Les gardes de la cité (1.1.5)

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Tome 1 > chapitre 1 (prologue) > partie 5

Andenos, demeuré à la fenêtre avec Minae, apostropha Astheïa.

— Des cavaliers sortent de la ville. Une trentaine. Très pressés.

— Qui vois-tu ? demanda-t-elle.

— Trop loin pour l’instant. Je parie sur la garde de la ville. Passe-moi ta longue vue Natseli.

Il continua à les observer jusqu’à ce que le brouillard cernant la tour ne les happât à leur tour.

— L’Administrateur est là, je dirai quatre mages et une vingtaine d’hommes d’armes. Ils viennent de traverser le pont.

Astheïa réfléchit quelques secondes.

— Bloquez la porte du bas, les tables ici devant l’escalier pour les empêcher de rester groupés, poussez les étagères devant les fenêtres, il n’y a plus rien à voir dehors.

Certains soldats la regardèrent avec malaise tant elle semblait traiter les arrivants en ennemis, d’autres descendirent immédiatement. Très rapidement tout fût fait selon ses ordres et ils se retrouvèrent tous en haut.

— La porte est verrouillée, le bas est dans un fond d’eau qui s’infiltre par les murs et les étages inférieurs sont noyés de brume, on ne pourra bientôt plus descendre ni sortir, déclara l'un des protecteurs.

Reclus dans leur pièce, ils s’imaginaient en pleine mer, abrités dans la cale d’un navire malmené par la tempête, l’eau montant à leurs pieds et ne pouvant qu’écouter impuissants les grincements inquiétants de la coque autour d’eux.

Ayant son groupe réuni de nouveau, Astheïa prit la parole, haussant le ton pour se faire entendre.

— L’Archimage nous a confié une mission, et nous allons la mener à bien. Les gens qui arrivent sont nos frères, l’Administrateur est avec eux, et nous allons leur témoigner le respect dû. Mais ce soir, il ne commande pas. L'assemblée des Décideurs a validé ce que les mages font en ce moment même. Ça paraît plus terrible que ça ne l’est, vous connaissez la magie suffisamment bien pour ne plus être impressionnés par quelque brume, tremblement ou éclair. Entendez-moi bien compagnons : personne ne passe cette porte.

Des coups résonnèrent en bas, cris étouffés les appelant, puis une détonation, la porte cédant violemment. Bruits de bottes dans l’escalier, cohue de soldats de la garde, visage tendu de l’Administrateur.

Appuyée contre la porte scellée menant à la terrasse, Astheïa les attendait, impassible en apparence. Ses hommes avaient repris leur calme dans le chaos grandissant. Ils avaient revêtu leurs casques, certains tenaient leurs boucliers. Tous sentaient l'affrontement venir, en ça ils étaient en terrain connu.

Une sphère dans la main, elle maintenait une légère aura lumineuse autour d’elle, symbolique message rassurant de leur commandante à ses frères.

— Astheïa Souffléclat, il faut arrêter cette folie tout de suite ! Tu vois la destruction qui sévit dehors, et ces éclairs immenses qui viennent d’ici ! cria l'Administrateur.

Personne ne passera, lui avait ordonné l'Archimage.

— Administrateur, il faudrait que l’assemblée des Décideurs l’ordonne. Ou que les mages cessent d’eux-mêmes.

— L’Assemblée n’est pas en capacité de se réunir et tu le sais très bien. Je représente l'Assemblée en cet instant, il n’y a que moi qui puisse décider de la marche à suivre.

Natseli se chargea de lui répondre de sa voix sarcastique.

— Considérant votre acuité intellectuelle, autant attendre la présence de tous les Décideurs demain matin.

Piqué au vif, l’Administrateur s’emporta.

— Écartez-vous, je ne vais pas laisser des mages arrogants détruire notre île !

Ce fut au tour d’Andenos d’intervenir d'une voix calme et ferme.

— Je regrette monsieur, ce n’est pas possible.

Les soldats des deux bords se crispèrent, chacun approchant les mains de leurs armes.

L’Administrateur avança pour trébucher aussitôt sur le parquet dont les lattes se gondolaient, il aperçut des clous s’envolant. Le bruit sourd d’un bloc de pierre se fendant retentit derrière eux le fit sursauter.

— Ne comprenez-vous pas le danger de ce qu’ils font ? L’observatoire ne tiendra pas une minute de plus ! Vous voulez tous mourir ensevelis et noyés ? Ils ne contrôlent plus rien, tu le sens toi aussi Astheïa, jamais telle énergie n’a pu être maîtrisée. Tu ne peux pas laisser faire ça !

Elle resta immobile, confiante même si son cœur battait aussi fort que la tempête extérieure.

— Imagines-tu ce qu’il se passera si par accident, ils brisent la prison ?

Astheïa cilla. Elle savait quelle horreur y était retenue depuis des siècles. La libérer condamnerait l’île car malgré tous leurs travaux, rien n'assurait de pouvoir la vaincre. Il resterait la possibilité de fuir par la mer. S’ils en avaient le temps.

Quoi qu’il arrive, l'avait mis en garde son grand-père.

L’Administrateur s’approcha encore.

— Je t’ordonne de nous laisser passer !

Astheïa leva une main dans un geste d’arrêt lorsqu’il fut à mi-chemin. Elle ne répondit pas, se contentant de le fixer.

Comme pour confirmer les pires menaces de l'Administrateur, une nouvelle vague de puissance magique se déchaîna à l'étage supérieur. Les gens furent brièvement attirés vers le haut, certains battant des bras par réflexe pour essayer de redescendre, même les plus lourds se retrouvèrent sur la pointe des pieds.

La brume jaillit brusquement de l’escalier pour noyer entièrement la pièce. Les hommes ne se voyaient plus guère les uns les autres, les lumières des lanternes devinrent des points flous à peine discernables. Le vent renversa les armoires déplacées devant les fenêtres, les tremblements désormais constants faisaient penser à des béliers de siège s’attaquant aux fondations de la tour.

L’un des coups de boutoir fut à leur hauteur, inattendu, soudain, brutal. Le solide sommet d’un arbre massif pénétra le mur comme envoyé par quelque baliste cyclopéenne. Il resta en place quelques secondes, coincé dans les pierres, puis commença à pivoter et se tordre pour s'extraire. Il émit un lourd crissement lorsqu’il se dégagea enfin, emportant avec lui une partie du mur.

Les rafales pénétrant par l’ouverture chassèrent la brume. Voyant de nouveau, les soldats s’écartèrent d’instinct de l’abîme ouvert, se regroupant à l’opposé, épouvantés par la brèche à la limite de laquelle des vagues affleuraient, écumeuses et affamées.

L’Administrateur cria en se retournant vers les hommes et les mages l’accompagnant.

— Détruisez cette porte ! Tout de suite !

Il n’y eut pas d’hésitation de leur côté, déjà, ils avançaient, deux hommes brandissaient leurs haches.

Je te le promets, avait-elle répondu à l'Archimage.

Astheïa non plus ne douta pas, ses mains brillèrent fortement lorsqu’elle leva son marteau de guerre, sa voix forte et impérieuse couvrit tout le reste :

— Armes au clair !

Les opposants s’immobilisèrent, interdits.

— Tu oserais ? cria l'Administrateur.

Les soldats de la garde et les protecteurs se faisaient face dans cette atmosphère lugubre. La résolution qu'affichaient ces derniers ne laissait aucune ambiguïté, il ne s’agissait plus de discuter, ils avaient laissé le choix à l’Administrateur, à présent, ils combattraient.

— Nous sommes plus nombreux que vous, en soldats comme en mages ! Abandonnez !

Ce mot, le plus mal choisi pour s’adresser à Astheïa, ne fit que renforcer sa détermination, elle s’avança d’un pas, puis d’un autre, terriblement assurée. Andenos et Natseli l’encadraient, ses hommes la suivaient. Minae se replia à l'écart et une forte aura verte émana de son hybre.

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