Une créature était au bord de l'eau, s'abrevant. Elle était à peut-être deux mètres. De là où il était, William peinait à la voir clairement, mais il la distinguait. Un corps massif dressé sur quatre imposants membres, une encolure robuste portant une tête ornée de trois cornes et des voilures sur la colonne vertébrale ainsi qu'une queue reptilienne et une robe couleur argile. La bête redressa la nuque, semblant fixer quelque chose. On aurait dit un cheval. Alors, elle fit demi-tour et retourna dans les bois.

 A peine Adam fut-il de retour que son fils s'élança vers là où il avait vu l'animal. Il chercha ses empreintes et ne tarda pas à les trouver et suivit celles qui s'éloignaient du lac. La bête avait emprunté un pierrier sur un talut.

-T'es où...

 Il reprit son chemin, errant dans le petit bois. Des bruits sourds se firent alors entendre, accompagnés d'un grondement. William pivota de surprise. Là-haut, sur un promontoir se tenait le Roi des Montagnes. La créature avait deux cornes sur le front et une autre sur le museau. Il avait une attitude noble. William était subjugué par ce spectacle. Trois voilures aussi claires que le dessous de son ventre courraient sur son encolure, deux sur le dos jusqu'au bassin et une seule jusqu'au bout de la queue.

-Waouh...

 L'animal gronda et secoua la tête. Vu d'ici, il semblait encore plus grand qu'il ne l'était. Le jeune homme et la bête se regardaient sans se quitter des yeux. Soudain, la créature bondit. William hurla et se baissa, se protégeant avec ses bras. Le Roi des Montagnes se réceptionna lourdement. Le jeune homme se tourna, sidéré. L'animal écailleux le regarda et gronda avant de partir au trot, prenant le galop. William resta immobile un petit moment.

-C'était pas une blague...

 Il retourna au lieu de transhumance, ne sachant s'il devait en parler à son père ou non. Après tout, il avait vu de près la créature la plus dangereuse de la région, celle qui tuait des ours comme on tuait le gibier. Peut-être devrait-il garder cela pour lui.

 Le soir était tombé.

-Tout va bien William ? Tu es bizarre.

-Tout va bien, oui.

-Bien. Tu prend le premier tour ce soir.

 William acquiesça. Il prit sa lampe, le fusil et se dirigea vers le troupeau. Il s'assit sur un rocher et avisa le bétail. Il était peut-être le premier à voir le Roi des Montagnes d'aussi près. Il aurait presque pu le toucher. Le vent froid du printemps le fit frissonner.

-Quel idiot, j'ai oublié ma couverture...