Déclarations…

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Sur le retour, nous faisons une pause pour profiter du panorama sur le lac de Serre-Ponçon, comme je lui avais demandé en le découvrant rapidement à l’aller, nous nous installons sur un banc libre au bord de l’eau.

Je pose ma tête sur son épaule en soupirant, je suis toujours sous le coup de l’émotion, et la beauté du paysage n’arrange rien. La lumière du soleil se reflète sur les vaguelettes qui rident la surface de l’eau, créant des jeux de lumière sur cet immense lac. J'aimerais tellement qu’elle puisse être ici avec nous, découvrir cette région, ces paysages qui lui plairaient surement, elle qui aimait tellement le calme et la beauté de la nature.

Je me suis redressé pour la regarder, je lui devais quelques mots.

« - Merci pour tout à l’heure à l’église. C’est un beau geste.

- C’est normal mon Lou, je te comprends, je suis là pour te soutenir.

- Ton geste m’a fait du bien, ton silence aussi. Tu pourrais être jalouse d’elle, t’as le droit et je peux le comprendre.

- Impossible, ce serait lui manquer de respect, te manquer de respect, et ça, j’ai pas le droit. Elle accepte que je sois là à tes côtés, je lui dois bien ça.

- Merci…

- Arrête…

- Charlène… Je t’aime… Tu me rends heureux, tu me supportes, je suis bien avec toi, t’es tellement gentille, compréhensive…

- Je t’aime Lou. Depuis le début t’as allumé quelque chose en moi, tu m’as fait craquer, tu me fais craquer, t’as l’air tellement fort, mais t’es tellement fragile, tellement doux avec moi. Tu sembles si sûr de toi malgré ce que tu vis depuis ces derniers mois, malgré tes doutes, tu luttes tous les jours pour essayer d’aller mieux…

- C’est grâce à toi, c’est pour toi, tu m’as donné ta confiance, tu crois en moi, et je te dois de pas lâcher. »

Je suis tellement chamboulé après ma déclaration, après cette discussion, après ses aveux que je fonds en larmes, le trop plein d’émotion et la fatigue psychologique ont eu raison de ma volonté. Pour une fois, elle ne me serre pas dans ses bras pour me consoler, mais ses mains viennent se poser délicatement sur mes joues, elle essuie mes larmes avec ses pouces, relevant mon visage pour venir plonger ses yeux dans les miens, puis vient poser sa bouche contre la mienne. Je frissonne une nouvelle fois à ce contact, mes poils se dressent, et je tremble légèrement.

Mes lèvres s’entrouvrent pour laisser le passage à ma langue qui vient s’entremêler à la sienne, entamant un slow langoureux. Nous n’en sommes pas à notre premier baiser, mais celui-ci a un goût particulier, on vient de se dire clairement ce qu’on rêvait de se dire depuis quelques jours, on assume enfin nos sentiments l’un envers l’autre.

Nous sommes restés plusieurs minutes à nous embrasser, assis sur ce banc, au bord de l’eau, comme deux adolescents, que nous sommes encore au fond de nous. Le soleil commence à se cacher derrière les arbres et la température se fait plus fraîche en cette fin d’après-midi, mais ce n’est pas la fraicheur qui nous fait frissonner à l’unisson, plutôt cette sensation nouvelle d’un amour enfin assumé au grand jour. Je n’ai pas envie que ça s’arrête, je voudrais continuer à l’embrasser, à la serrer contre moi, à éprouver encore et encore ce sentiment de bien-être qui m’envahit à chaque fois que nos corps se touchent, que nos yeux se croisent, que nos lèvres s’embrassent.

C’est avec l’impression de ne pas toucher terre que je regagne la voiture, je me sens enfin libéré d’un nouveau poids, inondé de ce sentiment que je n’imaginais pas retrouver un jour.

Avant de rentrer, nous faisons un petit crochet au supermarché pour quelques courses, et je suis surpris lorsqu’elle me rejoint en caisse avec un pack de bières et deux bouteilles de vin à la main.

« - Qu’est-ce que tu fous avec ça ? Je croyais que c’était interdit ?

- On a pas quelque chose à fêter tous les deux ?

- Tu crois que ça mérite tout ça ?

- Tu le mérites, t’as eu quelques moments éprouvants aujourd’hui et t’es resté fort, et j’en ai envie aussi… Mais on n'est pas obligé de tout boire ce soir…

- Tu me caches des choses mademoiselle Rivière, beaucoup de choses… J’aime pas trop beaucoup ça…

- Et encore, t’as pas tout vu… J’ai prévu quelques surprises pour ce soir…

- Pas trop j’espère, je risquerais d’aimer ce que je vais découvrir…

- Tu verras bien mon cœur… »

Elle se contente de m’embrasser avant de déposer le tout sur le tapis de la caisse, et de se précipiter pour payer. Je soupire assez fort pour qu’elle comprenne que j’aurais souhaité au moins partager la note avec elle, et elle me regarde avec son si joli sourire, me provoquant encore.

Elle est si belle que je commence même à ressentir de la fierté lorsque nous nous prenons par la main en sortant du magasin et que quelques regards se posent sur nous. En fait la différence d’âge ne doit pas forcément sauter aux yeux lorsque nous sommes ensemble, je suis assez grand pour mon âge, les épaules assez carrées, mon visage a été marqué par les évènements de l’hiver dernier, et ce qui s’en est suivi, et j’ai « vieilli » un peu plus vite que mes camarades. Elle est presque aussi grande que moi, un peu moins carrée d’épaules, mais plus musclée, et sa démarche assurée lui fait paraître quelques années de plus, malgré le dessin juvénile de son visage. Lorsque je vois notre reflet dans une vitre, je m’aperçois que nous formons un très joli couple en fait et lorsque son regard croise cette image de nous, je la vois sourire immédiatement.

« - Ils sont beau ces deux-là.

- T’as raison Chou, ils vont vachement bien ensemble. Mais je trouve que la fille a plus de charme que le garçon.

- T’as raison, y’a aucun doute là-dessus…

- Je me la taperais bien, allongés dans l’herbe sous les étoiles…

- Et tu crois qu’elle voudrait de toi ? Qu’elle se laisserait faire ? Tu rêves…

- Connasse…

- P’tit con…

- Moi aussi je t’aime… » Nous éclatons d’un rire sonore sous les regards incrédules des passants qui nous croisent.

Une fois rentrés, je m’exile sur la terrasse avec Mélo tandis qu’elle se met aux fourneaux, pour une surprise m’a-t-elle annoncé fièrement. J’entame donc mes exercices, montées et descentes de gammes, avec ma compagne, en me plongeant dans les souvenirs de cette journée presque parfaite, laissant divaguer mon esprit à son gré.

Mélodie doit sentir ce qu’il s’est passé aujourd’hui, les yeux fermés, perdu dans mes pensées, mes doigts plaquent pourtant les accords à la perfection, enchaînant les notes sans hésitations. Spontanément je me remets à jouer notre chanson, celle que nous avions écrite avec Cécilia, pour la première fois depuis le mois de mars. J’avais souvent pleuré les dernières fois où je l’avais joué, mais là, rien, pas une larme n’a coulé, pas un sanglot, simplement un pincement au cœur lorsque son visage est venu s’imprimer derrière mes paupières closes, et que je l’ai entendu chanter et jouer avec moi, comme nous le faisions à l’époque.

À la fin du morceau, lorsque je reprends contact avec la réalité, j’entends des applaudissements derrière moi, et je me retourne vivement.

« - Elle est magnifique cette chanson… C’est de qui ?

- De moi… Enfin, de nous… J’avais écrit une première version anonyme avant de la rencontrer… La première fois qu’elle est venue chez moi, elle m’a demandé de lui jouer une compo… J’ai joué « Toi » pour la faire craquer… Elle l’a adorée, alors on l’a un peu réécrite ensemble, c’est devenu « Cécilia », sa chanson… Ça fait six mois que je l’ai plus jouée, elle me faisait pleurer à chaque fois, et là c’est venu tout seul… Comme ça…

- T’est trop fort mon Chéri… Tu pourras m’en écrire une ?

- Si tu m’aides, pourquoi pas… Je veux bien essayer…

- Merci… Bon je retourne en cuisine, ça va pas se faire tout seul. »

Elle dépose un baiser sur mon front, et rentre, je pose Mélo sur le transat libre, allume une clope machinalement, sans vraiment m’en rendre compte et commence à réfléchir à ce qu’elle vient de me demander.

Maintenant qu’elle sait, je peux pas lui dire non… Et puis je lui dois bien ça… Ce serait un joli cadeau pour la remercier… T’en pense quoi Cess ? Tu m’aideras ?... Bien sûr que tu m’aideras… Je te fais confiance pour ça…’

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