Chapitre 10 : Combat

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Ce soir, je suis submergée par l'inquiétude à l'approche de la nouvelle lune. Le plan initial de Mattias ayant échoué par manque de soutien des autres chefs de clan, nous avons dû nous rabattre sur le second. Je me tiendrai aux côtés de Mattias, prête à négocier avec mon géniteur, mais je crains que cela ne fonctionne pas. Si notre proposition est rejetée, nous n'aurons d'autre choix que de recourir à la force. Des hommes se dissimuleront dans les bois, prêts à encercler la clairière et à attaquer en cas de besoin. J'espère de tout cœur que cela ne sera pas nécessaire.

Je sursaute violemment lorsque la main de Mattias se pose sur mon épaule. Son regard rassurant et compatissant m'apaise instantanément, et nous échangeons un sourire timide.

— Je ne te laisserai pas avec lui, je te le promets.

— Je t'aime, dis-je pour seule réponse parce que je sais pertinemment qu'il ne peut pas me faire cette promesse.

Une lueur d'émotion traverse le regard de Mattias. Il se rapproche de moi et m'enlace tendrement, humant mes cheveux. Je ferme les yeux, laissant cette douceur m'envahir. Je me concentre sur l'instant présent, sur la chaleur de son corps contre le mien, sur la pulsation de notre magie entrelacée. Je veux graver cette sensation en moi pour ne jamais l'oublier. Ce sentiment intense qui monte en moi, comme une vague d'émotions qui menace de me submerger.

— Nous allons y arriver, finit-il par dire.

— Je l'espère de tout mon cœur...

Je m'efforce d'avancer d'un pas ferme, même si mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. Je suis vêtue d'un treillis militaire de couleur vert olive, agrémenté de poches pratiques pour y ranger mon équipement. Le pantalon est ample et confortable, mais néanmoins résistant, renforcé par des renforts aux genoux pour éviter toute déchirure ou usure prématurée. La veste assortie est équipée de nombreuses poches également, pratiques pour y glisser mes munitions et mes couteaux. Je porte également un gilet pare-balles, qui se fond presque parfaitement avec ma tenue grâce à sa couleur marron et vert. Je jette un coup d'œil à Mattias, qui marche à mes côtés, le visage tendu et soucieux. Il porte lui aussi un treillis militaire, semblable au mien, et sa main libre tremble légèrement lorsqu'il la pose sur son pantalon. Je sais qu'il ressent la même appréhension que moi à l'idée de la mission qui nous attend. Nous sommes tous les deux des soldats aguerris, mais cette fois, la tâche qui nous incombe est plus difficile que d'habitude. Nous devons rencontrer mon père et tenter de le convaincre de nous laisser tranquilles.  Nous avançons ainsi en silence, nos pas résonnant sur le sol durci. Le bruit de nos équipements s'ajoute à cette ambiance lourde et tendue. Les autres soldats sont également équipés de la même manière, et je sais que nous avons tous été minutieusement entraînés pour cette mission. Mais malgré cela, je sens une boule dans ma gorge et mon estomac se serre à l'idée de ce qui nous attend.

Nous atteignons finalement la clairière et je suis immédiatement frappé par l'obscurité qui l'entoure. Mais à mesure que mes yeux s'ajustent, je peux discerner quelques détails. Des lanternes ont été placées autour de nous, fournissant une lumière faible mais suffisante pour voir les visages des personnes qui nous entourent et qui ont déjà pris position. La lueur de la lune et des étoiles contribue également à éclairer la clairière. Je remarque la petite rivière qui coule au centre, formant une frontière naturelle entre nos deux pays. Les arbres qui l'entourent sont majestueux et imposants, mais ils ne parviennent pas à dissiper complètement l'obscurité qui règne dans la clairière.

Soudain, une silhouette émerge de l'obscurité devant nous, projetant une ombre menaçante sur le sol. Je suis saisie de panique et mes jambes semblent se refuser à tout mouvement. Mon père se positionne à côté de la rive, son regard sombre fixé sur moi. Malgré la pénombre, je peux discerner la haine qui émane de lui - une haine qui semble s'étendre à nous deux. Instinctivement, je recule d'un pas, cherchant une quelconque échappatoire. Pourtant, Mattias est là, sa main serrée fermement dans la mienne pour me rassurer. Je me concentre sur sa présence réconfortante pour chasser mes peurs. Mon père est enveloppé dans un long manteau noir qui tombe jusqu'à ses pieds. Une peau d'animal est jetée négligemment sur ses épaules, et sa capuche tombe en partie sur son visage. Sa mâchoire carrée, presque taillée à la serpe, ajoute à son apparence terrifiante.

Je ressens une vague de frissons parcourir mon corps.

— Venez ici, me dit-il avec fermeté en faisant un geste de la main pour que je m'approche de lui.

Le son de sa voix me fait sursauter violemment, comme un choc électrique qui me ramène brutalement à un mon passé. Des milliers de souvenirs se bousculent dans mon esprit, défilant à toute vitesse, m'emportant dans un tourbillon de sentiments. Je lutte contre l'envie irrépressible de m'effondrer, de tomber à genoux et de laisser éclater ma douleur me contrôler. Mon souffle s'accélère, mes mains tremblent. Je me répète mentalement que je ne peux pas perdre pied, pas ici, pas maintenant. Il faut que je passe au-dessus, que je me montre forte et résistante. Je ferme les yeux un instant, inspirant profondément pour me calmer. Puis, je les rouvre et plonge mon regard dans le sien, déterminée à ne pas flancher. Il ne peut pas me briser, pas cette fois.

— Elle ne viendra pas avec vous, répond Mattias à ma place en voyant que je ne suis pas capable de répondre.

— Fermez-là gamin, rétorque-t-il en lui lançant un regard noir. Erika mon enfant venez ici.

— Non, je réponds la gorge sèche.

J'aurais tellement voulu que ma voix résonne plus fort, qu'elle soit plus convaincante. Je suis en train d'essayer de garder le contrôle, je ne veux pas qu'il entende les sanglots qui menacent de s'échapper de ma gorge. Je ne veux pas qu'il perçoive ma faiblesse, ma vulnérabilité. Mais pourtant, malgré tous mes efforts, je sens les larmes me monter aux yeux, brûlantes et impérieuses. Je pince les lèvres, mordant la chair pour empêcher les sanglots de sortir. Je ne laisserai pas ma tristesse prendre le dessus, pas maintenant. Je fixe mon regard sur lui, essayant de garder une expression neutre, impassible. Mais je sais que mes yeux doivent trahir toute la peine et la peur que je ressens. J'espère seulement qu'il ne le remarquera pas, qu'il ne devinera pas la vérité qui se cache derrière mon masque de faux-semblant.

— Non ? vraiment ? insiste-t-il.

— Je ne viendrais pas avec vous. Acceptez que je reste ici, toute cette histoire sera réglée.

— Tuez-le. Tuez-le comme nous l'avions prévu. Qu'est-ce qui a changé ?

Mattias m'observe un instant et lâche ma main en reculant. Je secoue la tête et il comprend que c'est faux, que je ne veux pas lui donner la mort. Nous nous tournons tous les deux vers mon géniteur. Je n'ai même pas le temps de réagir que nous nous retrouvons projetés quelques mètres plus loin. Heureusement nous ne sommes pas blessés et nous nous relevons rapidement. Des soldats sortent de tous les côtés. Je me retrouve séparée de Matias. Immédiatement des cris fusent, je me retrouve entourée de trois personnes, toutes armées d'épées pointues qui menacent de me lacérer. Je garde mon sang froid et me concentre pour les propulser dans les airs. Ils retombent un peu plus loin sur le sol mais arrivent à se relever pour me foncer dessus. Je mets l'une de mes mains en avant et ferme le poing. Les trois hommes s'effondrent sur le sol, inconscients. Je n'avais encore jamais fait cela avant. Je me demande même si je ne les ai pas tués mais lorsque je passe devant eux je remarque leur poitrine s'élever et se baisser doucement. Je regarde autour de moi, et l'horreur de la situation me frappe de plein fouet. Les combats font rage, des corps jonchent le sol et l'odeur de la mort emplit mes narines. Je ne veux pas tuer, mais je suis prête à me défendre si je suis forcée à le faire. Je scrute frénétiquement les environs, cherchant désespérément Mattias. Je pivote la tête dans tous les sens en parant les coups qui pleuvent sur moi. Puis je les vois, lui et mon père. Mon cœur se serre dans ma poitrine. Je suis impuissante, juste une spectatrice de cette scène insoutenable. Mon père frappe sauvagement Mattias à l'arrière de la tête alors qu'il se bat avec un ennemi. Le choc le fait s'effondrer sur le sol, mais il se relève péniblement. Le sang coule abondamment de son nez, tandis qu'une plaie béante sur sa jambe laisse échapper des gouttelettes écarlates. Mon père est rapide, trop rapide. Il anticipe le coup de poing de Mattias et lui assène un violent crochet du droit. Saisissant ses cheveux, il approche le couteau de sa gorge.Je suis pétrifiée, incapable de bouger. Mes membres refusent de répondre à mes ordres. Pourtant, mon cœur bat à tout rompre, inondant mon corps d'une énergie brûlante. Lorsque mon géniteur rapproche dangereusement le couteau de la gorge de Mattias, une force surnaturelle s'empare de mon esprit. Elle cherche à me contrôler, à prendre possession de moi. J'ai l'impression qu'une vis se serre lentement dans mon crâne. Je crispe mes doigts sur mes tempes, cherchant désespérément une solution pour m'en sortir. Tout à coup, une image s'impose à moi, celle de Mattias, allongé sur le sol, à la merci de mon père. Une détermination sans faille s'empare de moi, chassant la force qui cherchait à m'envahir. Je me précipite vers eux, mon corps vibrant d'une énergie indescriptible. Je me place entre mon géniteur et Mattias, consciente que tout va basculer. C'est lui ou moi.

— Laissez-le partir, j'ordonne avec colère, essoufflée.

— Je vais le tuer, menace-t-il en relevant le menton.

Je me retourne pour contempler Mattias. Des souvenirs de nos moments passés ensemble affluent dans mon esprit, ravivant toutes les émotions qui me submergent. Je sens une boule dans ma gorge et une chaleur dans mon cœur. Ma décision est prise, je sais ce que je dois faire.

— Très bien.

Sur ces mots, je propulse Mattias plus loin. Malheureusement, je ne parviens pas à contrôler sa trajectoire et il atterrit contre un arbre. Le bruit de ses os lors du choc me brise le cœur et je me mords l'intérieur de la joue pour m'empêcher de crier. C'est le seul moyen pour qu'il s'en sorte. Il est rapidement entouré par Nolan et deux autres personnes. Je refuse de regarder son meilleur ami dans les yeux.

— Je suis désolée, je murmure pour ma conscience en m'empêchant de verser mes larmes. Vous êtes satisfait ? je crache avec haine en me retournant vers mon père.

Je n'ai pas le temps de le voir qu'un coup derrière la tête m'assomme et les ténèbres m'appellent à les rejoindre.

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