraque, eut un reniflement moqueur. Le prêtre le regarda une seconde, suffisante pour le faire reculer d’un pas et baisser la tête.

Anaelis aurait aussi eu un geste de moquerie s’il n’avait souhaité être discret, mais ce pour des raisons différentes. Inventer un être imaginaire, croire qu’il nous rejette et s’en affliger en conséquence, voila ce qui le rendait dédaigneux.

— Je le sais, répondit le prêtre. Cela ne signifie pas que l’Unique refuse ton engagement. Il y a d’autres moyens de le servir.

— Mais si je ne peux combattre en son nom, comment ?

— Nous ne combattons pas en son nom, nous protégeons les autres en son nom. Je souhaite que tu passes au temple demain, tu me demanderas, et je te guiderai sur le chemin que l’Unique a tracé pour toi.

Quelle ne fut pas la joie du jeune homme. Un enfant face à un cadeau. L’innocence même.

Simplet, pensa Anaelis en s’éclipsant.

A contrario des paladins, un autre groupe discutait bruyamment un peu plus loin, devant la crayée de la Cavalerie Impériale. Anaelis leur reconnaissait une prestance certaine, avec leur port droit, leur uniforme marron et leurs bottes soigneusement cirées ; mais aussi que leur humilité s’en était allée aussi vite que leurs chevaux. Chevaux qui galopaient bien rapidement vu qu’il s’agissait d’une cavalerie légère. Anaelis préférait de loin une lourde cataphractaire avec ses lances de plusieurs mètres et ses armures impénétrables. Aussi reprit-il son chemin sans s'attarder.

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