Chapitre dix-sept

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La matinée avait filé à une vitesse folle. Plongé dans ses études, Meladrod s’était à peine rendu compte de l’évolution de l’astre solaire et avait été pris de surprise lorsque Cebryn l’avait tiré de ses réflexions. Il s’étira la nuque tandis que l’Aide posait devait lui nombre de poudres et d’herbes. À trop rester penché sur son ouvrage, la voici roide comme un vieux pain rance.

Une fois sa tâche accomplie, Cebryn s’en retourna à son bureau et se pencha sur sa propre étude, le visage las, ennuyé. Une moue étira les lèvres de Meladrod. Il détourna son regard de l’Aide et reporta son attention sur les ingrédients qui lui faisaient face, en faisant mentalement la liste. Il approuva du chef devant la précision de celle-ci et, sans tarder davantage, il se mit à l’ouvrage.

Après quelques minutes, le vieux guérisseur filtra son mélange à l’aide d’un tamis et le versa dans une petite fiole. Il porta cette dernière à hauteur de regard et attendit que la décoction retrouvât son immobilité. Lorsque cela fut fait, il l’observa avec attention. Satisfait de la robe beige et de l’absence de particules, il hocha diligemment la tête. Il se saisit alors du dernier ingrédient restant, une poudre d’un vert douteux, et en versa la moitié dans la fiole. Il ferma cette dernière et la secoua d’un geste distrait.

« Cebryn, gardez l’officine, voulez-vous ? »

L’Aide ne donna nulle réponse pas à la question qui, de toute façon, n’en attendait aucune. Avec le départ de Lenny Vinsere, le rôle de garde de l’office du guérisseur s’était trouvé tristement vacant. Meladrod ne pouvait guère se permettre de la laisser à l’abandon, chose particulièrement vraie depuis ce jour. De ce fait, il chargeait chaque jour l’un de ses Aides à la tâche qu’occupait naguère Lenny. Cela ne plaisait à aucun d’entre eux, mais ils se seraient bien gardés de s’en plaindre.

Meladrod quitta l’officine d’un pas vif. Il jeta un regard distrait à la fiole qu’il tenait encore en main et, satisfait de sa nouvelle robe mauve, la glissa dans sa poche. Il avança d’un pas vif, l’esprit vagabondant à bon gré. Il rejoignit bientôt le couloir principal, et avec lui la frénésie qui habitait le palais royal depuis plusieurs jours déjà. Çà et là se croisaient serviteurs et lavandières, s’enquérant vivement des diverses tâches qu’ils avaient à accomplir.

Meladrod approuva du chef devant tant d’agitation. Cela faisait bien trop longtemps que les couloirs avaient été désertés, et les voir à nouveau remplis l’emplissait d’une grande satisfaction. Les rares serviteurs qui remarquèrent sa présence le saluèrent diligemment au passage, salutations que le vieux guérisseur ne perdit pas de temps à leur rendre. Il avait des choses plus importantes à se soucier.

« Oh, pardon ! »

La servante qui lui était rentré dedans par manque d’attention releva les yeux.

« Maître Meladrod ! Pardonnez-moi !

— Cela ne fait rien, cela ne fait rien », répondit celui-ci en cachant du mieux qu’il put son agacement.

Puis, une pensée lui traversant soudain l’esprit, il arrêta la servante alors qu’elle s’en repartait.

« Magdalen, attendez ! Confirmez-vous que le prince se trouve bien dans la salle du Conseil ?

— Oh oui, maître ! Je ne pense pas que Sa Majesté l’ait quittée depuis hier.

— Merci, merci, Magdalen. »

Et sans attendre un instant de plus, Meladrod reprit son chemin. Alors qu’il s’en repartait, il jeta un rapide coup d’œil par-dessus son épaule, et observa la servante s’éloigner. Il approuva à nouveau du chef. Le temps avait passé depuis la dernière fois qu’il l’avait vue emprunter les couloirs. En réalité, la plupart des serviteurs évitaient de le faire depuis quelques années, préférant les passages dérobés dans les murs. Ils avaient doucement commencé à les déserter après la mort du roi Jobré, et les avaient définitivement abandonnés après que le vieux Fronn ait juré ses grands cieux y avoir vu errer le spectre de leur défunt roi. Superstitions ridicules !, mais ainsi était fait l’esprit des petites gens, plein de croyances grotesques et d’un manque consternant de logique. Mais après tout, les voilà ayant enfin retrouvé un semblant de bon sens !

Meladrod hocha la tête à cette réflexion et accéléra le pas. Il ne tarda guère à rejoindre la salle du Conseil et, sans s’attarder à s’annoncer, il ouvrit la porte derechef et entra. La frénésie était encore plus grande ici que dans les couloirs. Y étaient agglutinés membres du Conseil, représentants de l’armée, et nombre d’autres encombrants que Meladrod ne reconnut pas. Il n’avait plus vu la salle du Conseil aussi emplie depuis les jours du roi Jobré. D’ailleurs, au milieu de cette foire bigarrée et bruyante se tenait le jeune prince, perdu dans une conversation probablement des plus ennuyantes avec le capitaine d’infanterie.

Meladrod fit quelques pas de côté, de sorte à accrocher le regard du jeune prince sitôt celui-ci relèverait la tête. Par chance, il n’eut pas à attendre plus de quelques instants avant que cela ne soit le cas. Le prince Jasper croisa le regard du vieux guérisseur et, s’excusant auprès de son interlocuteur, il se fraya un chemin jusqu’à lui.

« Maître Meladrod ! J’espère que cela ne fait pas trop longtemps que vous attendez.

— Du tout, du tout », répliqua ce dernier.

Il sortit la fiole de sa poche et la tendit diligemment au jeune prince.

« Ah oui, merci ! D’ailleurs, je souhaitais vous remercier pour les ajustements que vous avez faits.

— Les ajustements ?

— J’ai remarqué que vous aviez augmenté quelque peu les doses du remède. Je me sens plus en forme que jamais, et cela est grâce à vous ! »

Pour toute réponse, Meladrod esquissa un sourire. Le jeune prince but le contenu de la fiole d’une traite et, avec une dernière salutation pour le vieux guérisseur, il s’en repartit à ses devoirs. Meladrod l’observa un instant. Plus énergique il était, cela était un fait. Tout comme pour les serviteurs, le jeune prince était habité d’une vivacité qu’il n’avait plus depuis bien des années maintenant. En réalité, c’était sa fougue qui avait réanimé celle du palais.

Meladrod approuva du chef et quitta la salle du Conseil. Il avait bien mieux à faire que de s’attarder plus longtemps en ces lieux.

Il revint sur ses pas et traversa le palais en sens inverse, son pas toujours aussi vif. Il ne tarda pas à rejoindre les portes menant aux jardins et les emprunta. Connaissant le chemin comme le fond de sa poche, Meladrod poursuivit sa route sans une pensée, prêtant bien peu d’attention à ce qui l’entourait, moins encore aux jardiniers qui le saluèrent. Il contourna un dernier bosquet, et se retrouva face au dernier chemin des jardins, formant une ligne droite entre des haies finement taillées. À son bout, une arche de lierres fleuris marquait l’entrée de l’herboristerie.

Meladrod la traversa, n’accorda pas un regard pour les plants de boutons noirs et s’approcha de la chaumine qui faisait face à l’arche. Il frappa deux coups secs au battant et, sans attendre quelque réponse, en ouvrit la porte. Le vieil homme parcourut la pièce principale d’un regard vif. Voyant la porte de la serre grande ouverte, il s’y dirigea sans attendre et, une fois entré, il s’arrêta à nouveau. Une fois de plus, il parcourut les lieux du regard, jusqu’à trouver ce qu’il cherchait. Entre les plants d’arnicas et de vératres blancs se trouvait une masse filandreuse grisâtre. Comme si elle avait deviné la présence du nouvel arrivant, la masse se redressa, laissant découvrir tout d’abord un chignon approximativement fait, puis un front large, un visage enfin.

« Tu es en retard, lança Andromède avec un regard réprobateur.

— De l’agitation au palais, répondit le guérisseur en balayant la plainte d’un revers de main. Est-ce que mes feuilles sont prêtes ?

— Question idiote. »

La vieille herboriste se releva et rejoignit Meladrod. D’un mouvement sec de la main, elle lui enjoignit de s’écarter, et ainsi passa-t-elle devant lui pour rejoindre la pièce principale. Elle prit une boîte posée sur l’un de ses nombreux plans de travail et la fourra entre les mains du guérisseur.

« Je t’ai mis tout ce qu’il me restait, les derniers plants ne sont pas encore arrivés à maturation. Tu en auras pour quelques semaines à peine. »

Pour toute réponse, Meladrod hocha de la tête. Andromède lui tourna le dos alors qu’il ouvrait la boîte. D’un œil expert, il avisa le contenu et calcula combien de temps exactement cela lui tiendrait. Assez pour le temps qu’il restait, de cela il était certain. Il approuva du chef puis, relevant les yeux :

« Que fais-tu, Meddy ?

— Je rassemble mes affaires », répondit-elle sur le ton de l’évidence.

Elle ouvrit plusieurs tiroirs de sa commode et en sortit nombre de pots et sachets, qu’elle posa en rangs ordonnés sur un énième plan de travail.

« Déjà ? s’étonna Meladrod.

— Il est plus que temps. Au fait, comment se porte le jeune prince ?

— À merveille, je dirais.

— Comment a-t-il réagi à son nouveau remède ? »

Meladrod pouffa.

« Il est persuadé que j’ai augmenté les doses. »

Andromède hocha la tête.

« J’ai toujours dit que son “impotence” n’existait que dans sa tête. Il lui fallait juste une bonne raison d’exister.

— Oui, oui, eh bien, il se montre aussi fougueux qu’un jeune faon. Mais ne change pas de sujet, tu disais que tu partais. Je suppose que tes préparatifs sont terminés ?

— Oh oui ! Le fruit est mûr, et prêt à être cueilli. Il serait dommage de le laisser pourrir. En parlant de cela, où en sont tes préparatifs ?

— Presque mûrs, presque mûrs. »

Il jeta un nouveau regard dans la boîte qu’il tenait.

« À la réflexion, il y en aura trop, je crois. »

Andromède secoua la tête.

« Le Gardien est bien cruel », commenta-t-elle.

Meladrod hocha la tête.

« Nous aurons peut-être l’occasion de nous croiser, vu comme les choses se déroulent.

— Ha ! Pour cela faudrait-il encore que tu me rattrapes !

— Serait-ce un défi ?

— Non, répliqua l’herboriste avec un regard noir. Évite de te montrer trop présomptueux. La dernière fois aurait pu te coûter bien cher.

— Tu exagères, vraiment, commenta le guérisseur avec une moue.

— Du tout ! Tu n’aurais pas dû te mêler de cette histoire, point !

— Raaah, toujours à dramatiser les choses ! Le pauvre homme n’avait aucune idée de ce qu’il devait faire. Quel gâchis cela aurait été, de laisser les choses se tasser.

— Mmf ! Tu as bien de la chance que le roi n’ait rien découvert !

— Le risque était nul, vraiment. Je lui ai fait suffisamment peur pour qu’il ne se tente pas à parler. Il a servi la même soupe que je lui avais donnée à ses gamins, et a emporté le secret dans la tombe. Le risque était nul, nul ! »

Cette fois-ci, ce fut sur le visage d’Andromède qu’une moue se dessina. Guère convaincue, elle n’ajouta cependant pas un mot et plaça ses pots, sachets et carnets dans un sac de voyage.

« Ne joue pas aux gâteux », dit-elle en plaçant le sac sur son épaule.

Elle tourna les talons et, sans un mot de plus, elle quitta la chaumine. Meladrod la regarda s’éloigner, une grimace étirant ses lèvres.

« Quelle femme impudente. »

Il referma la boîte qu’il tenait toujours d’un geste sec et la glissa dans sa poche. Sans s’attarder plus que nécessaire, il quitta la chaumière à son tour. Au-devant de lui, plus aucune trace déjà de l’herboriste. Une nouvelle moue étira les lèvres du vieux guérisseur tandis qu’il reprenait son rythme de marche habituel, vif. Il quitta les jardins sans perdre un instant, traversa une fois encore les couloirs sans un regard pour ses habitants, et quitta le palais.

Il ignora superbement les gardes postés à l’entrée de la royale bâtisse et qui le saluèrent, dévala les escaliers à une telle rapidité qu’il paraissait les survoler, et plongea dans la cité, aussi foisonnante d’activités que l’enceinte du palais. Quelques badauds le reconnurent ici et là, le saluèrent au passage. Meladrod prétendit ne les avoir guère vus et poursuivit sa route. Une voix nouvelle le héla. Meladrod chercha à l’ignorer de la même manière que les autres mais, se rendant soudainement compte d’à qui elle appartenait, il s’arrêta et fit volte-face.

« Maître, je vous attrape enfin ! s’exclama l’Aide.

— Respirez Siron, respirez. Quelles sont les nouvelles ?

— Sieur Ariellia réagit parfaitement à son traitement, mais je crains que ce ne soit pas le cas de dame Hylu. Ses pustules ont doublé de volume et se sont répandues, elle… elle ne peut plus s’asseoir, maître.

— Mmh… mauvais dosage, peut-être ? Prenez note de vos observations, je les étudierai à mon retour.

— Oui, maître.

— Oh, et avant que vous ne partiez ! Allez relever Cebryn, voulez-vous ? Le pauvre semble se mourir d’ennui. »

Une ombre passa sur le visage de l’Aide.

« Bien entendu, maître.

— Bien, bien, disposez. »

À peine ces mots prononcés, Meladrod s’en repartait déjà. Il ferma ses oreilles à tout bruit ambiant de sorte à ne pas être retardé davantage, et accéléra le pas. Alors qu’il atteignait enfin la grand-place, il pivota subitement sur sa gauche et s’engouffra dans une ruelle étroite. Il continua ainsi quelques minutes durant, puis s’arrêta aussi sec et fit face à une ancienne bâtisse. Ancienne elle l’était certainement, cela était évident au regard de sa devanture. Dans l’ombre des bâtiments plus hauts qui lui cachaient l’astre solaire, sa peinture verte s’écaillait par endroits. Son enseigne, en revanche, semblait avoir été fraîchement repeinte. Tracé en blanc d’une écriture bouclée, l’on pouvait aisément lire le nom des lieux :

« HERBORISTERIE LEMUS »


Après une courte pause, Meladrod poussa la porte qui en marquait l’entrée. Une clochette carillonna.

« Un instant, je vous prie ! » cria une voix invisible.

Meladrod lança un regard alentour. Ancienne, la boutique l’était sans aucun doute. Il appréciait néanmoins le soin que ses propriétaires portaient à la propreté des lieux. Pas une poussière, pas une toile n’était visible où que le regard portât. Sur trois des quatre murs étaient alignés nombre de cadres, présentant chacun sous leur verre une plante différente. À gauche de l’entrée, un haut comptoir marquait le territoire exclusif du propriétaire. Sur ce mur-ci, des étagères avaient été installées et portaient nombre de boîtes et bocaux soigneusement étiquetés. Enfin s’y trouvait également la porte menant à l’arrière-boutique.

Celle-ci s’ouvrit en grand, laissant apparaître une tignasse de cheveux blond-roux. Le visage d’un jeune garçon apparut alors, constellé d’une marée de taches de son. Un fin sourire le traversa.

« Maître Meladrod ! Bonjour !

— Bonjour, Timoty. Comment te portes-tu, aujourd’hui ?

— Bien, merci maître.

— Et ton frère ? »

Le sourire disparut du jeune visage.

« Il va.

— Où est-il ?

— À l’arrière, maître. »

Habitué aux lieux, Meladrod souleva le battant du comptoir et pénétra dans l’arrière-boutique. Timoty le suivit de près, prenant soin de refermer la porte derrière lui. Le vieux guérisseur navigua dans les différents couloirs, jusqu’à rejoindre le bureau du maître des lieux. Assis à une table, un jeune homme était penché sur ce qui semblait être un livret de comptes. Au bruit des pas qui s’approchaient, il releva ses yeux pâles. Un sourire fatigué étira ses lèvres fines.

« Maître Meladrod, merci d’être venu. »

Le guérisseur balaya les remerciements d’un revers de main et s’approcha plus encore, une mine soucieuse sur le visage. Le garçon avait beau ne pas encore être un homme, sa voix cependant était semblable à celle d’un vieillard, ou d’un fumeur de tabac. Meladrod tira une chaise et s’installa aux côtés du jeune homme.

« Comment te sens-tu ?

— Pas plus mal que la dernière fois, répondit Hernest en déboutonna sa chemise. Pas en meilleure forme non plus. »

Meladrod hocha simplement la tête. Il tâta la gorge du jeune homme, appuya au niveau des amygdales. Il posa ensuite une main entre ses omoplates, une autre sur son torse, le fit tousser. Le garçon s’exécuta difficilement, produisit une toux hachée, sèche. Quelques perles de sang teintèrent ses lèvres. Pendant ce temps, Timoty s’était éloigné, laissant guérisseur et patient à leur auscultation. Il revint quelques instants plus tard, une tasse d’un breuvage fumant dans les mains, qu’il posa sur la table, en face du guérisseur. Celui-ci l’ignora et glissa les mains sur le ventre de Hernest, y mit quelques points de pression. Après quoi il les porta au niveau des reins et fit de même.

Il retira ses mains et enjoignit le jeune homme à se rhabiller.

« Depuis combien de temps, la toux ?

— Un peu plus d’une semaine, je dirais.

— Du sang à chaque fois ?

— Oui. »

Une moue étira ses lèvres.

« Les nouvelles ne sont pas bonnes, n’est-ce pas ? »

Un soupir.

« Ce serait mentir que de dire l’inverse.

— Combien de temps me reste-t-il ?

— Quelques semaines, peut-être quelques mois tout au plus.

— Alors je ne ferai pas l’année. »

Le guérisseur ne répondit pas. Il n’en avait guère besoin. D’un geste las, il sortit de sa poche la boîte d’Andromède et la posa sur la table.

« Deux feuilles de plus qu’à l’habituelle. À ce stade, il n’y a plus rien que je puisse faire, sinon atténuer la douleur. »

Hernest hocha lentement la tête, les yeux baissés.

« Merci, maître. Timmy, peux-tu… ?

— Oui, s’empressa de répondre le garçon. Maître… ? »

Meladrod se leva sans un mot et suivit Timoty hors du bureau. En sortant, le guérisseur jeta un dernier regard au jeune homme. Le dos courbé tel un vieillard, le visage pris dans la main, une larme silencieuse coulait sur sa joue.

Timoty le guida en silence jusque dans la boutique déserte, et ferma à nouveau la porte de l’arrière-boutique derrière lui. Toujours sans un mot, il approcha du comptoir, tira une boîte de fer de sa cache, l’ouvrit, et commença à compter les solas.

« Je viendrai toutes les semaines, pour étudier l’évolution de la maladie », l’informa Meladrod.

Timoty hocha simplement la tête et tendit son paiement au guérisseur. Celui-ci glissa la monnaie dans sa poche et tourna les talons.

« Maître ? » appela le garçon alors que Meladrod s’apprêtait à ouvrir la porte.

Celui-ci se retourna, et plongea ses yeux gris dans ceux, noisette, de Timoty.

« Pourquoi ? demanda-t-il, la voix tremblante. Pourquoi est-ce que je suis le seul qui n’ait rien ? Père et mère sont déjà partis, et Hernest… »

Sa voix se brisa. Meladrod s’attendit à le voir en pleurs d’un moment à un autre, mais il n’en fit rien. Le garçon prit une profonde inspiration, reprenant de ce fait le contrôle sur lui-même. Meladrod hocha la tête.

« Qui sait ? répondit-il. Il semblerait que les cieux aient d’autres projets pour toi.

— Quels projets… ?

— Qui sait ? Portes-tu toujours l’amulette que je t’ai donnée ?

— Oui, maître. »

Le garçon porta la main à son col et tira de sous sa chemise un petit sachet accroché à une cordelette.

« Je ne l’enlève jamais, comme vous me l’avez indiqué.

— Bien, bien. Quel que soit le mal de ton frère, l’amulette l’éloigne de toi. Faisons en sorte que cela dure, mmh ? »

Timoty hocha la tête. Son visage, sombre, ne paraissait guère convaincu cependant.

« Hernest était déjà malade, lorsque vous me l’avez donnée. Pourquoi je ne suis pas malade ? Pourquoi lui l’est ? Pourquoi doit-il mourir maintenant ? »

Meladrod posa la main sur la poignée de porte, l’ouvrit.

« Le Gardien est cruel. »

Il partit.

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