Prologue, la fuite

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Quand j'entends la porte d'entrée claquer, je sens soudainement les battements de mon cœur s'accélérer et l'adrénaline monter. Il est enfin parti. Je n'ai pas beaucoup de temps, je ne dois pas hésiter. Je souffle longuement avant de me lever de mon lit et observe un instant la pièce où je me trouve. J'espère sincèrement que je ne reviendrai plus jamais. J'ai vécu ici toute ma vie et bordel je déteste cet endroit. Cette maudite chambre avec ce lit miteux, ces quelques meubles en bois et ces murs blancs, sans âme. J'hésite un instant à aller boire de l'eau dans la salle de bain mais j'ai peur de voir mon visage. J'ai peur de voir mon reflet, de voir la personne que je suis, la peur et la détresse dans mes yeux.  Si je m'aperçois, je sais pertinemment que je suis capable de renoncer, de reculer et de ne pas faire ce que j'ai à faire.

Je me tourne vers la porte en fer de ma chambre en réfléchissant. Je dois m'enfuir et disparaître à jamais. Je ne dois pas retourner vivre ici. Mes tentatives d'évasion sont restées infructueuses  et je n'ose plus m'enfuir depuis plusieurs années. Comment aurais-je pu ?

J'ignore si des gardes sont encore en train de surveiller la porte mais je dois me préparer à les affronter tout en évitant de faire trop de bruit. Je ne dois pas me faire repérer. Je n'ai qu'une seule chance.

Je me concentre sur la poignée, j'imagine être la clé qui entre dans le barillet, la fait tourner dans le  cylindre et déverrouille la serrure. Un léger clic retentit m'indiquant que j'ai réussi. J'ai l'impression que mon cœur va exploser dans ma poitrine, je sens mon sang bouillir dans mes veines. J'abaisse doucement la poignée et ne voit personne à l'extérieur, ce qui me paraît immédiatement étrange et suspect. A-t-on anticipé ma fuite ? Est-ce un exercice ? Ou ai-je simplement réussi à sortir pile au moment de la ronde ? Dans tous les cas, je n'ai pas de questions à me poser ni de temps à perdre. Je referme la porte et sprinte dans le long couloir rectiligne avant de m'arrêter devant une fenêtre, celle que j'observe à chaque fois qu'il m'emmène m'entraîner, celle qui m'a toujours fait espérer.

Je m'apprête à ouvrir la fenêtre mais je sens une présence derrière moi. Je me retourne vivement, les mains en avant, prête à me battre.

— Erika ! s'exclame ma domestique, surprise en me prenant sur le fait.

Je laisse ma main gauche en avant prête à utiliser mes pouvoirs et avec mon autre main, je mets un doigt sur ma bouche en lui suppliant de se taire.

— Je crois que nous avons eu la même idée, continue-t-elle en chuchotant.

Je fronce les sourcils tandis qu'elle sort une clé de son tablier taché.

— Elle permet d'ouvrir les fenêtres, je sais que tu peux le faire de pensée, mais je préfère que tu préserves tes forces. Il enverra ses sbires te poursuivre, m'explique-t-elle rapidement en s'approchant de moi et en me tendant la clef.

Je ne l'ai jamais vue dans cet état. Elle se dépêche de parler et tourne sans arrêt la tête vers les portes par peur de voir quelqu'un nous surprendre. Elle est inquiète et elle à l'air sincère. Je ne pense pas que ce soit un piège et si ce n'est pas le cas, elle est en train de se mettre en danger.

— Mais... et toi ? je lui demande en chuchotant, les larmes aux yeux car je comprends qu'elle ne va pas me suivre.

— Ma chérie, je ne peux pas venir avec toi. Mon fils est à la maison, il a besoin de moi, je ne peux pas le laisser seul. Ne t'en fais pas, tout va bien se passer. Je ne peux plus supporter qu'il te torture ainsi.

Des larmes silencieuses coulent le long de mes joues, la domestique serre ma main et soutient mon regard avec un sourire tendre, comme le ferait une mère à sa fille en l'abandonnant. Je sais que je ne devrais pas baisser ma garde mais j'ai besoin de la serrer dans mes bras, j'ai besoin de ressentir une dernière fois son étreinte. Cette femme est la personne que j'aime le plus au monde. Martine est ma fidèle amie, mon unique confidente. C'est elle qui s'est occupée de moi toutes ces années, qui m'a transmis son amour, qui a guéri mes plaies. J'observe ses joues roses, ses yeux noisette et sa tignasse brune qui est attachée dans un beau chignon. Je l'enlace encore une fois une tandis qu'elle caresse mes cheveux dans un geste maternel. Elle va terriblement me manquer.

Des bruits de pas dans les escaliers se font soudainement entendre. Je voudrais tout à coup rester avec elle mais elle me donne une petite tape dans le dos comme pour me donner du courage. Je me dépêche d'ouvrir la fenêtre et de sauter. Je n'ai pas le temps d'hésiter et par chance, je retombe sur le sol sans me blesser. Je me tourne une dernière fois vers celle qui m'a aidée, elle me fait signe de m'en aller. Je regarde devant moi. La nuit est déjà tombée et l'air frais me fouette le visage. Je prends une grande inspiration et m'enfuis en courant de cette prison.

Je cours sans m'arrêter, je dois m'éloigner le plus possible de cette affreuse demeure. Au bout d'un moment qui me parait interminable, je décide de faire une courte pause. Je suis fatiguée, mes côtes et mes poumons me font atrocement souffrir. Je sens des gouttes de sueur couler sur mon front. Soudainement, je prends conscience de mon acte et je me mets à sourire en regardant le ciel étoilé. Je me suis enfin enfuie et j'ai réussi. Je suis enfin libre. Je réfléchis à ce que je vais faire. Je dois prendre de l'avance au cas où, je ne dois pas faiblir maintenant, pas après tout ce chemin, je ne dois pas être retrouvée, il en est hors de question.

Un flash de lumière apparaît devant mes yeux et je me remets à courir. Je ne sais pas où je vais, mais j'ai l'impression d'être guidée vers quelque chose. Je n'arrive pas à savoir quoi, mais je sens qu'une fois que je l'aurai trouvé, je serai en sécurité. Je décide de suivre mon instinct, il ne m'a jamais trompée.

La nuit passe à une vitesse folle. Le soleil est en train de faire son apparition, alors je décide de faire une seconde pause. Je m'appuie contre un arbre en essayant de reprendre un rythme cardiaque régulier. Je remarque que des arbustes bougent un peu plus loin et j'entends le craquement d'une branche. Je sursaute et ne réfléchis pas une seconde de plus. Ni une, ni deux, je me lance de nouveau dans une course effrénée en zigzagant entre les arbres, griffée aux joues par des branches et ralentie par les racines au sol. Je continue de courir et décide de me retourner pour repérer mes ennemis. Je me sens idiote lorsque j'aperçois des animaux sauvages. Je ralentis mon rythme mais je n'arrive pas à éviter la racine sur le sol et je dégringole d'un talus. Le choc est violent, mon corps me fait souffrir. Mes poumons me brûlent, je n'arrive plus à respirer. Je toussote un instant en frottant les feuilles et la terre que j'ai sur le visage. Je me relève avec difficulté, lève la tête et remarque une gigantesque maison blanche devant moi. Pendant un instant, j'ai l'impression que c'est un rêve, que mon cerveau invente cette maison pour me protéger. J'avance difficilement vers cette dernière mais je vois flou, je sens que je vais perdre connaissance, des points noirs dansent devant mes yeux.

J'ai du mal à respirer, j'ai l'impression d'étouffer. Je tousse et essaye de me maintenir debout malgré la douleur. Soudain, j'aperçois deux silhouettes apparaître dans l'angle de la maison. Sont-elles réelles ou suis-je en train d'halluciner ? Je ne vois que deux ombres floues, je n'arrive pas à distinguer le moindre visage. Je pose ma main sur mon crâne en faisant une grimace à cause de la vive douleur qui en irradie. Je continue d'avancer doucement mais mes pas se font plus courts, je ne sens plus mes jambes.

— Je te l'avais dit ! s'écrie une voix masculine avant que je m'effondre de fatigue.

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