La femme à la robe rouge (2)

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Jour 2 : 10h

Toc. Toc. Toc

Lentement, Peter émergea de son sommeil. Il entendit qu’on frappait à sa porte. Quelle heure était-il ? Il ouvrit les yeux et les referma presque aussitôt. La lumière lui faisait mal. Il se tourna et regarda l’heure. 10h. Tout lui revint en mémoire : les pas, la femme, l’orage, le cri. Il leva la tête vers la salle de bains comme s’il s’attendait à voir une femme en sortir. Mais il n’y avait rien. Les coups à la porte se firent plus forts. Peter secoua la tête pour chasser ces mauvais rêves et se dirigea vers la porte d’entrée.

- « Bonjour Monsieur Schubert. Nous venons livrer votre lit. »

Avec tout ça il avait oublié qu’il avait dormi sur un matelas gonflable pour le moins inconfortable. Après une confirmation de la livraison il indiqua aux déménageurs où installait le lit. Ces derniers commençaient déjà à s’affairer quand Peter remarqua la vieille dame d’en face qui l’espionnait depuis sa porte entrouverte. Elle avait l’art de le faire flipper celle-là. Il referma sa porte non sans la gratifier d’un bonjour joyeux.

Mieux vaut ne pas rentrer dans son jeu.

Soudain il se rendit compte qu’il était torse nu avec uniquement son short en guise de pyjama. Il se changea vite fait dans l’entrée loin des regards indiscrets. Il ne voulait pas aller dans la salle de bains. Pas encore. Pas en présence d’étrangers. Il ne savait pas comment il allait réagir. Il ne fallait pas tenter le diable. Ainsi Peter continua de ranger son appartement. Il avait encore beaucoup à faire. D’ailleurs il songeait à aller acheter le matériel qui lui manquait pour ses réparations. Il avait besoin de se changer les idées. L’installation dura un quart d’heure tout au plus. Peter tenta bien d’offrir une boisson aux déménageurs mais ils refusèrent poliment. Il se retrouva donc seul dans son appartement. C’est vraiment à ce moment-là qu’il ressentit la solitude. Après de longues minutes de tergiversations, il se décida enfin à aller prendre une douche.

Concentre-toi sur des choses rationnelles. Les fantômes ça n’existe pas. Tu crois à la logique, à la loi de la gravité et certainement pas à la vie après la mort.

Mais malgré tout il dut reconnaître qu’il n’avait jamais été aussi rapide à se préparer. Il ne put s’empêcher de soupirer en sortant de la salle de bains. Rien ne s’était produit. Il était de plus en plus convaincu qu’il avait seulement rêvé. Il alla prendre sa veste dans le placard de l’entrée. Cette dernière était par terre comme il l’avait jetée hier. Ce n’est que lorsqu’il se baissa pour la prendre qu’il remarqua une tache sombre sur le mur. Il s’approcha plus près.

Putain mais c’est du sang !

Peter retira vivement sa main. Le sang était séché. Il devait être là depuis un bon moment. Sans demander son reste, Peter sortit de l’appartement. Il en avait assez vu comme ça. Un bon bain de foule était tout à fait ce dont il avait besoin. Il fut heureux de voir que l’orage n’était plus qu’un mauvais souvenir.

Il ne rentra que quatre heures plus tard en traînant les pieds. Il n’avait vraiment pas envie de se retrouver seul. Mais il ne pouvait pas rester éternellement dehors. Il rentra sur la pointe des pieds. Il ne voulait pas revoir la vieille folle d’en face et puis surtout il recommençait à avoir peur. Décidément la peur est un sentiment bizarre. Elle nous enlève toute raison, toute logique. On est totalement sous son contrôle. On ne peut rien faire face à la peur à l’état pur. Après certains seront plus courageux que d’autres jusqu’au moment où ils seront confrontés à leur pire cauchemar. On a beau dire ce qu’on voudra mais que ce soit les araignées, les clowns, les extraterrestres ou toutes autres choses, on a tous une peur. Celle-ci peut rester cachée éternellement mais elle est bien présente. Elle attend son heure.

La plus grande peur des gens n’est-elle pas de succomber à la peur elle-même ?

En l’occurrence la peur le rendait philosophique. Il pénétra dans son appartement et posa ses achats dans l’entrée. Un long travail l’attendait. Il enleva sa veste et resta un moment avec elle dans les mains. Il ne voulait pas rouvrir le placard de l’entrée mais il n’avait pas le choix. Il avait acheté un pot de peinture exprès pour ça. Un joli bleu nuit qui évoquait un beau ciel d’été. Exactement ce qu’il fallait pour cacher les taches de sang. Il posa la veste sur son canapé, se changea pour des vêtements plus confortables et s’avança d’un pas décidé vers son placard. Il l’ouvrit en grand et sans plus d’attente commença sa besogne. Au fur et à mesure que le pinceau cachait la tache, Peter se sentait revigoré. C’était comme s’il effaçait un mauvais souvenir. À la fin de son ouvrage il commençait même à chantonner. Lorsqu’il referma la porte du placard il souriait franchement. Il continua dans sa lancée en colmatant les fissures. Il était vraiment heureux.

Peut-être que je pourrais repeindre tout l’appartement. Cela lui redonnerait une seconde jeunesse.

La dernière chose qu’il fit fut de réparer le volet cassé. Après la peur de cette nuit il ne voulait pas tenter le diable. Cette dernière tâche accomplie, Peter décida de prendre l’air. Il voulait découvrir ce qui entourait la vieille bâtisse décrépie comme il avait décidé de surnommer son immeuble. Il prit sa veste, claqua la porte et descendit les marches. Mais cette fois-ci le grincement ne l’inquiétait plus. Il se sentait totalement sain d’esprit et rationnel.

À peine passé le porche il sentit un petit vent lui chatouiller la joue. Il resserra sa veste et se félicita de l’avoir prise. Il se demanda par où partir avant de se décider de faire tout simplement le tour de la bâtisse. Ce fut lorsqu’il arriva derrière qu’il tomba sur ce qui semblait être une ancienne remise. C’était une sorte de cabane en bois qui ne tenait debout que par la volonté du Saint-Esprit. Le vent soufflait et faisait trembler les murs. Tout semblait prêt à s’écrouler. Peter voulut jeter un coup d’œil à l’intérieur.

Juste histoire de visiter. Ce n’est pas un crime.

Il fit le tour pour trouver une porte d’entrée. Il la trouva sur le côté mais elle était verrouillée par un énorme cadenas rouillé. L’espace d’un instant Peter envisagea de le casser mais il se retint. Après tout rien ne justifiait sa curiosité mal placée. Malgré tout il voulut jeter un coup d’œil par un trou. Il s’avança pour regarder et fut déçu. L’intérieur avait tout d’une ancienne remise, tout ce qu’il y avait de plus basique.

Non mais tu t’attendais à quoi ? Un cadavre traînant négligemment sur le sol ?

C’est alors qu’il vit sur le sol une hache. Cette dernière ne semblait pas rouillée. On aurait dit qu’elle avait été aiguisée récemment. La remise devait appartenir à un des locataires. Il ne voyait pas d’autre explication.

Putain c’était quoi ça ?

Une ombre venait de traverser la pièce. La peur était de nouveau présente. Ne voulant pas être pris en train d’espionner, Peter courut loin de la remise. Il entendit juste le bruit du cadenas qui claquait sur la porte. Décidé à laisser derrière lui ce mauvais souvenir, Peter regagna son appartement. La visite était terminée pour aujourd’hui. Après tout il était presque 18h et la nuit tombait vite dans cette région. Il fut heureux de retrouver son appartement nouvellement arrangé. Après un repas frugal il alla se coucher vers 22h. Il avait du sommeil à rattraper. Il s’éveilla de nouveau vers 1h du matin.

Ils sont là. Je les entends. Les pas.

Peter commença à trembler dans son lit. Les pas étaient lourds sur le sol du couloir. Il ne savait pas pourquoi mais le bruit du cadenas résonnait à son oreille. Et il entendit de nouveau ce raclement sur le sol. Maintenant qu’il y prêtait plus d’attention ce bruit lui évoquait un objet métallique.

Une hache…

Décidément, la nuit lui jouait des tours. Voilà qu’il se mettait à imaginer des haches partout. C’est alors qu’une autre sensation lui revint.

Quelqu’un est derrière moi.

Peter se retourna et malgré lui se surprit à prier pour que ce ne soit pas la femme de la veille. Mais c’était bien elle. Elle se tenait là toujours à la même place.

Non.

Elle est plus près.

Elle a avancé.

La femme à la robe rouge le regardait toujours avec autant de haine dans les yeux. Elle était désormais dans la chambre mais encore éloignée du lit. Peter déglutit en pensant qu’en quelques pas elle pouvait être sur lui. Il remarqua alors la tache sur son ventre. Une tache rouge. Une tache de sang. Elle tourna de nouveau son regard vers le couloir et soudain, elle hurla comme la veille. Mais là Peter hurla avec elle. Il avait trop peur. C’est alors qu’un autre phénomène se produisit. Les pas dans le couloir cessèrent. La femme arrêta de hurler et se volatilisa à nouveau. Peter retourna sous sa couette et la serra contre lui comme une barrière contre le mal. Il essaya tant bien que mal de se rendormir quand il entendit un bruit comme un coup donné dans le mur. La fatigue et la peur aidant, il sombra dans le sommeil immédiatement.

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