Une vie à la mode

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- Miroir, miroir dis-moi qui est la plus belle.

- Bonjour, Sarah. L’actuel numéro un est Lady T, notre bien-aimée dirigeante des États-Unis. Vous êtes actuellement 1587e de New York. La couleur mise à l’honneur aujourd’hui est le bleu. Il pleuvra dans la journée, je vous conseille de bien vous couvrir. Avez-vous besoin d’autres informations ?

- Non merci, ça ira pour aujourd’hui.

Ce qui compte de nos jours, ce n'est pas d'être intelligent ou riche. C'est d'être le plus brillant, le plus clinquant, le mieux habillé, celui qui sera regardé et envié de tous. Depuis que les pays les plus puissants vivent aux dépens des grandes marques de textile, la mode régit nos vies. Tout ce que nous faisons pour le bien-être de notre patrie nous fait gagner des points mais l’objectif surtout est de faire tourner l’économie. Mieux on est classé, plus on est reconnu comme un citoyen modèle et par conséquent plus on a d’avantages comme de meilleurs logements, de meilleurs salaires et donc plus on a de chances de vivre une meilleure vie.

Tous les week-ends, je vais me promener avec mes amis dans le grand centre commercial brillant de ses néons et de ses pancartes qui clignotent jour et nuit. Une honnête citoyenne comme moi doit remplir son rôle dans la société, un bon citoyen est un citoyen bien habillé. On trouve toute gamme de vêtements : de simples guenilles jusqu’à des robes parées de diamants destinées à l’élite, le top 100. Un jour, je ferai partie de ces gens-là et avec ces tenues, je serai incontestablement respectée et admirée de tous. Mais bon, bien que mon rang actuel ne soit pas aussi élevé que je voudrais je profite malgré cela de quelques privilèges. J’ai déjà reçu plusieurs demandes pour tester des nouveautés vestimentaires et cosmétiques et en retour les marques me versent de l’argent. En effet, cela me permet de ne pas travailler car les sommes versées sont très généreuses. D’ailleurs, cet argent est bien investi et retourne vite à ceux qui me payent. Ma devise quand je fais du shopping : «plus c'est cher, mieux c’est». Allier qualité et quantité, c'est ce qu'il faut pour une beauté bien méritée.

S'il y a bien une activité que je redoute chaque mois, c'est d’aller voir mon petit frère Max. Quelle galère ! À cause de lui, je suis obligée de descendre dans les quartiers modestes qui tendent à devenir des bidonvilles. J’ai l’obligation d'aller le voir si je veux garder mes points. Les lois mises en place mettent en avant l’entraide familiale pour aider les mauvais éléments à mieux s’intégrer dans la société. Mon frère a fait le choix de faire le strict minimum et d’être classé juste assez haut pour ne pas être à la rue. J’ai eu beau lui dire de s’améliorer, il ne veut rien entendre. Si seulement il était comme les autres garçons que je fréquente, eux au moins ils sont bien habillés et ne pensent pas qu’à leur plaisir personnel. Je n’arriverai jamais à le comprendre, j'ai vraiment l'impression qu'il aime vivre dans la misère. Quand je l’ai vu cet après-midi, exaspérée, je lui ai demandé pourquoi il ne voulait pas avoir une meilleure vie, il m’a répondu :

- Toi, tu aimes peut-être vivre dans le superficiel et le luxe sous prétexte d’aider la société. Soit, c’est ton choix. Mais moi, vois-tu, je préfère les plaisirs simples de la vie. Ta vie est trop stressante, je n’aimerais pas devoir me lever tous les matins en m’inquiétant des nouveautés vestimentaires ou de ce que je devrais porter aujourd’hui.

-Au moins en faisant cela, sache que cher petit frère, j’aide au bon fonctionnement de la société qui entretient des gens comme toi.

- Laisse-moi rire Sarah ! Ta soi-disant volonté d’aider la société tient plus de la mauvaise foi que d’une réelle intention. Si tu fais cela, c’est juste pour pouvoir avoir des avantages qui sont juste des carottes pour que les gens fassent tourner l’économie. Ceci bénéficie aux grandes entreprises qui sont les vraies dirigeantes de cette ville.

- Désolée de vouloir te contredire, mais moi je suis heureuse avec ce système ! Il permet à n’importe quelle personne motivée et déterminée à sortir de la misère d’en sortir. Et puis, je ne sais pas qui t’a donné ces idées-là. Tu pourrais finir en prison par le simple fait de les avoir évoquées ! De plus, tu es bien osé de dire cela sachant que moi qui suis soumise au système comme tu dis, je te donne de l’argent pour que tu puisses te nourrir. Tu pourrais au moins me remercier, frère ingrat !

- Mouais… Merci.

Il s'en alla dans sa chambre en haussant les épaules. Ah celui-là, il a beau être mon frère je déteste les gens comme lui qui ne font aucun effort pour essayer de s'améliorer et d'en faire profiter la société. Il était si gentil quand il était petit. Qu’est-ce qui a bien pu lui arriver ? Je profite d’être chez lui pour faire une inspection des lieux. Tout est poussiéreux du sol au plafond à croire qu’il ne connaît pas l’existence des aspirateurs voire même juste d’un balai. Je trouve dans la cuisine un lavabo rempli de vaisselle sale qui doit dater environ de la semaine dernière. Je peux encore voir dessus des restes qui ont collé avec le temps et dont l’odeur ne fait plus douter de leur fraîcheur. Ayant peur de découvrir pire, j’arrête mon inspection ici. Décidément, je me demande bien comment il peut vivre dans ces conditions.

Frustrée d’avoir dû encore attendre une heure dans le taudis de mon frère pour respecter le temps nécessaire imposé par la loi, je fonce en rage en me cognant contre les gens pour me créer un passage jusqu'au premier bus pour revenir chez moi loin de toute poussière et de bêtes à huit pattes.

J’arrive sans encombre à ma destination. En m’allongeant dans mon lit je vérifie les messages reçus pendant ma sortie puis épuisée par cet après-midi, je ferme à peine les yeux que je suis déjà dans les bras de Morphée.

Mauvaise nouvelle. En me levant ce matin, j'ai passé mes mains dans mes poches comme d'habitude mais à la place de mon habituelle carte de crédit, je n’ai trouvé que du vide. C'est un désastre, une catastrophe, la fin du monde ! Sans ma carte, je ne peux pas acheter de nouvelles tenues. Mon classement va faire une dégringolade, vite vérifions l'état de celui-ci.

-Miroir, miroir à quel point suis-je la plus belle ?

J’ai les tympans qui tapent fort, je sens le temps se ralentir au fil de la réponse du miroir que j’ai du mal à entendre. Et si l’algorithme avait déjà détecté la perte de ma carte ? Je risque de perdre des places, une honnête citoyenne ne perd pas sa carte.

- Blablabla….Votre classement actuel est 1600e de New York…Blablabla…

Ouf ! Ces quelques places perdues ne prouvent rien. J’ai eu tort de m’inquiéter, il y eut trop peu de temps passé pour qu’il s’en rende compte. Je fouille ma maison, elle n’est pas là. Je l’avais hier matin, je peux ne l’avoir perdu que chez Max. Ni une ni deux, je suis arrivée chez mon frère. Il a l'air surpris de me voir, j'en déduis donc qu’il ne l’a pas volée ni retrouvée mais dans le doute :

- Max, est-ce toi qui a ma carte de crédit ?

D'un ton calme et posé, il répondit :

- Non, je ne l'ai pas et dans mes souvenirs je l'ai vu dans ton manteau quand tu es partie. À force d'être stressée, tu ne fais même plus attention à tes affaires.

- Mais tu ne comprends pas, il faut absolument que je la retrouve. Perdre sa carte est tellement pénalisant que je risque de perdre énormément de places. Si je ne la retrouve pas, je ne pourrai plus acheter quoi que ce soit et donc pas de nouveaux vêtements. Je ne sais plus quoi faire…

Au bord du désespoir, je me mis à pleurer.

- Calme toi. Tu la peut-être juste perdue dans la rue ou alors quelqu’un l’a ramenée au commissariat. Tout n’est pas perdu. Ce classement te monte vraiment à la tête. Sache que même si tu descends de plusieurs milliers de places ou même que tu finis dernière. Sache que je t’aimerai toujours, ce n’est pas le rang que te donne un algorithme qui définit la vraie valeur d’une personne. N’oublie pas ce que je te dis et maintenant va chercher ta carte. Tu as tout mon soutien.

Il y a des fois où je l’aime mon frère. Bien que ses encouragements soient un peu douteux, je reprends confiance. J’essuie mes larmes dans un mouchoir puis je sors de chez lui en le remerciant de son aide. Le dernier endroit possible est donc dans la ruelle de chez Max jusqu'au bus. Je fouille chaque coin, chaque pavé, chaque trottoir: rien. En dernier espoir, je passe au commissariat pour demander si une âme charitable ne l'aurait pas retrouvée. Pas plus de succès de ce côté-là. Je rentre chez moi. Avant de me coucher, j'envoie un message à tous mes amis pour demander s’ils ne l’auraient pas vue ou s’ils peuvent m’apporter de l’aide dans ma détresse.

Merci les amis. Vous m’êtes vraiment inutiles. Depuis hier soir, je n’ai reçu que des messages disant qu’ils n’avaient pas ma carte et je peux rêver pour obtenir une aide financière. Ils m’ont répondu qu’ils ne pouvaient pas me prêter de l’argent car ils en avaient besoin pour garder leur place dans le classement. C’est tellement frustrant mais en même temps je peux les comprendre, j’aurais réagi de la même façon. Je suis forcé d’admettre que probablement quelqu’un m’a volé ma carte, lorsqu’il y a deux jours, je suis rentré de chez mon frère. Je n’ai plus le choix, il faut que je fasse une demande pour une nouvelle carte. C’est les mains tremblantes que j’envoie un mail à ma banque pour faire cette demande. Message envoyé. Il ne reste plus qu’à attendre la réponse.

Une heure plus tard, je reçois la réponse :

« Bonjour citoyenne Sarah,

votre demande a bien été prise en compte.

Vous recevrez votre nouvelle carte sous un délai maximum de trois jours.

Sachez que l’État prend connaissance de cette perte. Si jamais vous retrouviez votre ancienne carte, cela pourrait jouer en votre faveur.

Cordialement.»

Aucune surprise, c’est ce à quoi je m’attendais. J’espère juste que la chute ne va pas être trop lourde à supporter. Je continue de défiler mes mails jusqu’à ce que je tombe sur un mail intrigant ayant pour objet, « votre carte » venant d’un e-mail inconnu. Je l’ouvre et je lis le message suivant :

« Si vous voulez récupérer votre carte, veuillez-vous rendre à l’adresse suivante (…) à 22 h.

Prévenez la police et vous ne la reverrez jamais.»

Il ne manquait plus que cela, un message de menace ! On m’avait donc bel et bien volé. Je sais que je pourrai récupérer des places si je retrouve ma carte mais ce message n’a pas l’air d’avoir été écrit par des gens respectables. Le dilemme est grand, j’ai besoin d’en savoir plus sur la situation où je suis.

Je demande mon classement à mon miroir :

- Vous êtes actuellement 42 504e de New York.

Argh ! Je ne pensais pas descendre d’autant. Le rendez-vous semble beaucoup plus intéressant maintenant. Même si c’est un piège, cela vaut le coup d’y aller. Je ne pourrai pas supporter d’avoir un rang aussi bas. Je profite du temps qu’il me reste pour me préparer pour la sortie.

C’est l’heure d’y aller. L’adresse indiquée se situe dans une vieille maison dont les derniers occupants doivent être partis il y a bien longtemps. Sous la lumière des lampadaires, je m’y dirige et je frappe à la porte. Je sens quelqu’un me regarder par la fenêtre de la cuisine d’un air sombre, je le sens de moins en moins ce rendez-vous. L’ombre à la fenêtre me regarde un certain temps puis finit par se diriger vers la porte. La porte s’ouvre en un grincement strident, l’ombre est en fait un homme plutôt grand habillé tout de noir, le cliché du mafieux. Il me questionne d’une voix grave :

- Que voulez-vous ?

- Je suis ici car on m’a envoyé un message me disant de venir ici pour récupérer ma carte de crédit.

- Suivez-moi.

Il m’indique d’un geste de la main le salon où il m’ordonne de m’asseoir sur un fauteuil. Quelques minutes plus tard, un autre inconnu arrive et s’installe face à moi.

- Je suis celui qui vous a envoyé le message. J’ai votre carte.

Il la sort de sa poche et la remet aussitôt. C’est bien lui qui l’a.

- Si vous voulez la récupérer, vous allez devoir accomplir une petite action pour moi et je suis sûr que vous la ferez de bon cœur. Nous allons vous donner une caméra. Demain matin, vous la poserez dans le grand centre commercial et en échange je vous redonnerai votre carte demain soir au même endroit. Bien sûr, il n’est pas question de ne pas le faire. Je n’ai peut-être pas de pouvoir sur l’algorithme qui gère le classement mais j’ai d’autres méthodes plus radicales.

Mais dans quel bordel je me suis encore embarquée ! Ce n’est pas quelques places que je risque de perdre mais c’est ma vie. Si je ne fais pas ce qu’il demande, qui sait ce qu’il peut faire à moi ou mon frère !

L’inconnu devant moi me regarde avec grand sourire et me demande :

- Alors, vous acceptez ?

Non, bien sûr que non ! Je ne veux pas accepter de m’impliquer dans des affaires obscures. Mais contrainte, je réponds oui d’une petite voix.

- Bien, très bien. Vous êtes compréhensive. Tenez c’est la caméra.

Il me donne un objet étrangement lourd mais d’une taille assez petite. Je ne sais pas quelle sorte de caméra c’est mais c’est la première fois que j’en vois une comme cela.

- Maintenant que vous avez la caméra, nous n’avons plus de temps à perdre ici.

D’un geste, il indique à la personne habillée tout de noir de me raccompagner jusqu’à la sortie et juste avant de disparaître totalement, l’inconnu me lance comme message d’adieu :

- Et n’oubliez pas chère Sarah, si vous ne le faites pas des phénomènes tragiques pourraient se produire à l’avenir.

C’est avec le bruit de la pluie sur les pavés que je rentre chez moi en vérifiant avec soin toutes les deux secondes que j’ai bien l’objet dans les poches de mon manteau.

Le lendemain matin, je me réveille avec la caméra posée à côté de moi sur ma table de nuit. Bon, je vais devoir le faire même si je n’en ai pas envie. Au moins, cela n’a pas l’air dangereux et compliqué à faire. C’est juste poser un objet puis s’en aller. Mon classement n’a pas beaucoup changé depuis hier mais bon vu à quel rang il est cela n’a plus trop d’importance. Avant d’y aller, je n’oublie pas de prendre ma nouvelle carte que j’ai trouvé dans ma boîte aux lettres au retour de ma virée d’hier soir et surtout cette maudite caméra.

Arrivée devant le centre commercial, je viens de penser à une difficulté. Est-ce que je vais passer les portes de sécurité sans problème ? Ne vais-je pas être bipée ? J’hésite quelques secondes puis le mouvement de la foule me pousse en avant. Qui ne tente rien n’a rien, je passe les portiques et l’alarme se met à résonner. Je vois quelqu’un de la sécurité venir, je le savais je n’aurai pas dû essayer de passer. Il me dit de me suivre pour qu’il vérifie ce qu’il ne va pas. Au bout de plusieurs longues minutes d’inspection, il me dit que c’est la faute d’un antivol qui n’a pas été enlevé de mon pantalon. Soulagée, je coupe le morceau que j’avais oublié d’enlever puis on me laisse retourner faire du shopping. Je profite d’être là pour acheter plusieurs vêtements avec le peu d’argent qu’il me reste puis je pose la caméra dans un recoin caché derrière plusieurs piles de cartons pour être sure qu’elle ne soit pas vue. Une fois cela fait, je passe à la caisse puis je rentre chez moi.

Le soir venu, je retourne au même endroit qu’hier où je revoie exactement les mêmes personnes. L’inconnu me rend ma carte, il me félicite d’avoir accompli ma tâche et il précise que je ne dois parler d’eux et de cet endroit à personne. Sans plus attendre avec ma carte en main, je file hors de la vieille maison. Rendue chez moi, je me dépêche d’envoyer un mail disant que j’ai retrouvé mon ancienne carte avec preuve photo à l’appui. Avec ces mésaventures, je vais pouvoir récupérer quelques milliers de places et à mon grand soulagement, je ne serai plus forcée à travailler pour des malfrats. C’est la conscience tranquille que je peux m’endormir.

C’est avec le bruit de la porte qui se fait arracher de ses gonds que je me réveille. J’entends le bruit de personnes courir et fouiller la maison. Qu’est-ce qui se passe encore ? Le claquement rapide des pas résonne dans l’escalier et avant que je n’ai eu le temps de sortir de mon lit, je vois deux policiers entrer dans ma chambre et se diriger vers moi pour m’arrêter. J’essaye de me débattre mais que peut faire une femme qui fait une heure de jogging par semaine contre des agents surentraînés. Je suis plaquée au sol et on me passe des menottes. Un agent déclare alors :

- Criminelle Sarah, vous êtes arrêtée pour complice d’attentat dans un lieu public. Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous.

La gorge étouffée, à moitié assommée et avec le peu d’air dont il me reste, je demande:

- Quoi ? Quel attentat ?

-Ne faites pas l’innocente ! Je parle de l’explosion qu’il y eut au centre commercial cette nuit. Il y a eu une centaine de morts et des milliers de blessés. Nos caméras vous ont vue poser la bombe, vous n’avez pas d’échappatoire.

L’objet que j’ai posé n’était donc pas une caméra mais une bombe ! Je suis une idiote, j’ai été tellement naïve ! Juste pour récupérer quelques places dans le classement, j’ai provoqué la mort de beaucoup de personnes !

Abasourdie par cette nouvelle, je n’oppose plus de résistance et je me laisse diriger jusqu’à la prison. Peu importe maintenant de ce qui peut m’arriver, je suis une criminelle. Je suis mise dans cellule individuelle où il y a à peine la place pour se tourner. À l’intérieur, j’échange mon pyjama contre une tenue orange de prisonnier. Peu après, je passe dans une salle d’interrogatoire où un policier me demande pourquoi j’ai fait cela et pour qui je travaille. Sous le coup de l’émotion, je raconte tout ce que j’ai vécu en omettant les détails importants concernant les individus et la maison pour ne pas mettre mon frère en danger. Ensuite quand mon débit de parole se tarit, le policier semble un peu plus compatissant mais reste très professionnel. En réponse à tout ce que je lui ai raconté, il me dit :

- Vous avez l’air d’avoir été victime de manipulation par un groupe de criminels et vous n’avez pas hésité à avouer ce qui joue en votre faveur. Malgré tout ceci, vous ne restez pas moins complice de meurtre même si c’est sous chantage. Ce que vous avez dit permet juste d’éviter la peine de mort et croyez-moi les juges ne sont pas très cléments de nos jours. À mon avis, ne prenez même pas l’aide d’un avocat ce serait inutile.

De plus en plus déprimée, je peine à retenir mes larmes.

- Allons bon, ne vous laissez pas aller ! Au moins, vous avez encore une chance de vous racheter tant que vous êtes en vie.

Sur ces maigres consolations, je suis raccompagnée dans ma cellule où je laisse couler mes larmes jusqu’à ne plus en avoir.

Une semaine se passe sans que rien ne change, aucune nouvelle ni message de l’extérieur. Aujourd’hui, on me mène à mon jugement. Dans la salle, il n’y a que des gens bien habillés qui me regardent d’un air méprisant et dans cette foule de beaux vêtements je vois à part mon frère qui est venu assister à la condamnation. Moi qui lui faisais la morale il y a quelques jours… Quel exemple pitoyable je lui montre maintenant ! Les juges me semblent sévères et n’inspirent pas confiance. Il y a de nombreux témoins qui confirment m’avoir vu au centre commercial dans la journée où j’ai posé la bombe. Je redis exactement le même témoignage que pendant l’interrogatoire. Après plusieurs heures de délibération, un juge frappe de son marteau pour demander le silence. La sentence est donnée. C’est comme l’avait prévue le policier, j’évite la mort car j’ai agi sous la contrainte mais mon acte ne peut être pardonné. Je suis condamnée aux travaux forcés durant le reste de mes jours pour le bien de l’État. Sans plus de cérémonie, je suis emmenée dans ma cellule en attente de mon prochain transfert qui lui sera définitif.

Mon voyage semble être sans fin. Je voyage de prison en prison sous haute sécurité car reconnue comme une terroriste de niveau national avant d’arriver dans ce qui ressemble à une usine. L’air pollué y est à peine respirable, j’ai les yeux qui piquent et la tête qui tourne. De la fumée sort sans s’arrêter des grandes cheminées des usines et il n’y a plus aucune trace de végétation ni même de quelconque animal. Si l’enfer existe, c’est ce lieu qui s’en rapproche le plus. On me guide jusqu’à un lieu qui est plus sale et poussiéreux que toutes les prisons que j’ai visitées avant. Ce bâtiment a peu d’occupants mais beaucoup de cellules ce que je ne comprends pas. Après le repas qui est vraiment très maigre, un des gardiens vient me voir et m’explique en quoi va consister mon travail. Il me donne un masque de fortune et il me conduit à l’extérieur jusqu’à la mer qui semble très polluée.

- Tu vois tous ces déchets dans l’eau ?

J’acquiesce de la tête. Ils sont impossibles à louper, ils sont partout.

- Tu vas les ramasser à la main pour les mettre dans ce sac. Tu ne t’arrêteras que quand tu entendras l’alarme sonner. Tu as compris ?

J’acquiesce de nouveau. Sans plus tarder, je commence à ramasser un à un chaque objet à portée de main. De la nature des objets, je devine que ces usines sont des usines de textile. Je ne pensais pas qu’elles produisaient autant de déchets ! J’ai beau augmenter ma cadence de travail, il y en a toujours de plus en plus ! La température de l’eau est glacée et m’engourdit les mains et les pieds. Dès que je fais mine de m’arrêter, un surveillant me crie de continuer. C’est insupportable ! Le labeur continue pendant cinq ou six heures, je ne sais plus je perds la notion du temps à force de répéter les mêmes gestes. Le soleil ne peut même pas m’aider pour ça, il est caché derrière un gros nuage de fumée noire. À peine arrivée dans cellule, je m’écroule de fatigue sur mon lit et je m’endors sans demander mon reste.

Je répète cette corvée depuis des semaines ou des mois. L’époque où je m’inquiétais du classement me semble bien loin, un rang futile pour lequel j’étais prête à tout donner. Je me sens si ridicule. J’ai compris pourquoi il y avait si peu de gens, c’est parce que le travail est si fatigant qu’il vous tue à la tâche. J’ai des marques inquiétantes sur ma peau à force d’être au contact des produits chimiques dans l’eau. Je ne parle jamais aux autres prisonniers et de toute façon c’est interdit. Aujourd’hui, au bout de quatre heures de travail, je n’en peux plus. À cause du froid, du manque de nourriture, du manque de compagnie, du manque d’humanité, mes jambes me lâchent et je m’effondre sur le sol boueux. Oh Max, tu me manques tellement… Il faut que je tienne si je veux espérer te revoir un jour. Je n’ai plus que la force de lever les yeux pour regarder l’eau dans laquelle je vois mon reflet. Je ne sais pas pourquoi mais cela me fait penser à mon miroir et je ne peux m’empêcher de murmurer :

- Miroir, miroir dis-moi qui est la plus bête.

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