Pas cette nuit

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Le soir, quand les lumières s'éteignent, que le silence règne, elle a beau rappeler sa mère, rappeler son père, rien n'y fait, il finit toujours par revenir.

Elle sait qu'il attend, patiemment, que son sommeil vienne, pour se faufiler dans ses pensées les plus sombres. La petite lumière dans le couloir n'y change rien ; il est déjà là, il l'observe. Elle le voit, elle le devine dans les ombres glissantes de sa chambre.

Sa peur grandit, elle appréhende déjà la nuit qu'elle va passer. Mais sa fatigue finit par prendre le dessus, elle ferme les yeux malgré elle, et la voilà partie, avec toutefois cette désagréable sensation d'être suivie.

Et pour cause. Noir est là, dans son rêve. Elle sent sa présence, juste derrière elle. Et elle sait déjà. Qu'il tire les ficelles, qu'elle ne pourra rien faire, qu'elle est à sa merci jusqu'à son réveil.

C'est lui qui, alors qu'elle essaye de s'enfuir, la retient en arrière, l'empêche d'avancer. Elle imagine son sourire sadique tandis qu'elle court sur place, elle le sent arriver, lentement. Dans combien de temps sera-t-il là? Son visage, elle ne l'a jamais vu. Mais Noir sait être suffisamment oppressant pour signaler sa présence. Noir sait la confronter à ses peurs les plus profondes. Noir sait lui montrer l'enfer. Noir l'a attrapé, elle se sent basculer en arrière, tomber dans le vide, elle ferme les yeux. Espère que le choc de la chute la fera sortir de son cauchemar. Mais non, c'est dans l'eau qu'elle atterrit, dans un océan. De l'eau à perte de vue, des vagues qui s'agitent, et toujours ce Noir profond qui l'entoure. Elle regarde autour d'elle, ne sait pas par où nager, il n'y aura personne pour l'aider, de toute façon.

Mais elle lutte, nage quand même, boit la tasse. Ne pas se noyer, ne pas étouffer, la nuit est peut-être bientôt terminée. Un éclair traverse le ciel, et elle voit de la lumière au loin. Un phare ! Elle nage dans sa direction, mais toujours avec prudence ; Noir lui joue peut-être encore un tour.

Et subitement, elle voit sa mère, à l'intérieur du phare, en train de dévaler les escaliers, une bouée à la main.

- Lucie ! J'arrive, je viens te sauver, je cherche une bouée, un bateau, et j'arrive, ma petite chérie, dit sa mère.

Lucie sourit, rassurée. Mais son apaisement est de courte durée, car voilà que sa mère trébuche. Elle tombe et roule dans les escaliers, incapable de contrôler sa chute. Lucie panique, elle entend sa mère hurler. Lucie distingue, en bas du phare, la longue robe noire de Noir. Il entre dans le phare. C'est sa mère qu'il vient chercher. Lucie panique, elle essaye de nager plus vite, elle veut rejoindre sa mère, elle veut la sauver, vite.

Mais Noir n'est pas de cet avis, Noir a coupé la lumière du phare. Lucie est dans les vagues, et dans l'obscurité la plus totale, elle n'entend plus qu'une chose ; les hurlements de sa mère.

C'est en criant qu'elle se réveille et qu'elle bondit hors du lit rejoindre sa maman. Elle pleure, mais elle est soulagée de la retrouver, saine et sauve. Sa mère l'enlace, lui demande si elle veut en parler. Lucie fait non de la tête, et se blottit contre elle. Elle sait qu'elle n'arrivera pas à se rendormir tout de suite, mais elle se laisse bercer par les bras de sa mère, et par les ronflements réguliers de son père.

Un jour, elle saura peut-être faire face à Noir. Mais pas cette nuit.

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