Chapitre treize

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Comme chaque matin depuis leur départ de Jurpo, la troupe était prête à l’aube. De même l’était dame Aelina, vêtue de vêtements simples et de bottes robustes, un sac de voyage sur le dos. Tany fut quelque peu surprise de la voir accoutrée ainsi, elle ne pensait pas que la jeune femme possédât de telles choses dans sa demeure d’autant que, d’après ses propres dires, elle n’avait plus voyagé au nom de la couronne de Syracuse depuis près de sept ans. Elle semblait prête néanmoins pour le voyage qui les attendait, et c’était tout ce qui importait réellement. Les Elfes quant à eux les attendaient dans la cour. Nulle trace toutefois de l’Aïly, dont Tany n’avait plus vu l’ombre d’un signe depuis la veille. Elle ne s’en plaignait pas cependant. Trop de personnes déjà lui avaient promis la mort, une de moins dans ses environs n’était pas pour lui déplaire.

Ils ne s’attardèrent pas plus que nécessaire, et dès que dame Aelina eut fermé la porte du manoir, tous se mirent en route. Ils reprirent le chemin de terre par lequel ils étaient venus et rejoignirent rapidement la route principale. Celle-ci atteinte, Moréla tourna subitement les talons et la quitta prestement pour s’enfoncer dans les bois. Le regard plein de désarroi, les jeunes Magiciens la suivirent cependant, et avec eux dame Aelina, les Elfes et Tany.

Une grimace étira les lèvres de celle-ci. Elle comprenait la logique de Moréla, qui n’était pas mauvaise en soi. À déambuler sur la route principale, leur troupe faisait une cible trop facile. Dans les bois en revanche, ils seraient moins exposés. Le chemin serait plus difficile de par le sol inégal et les embûches que la forêt abritait toujours, mais la prudence devait primer. Après tout, leur priorité était de rassembler les êtres magiques dont Tany avait signalé l’existence. Les affrontements avec les troupes de Moridus viendraient, quant à elles, bien assez tôt.

Néanmoins, même si la logique était bonne, Tany aurait préféré que Moréla leur fasse part de ses pensées. Les jeunes Magiciens avaient déjà difficilement confiance en elle, cela était évident à la manière dont tous se comportaient autour d’elle. Plus Moréla gardait ses pensées secrètes, plus les chances de voir les Magiciens se mutiner devenaient grandes. À son grand désarroi, c’était une conversation que Tany serait obligée d’avoir avec la Magicienne. Au vu de leur situation, la confiance était primordiale et Moréla mettait la patience de tous à rude épreuve. Cela devait changer.

La Magicienne cependant ne semblait pas s’en soucier outre mesure. Elle s’enfonça dans les bois suffisamment profondément pour que l’on ne vît plus ne serait-ce que l’ombre de la route principale, puis elle reprit sa route comme si de rien n’était. Elle partit vers l’est, comme ils en avaient discuté lors de l’organisation de leur voyage, en direction du royaume de Tademna, qui serait alors leur premier arrêt. Au moins, pour l’heure, suivait-elle le plan qu’ils avaient mis au point.

Ils marchèrent en silence de longues heures durant et, lorsque le crépuscule finit par tomber, ils posèrent le camp tel qu’ils l’avaient fait jusqu’à présent, profitant ainsi du peu de lumière qu’il restait encore pour ramasser de quoi nourrir un feu et, peut-être, dénicher dans les sous-bois quelques denrées qui pourraient leur être utiles et qui leur permettraient, surtout, d’économiser les quelques vivres qu’il leur restait.

Alors que les jeunes Magiciens s’activaient autour du camp, Tany profita de cet instant de tranquillité pour effleurer du regard ses compagnons de voyage. Les relations entre les Magiciens ne semblaient pas avoir beaucoup évolué depuis l’arrivée de Tany à Jurpo. Déjà avait-elle remarqué les affinités que les uns portaient pour les autres, ou au contraire les animosités. L’arrivée des cousins Vinsere avait permis de rebalancer certaines relations, telle que celle des frères Alaekyn.

Henri était resté jusque-là dans les pattes de son aîné, sans trop se mêler à autrui. Aujourd’hui, il avait plus d’aise à discuter avec Anthony Vinsere, tous deux partageant un caractère somme toute similaire. Antoine en revanche n’avait pas beaucoup changé, la seule personne avec qui il acceptait de discuter était Sloe Zaharya, qui lui-même se mêlait difficilement à ses pairs. Celui-ci d’ailleurs n’avait plus abordé la Sorcière depuis la découverte des cousins Vinsere, et évitait même son regard. Soit. Elle était habituée.

Tany détourna les yeux et poursuivit sa ronde. Son regard finalement s’arrêta sur la plus jeune des Magiciens. Accroupie devant le tas de bois érigé par ses confrères, elle regardait l’un de ses frères l’embraser et ainsi donner naissance au feu qui les tiendrait au chaud cette nuit. Lilia Damyon semblait émerveillée devant les flammes qui jaillissaient des doigts d’Ael. Le visage de celui-ci était fendu d’un sourire, amusé de voir sa sœur s’extasier pour si peu.

L’observant ainsi, Tany ne put s’empêcher de se sentir intriguée. La petite était muette, de naissance semblait-il. C’était par ses expressions et ses mains qu’elle s’exprimait, et son visage était toujours des plus translucides. Aussi, Tany avait compris dès le premier jour que la fillette reconnaissait sa présence sans avoir besoin de la voir. Chaque fois que la Sorcière entrait dans une pièce où l’enfant se trouvait, celle-ci se tournait alors vers elle, le regard non pas surpris mais accueillant, comme si elle attendait sa venue. Et cela se produisait systématiquement, que ce soit dans une salle emplie de silence ou dans le vacarme de leurs entraînements. Lilia Damyon était toujours la première à avoir conscience de sa présence.

Ce qui, pour Tany, ne faisait aucun sens. En tant que Magicienne, la petite devait être incapable de sentir la présence d’une Sorcière, de même que celle-ci était censée être sourde à la présence des Magiciens. Tany possédait une raison qui lui permettait d’outrepasser cette barrière, mais l’enfant ? À cela, la jeune femme ne pouvait penser qu’une chose : Lilia Damyon possédait le don.

Dans l’optique de vérifier son hypothèse, la Sorcière étendit un doigt de magie vers la fillette. À son contact, celle-ci se retourna vers elle et lui sourit. Tany lui accorda un sourire discret en retour.

Cependant, loin de la satisfaire, cette réponse laissa la Sorcière complètement désarçonnée. Rares étaient les êtres naturellement capables de percevoir la présence mortelle ou magique de tous ceux qui les entouraient. C’était un don exceptionnel accordé, disait-on, à ceux que les cieux jugeaient méritants. Le phénomène était si rare que personne ne pouvait l’expliquer plus logiquement, car personne n’avait pu l’étudier. De ce que les documents officiels recensaient, on comptait moins d’une dizaine de cas connus depuis la Création. Les probabilités de voir la naissance de l’un de ces êtres bénis étaient pour ainsi dire nulles.

Et pourtant, il semblait que Tany en avait une sous les yeux. La jeune femme se demanda si les autres aslaviens, ou ne serait-ce que Moréla, avaient conscience des capacités de leur benjamine. Cela était possible, tout comme il était parfaitement probable que tous l’ignorassent. Après tout, seul Jasper avait semblé juger bon d’informer Tany des capacités des uns et des autres, du moins de ce qu’il connaissait de leurs capacités. Moréla semblait attachée à ses secrets, et ce jusqu’à dissimuler les aptitudes de ceux qu’elle appelait ses apprentis aux yeux même de son si précieux frère.

Pour la Sorcière, cela n’augurait rien de bon. Si la Magicienne cachait ainsi des informations à Jasper, cela ne voulait dire qu’une chose : le niveau des aslaviens en matière de magie était encore moindre que ce que Tany avait craint au départ. Bannie des entraînements des jeunes Magiciens à Syracuse, Tany n’avait pu commencer à analyser leurs aptitudes que durant ces quelques jours de voyage, où Moréla ne pouvait plus exercer à sa guise son désir d’éloigner la Sorcière. Du peu que la jeune femme avait observé, les aslaviens avaient tout de Magiciens en tout début d’apprentissage.

Tany se remémora alors ce que Jasper lui avait confié. Moréla n’était entrée en contact avec les aslaviens qu’au début de l’année. Mais même sachant cela, les aslaviens auraient dû être à même de manipuler leur magie plus aisément qu’ils ne le faisaient actuellement. Il avait fallu plus de cinq minutes à Ael Damyon pour invoquer sa magie et embraser le feu de camp. Un enfant qui aurait été initié à la magie en même temps qu’eux aurait pu y arriver en moins d’une. Anthony Vinsere, entraîné par un homme dépourvu de magie et lui-même né sans, était parvenu à manifester son bouclier de glace en quelques secondes à peine lorsque Tany avait simulé une attaque à son encontre.

Faisant cette comparaison, le retard des aslaviens était affligeant. Maintenant qu’ils étaient sortis de Syracuse, il était plus qu’urgent de rectifier le tir. Tany ne voyait pas d’autre choix que de se mêler elle-même à leurs entraînements. Oh, cela ne plairait définitivement pas à Moréla. Mais la Magicienne devait bien se rendre compte de la situation. Si elle refusait son aide, Tany ne donnait pas cher de la peau des aslaviens. Mais avant cela, elle devait d’abord prendre pleinement connaissance des forces et faiblesses de chacun. Inutile de poser directement la question, Moréla lui répondrait sèchement que cela ne la regardait pas. Non, elle devrait se contenter d’observer les Magiciens à l’œuvre, comme elle l’avait fait ces derniers temps, avec plus d’attention toutefois. Quelques jours seraient nécessaires pour qu’elle parvînt à glaner les informations dont elle avait besoin. Une fois cela fait…

Tandis qu’elle était plongée dans ses pensées, ses compagnons quant à eux avaient repris leurs entraînements tandis que dame Aelina gardait un œil sur le dîner qui cuisait. Tany sortit de ses songes et posa un regard assidu sur eux. La plupart s’entraînaient à la manipulation de leur élément respectif pour apprendre à mieux le contrôler.

Arnaud Halris, quelque peu en retrait du feu, ouvrait et refermait la main à répétition, créant une fois sur trois quelques étincelles au creux de sa paume. Ce n’est qu’à l’apparition de celles-ci que Tany comprit qu’il tentait d’invoquer sa magie le plus rapidement possible. Un petit sourire naquit au bord des lèvres de la Sorcière. Au moins n’était-elle pas la seule à avoir conscience du travail que les jeunes Magiciens devraient fournir.

À quelques pas de lui, Anthony Vinsere s’évertuait à montrer à Henri Alaekyn comment créer un mur de glace semblable à celui qu’il avait utilisé face à Tany. Le jeune aslavien se montrait particulièrement attentif aux explications du cadet Vinsere, qui tentait au mieux de décrire ce qu’il ressentait au moment d’invoquer sa magie. Le visage plissé par la concentration, Henri tenta de reproduire les mêmes gestes que son instructeur du jour. Quelques flocons à peine apparurent. Dépité, Henri se fendit d’une grimace tandis qu’Anthony ne cessait de l’encourager à poursuivre.

Un peu plus loin, les frère et sœur Netsy s’amusaient à se renvoyer une boule d’eau, prise et manipulée depuis la mare qui se trouvait non loin du camp. Ashley semblait plus à l’aise dans l’exercice que Christyl, bien plus lent dans son renvoi et qui, de temps en temps, laissait la boule d’eau se liquéfier entre ses doigts. Lorsque cela arrivait, Ashley s’empressait de rattraper l’eau avant qu’elle ne touchât terre, lui redonnait une forme sphérique et reprenait l’entraînement sans attendre.

À leur gauche, Ervey Rah — emmuré dans un silence que Tany ne l’avait jamais vu briser jusque-là — tentait difficilement de faire s’envoler les feuilles que Len Sararic matérialisait sans effort, tandis qu’à ses côtés Abigail Staynhal peinait à faire sortir une racine de terre.

La Sorcière secoua la tête, affligée. La différence de niveaux entre certains des Magiciens était trop grande. Tany en prit mentalement note.

Après une longue heure à s’entraîner ainsi, dame Aelina déclara finalement le repas prêt et tous, épuisés, soulagés, déconcentrés, cessèrent alors leurs activités. Leur pitance servie, les jeunes Magiciens semblèrent soudainement se détendre, comme si ce repas était l’accalmie qu’ils avaient attendue toute la journée. À marcher tout le jour durant et à s’entraîner dès le camp dressé, il était vrai qu’il s’agissait là du premier instant de repos dont ils pouvaient profiter.

Ainsi détendus, certains échangèrent quelques mots, choisissant visiblement avec attention à qui s’adresser, ce qui rendait encore plus évidentes les relations des uns avec les autres. Ainsi, comme à son habitude, Antoine Alaekyn préféra converser avec Sloe Zaharya, ignorant superbement Arnaud Halris qui, pourtant, se trouvait à ses côtés. De même, les jumeaux Netsy demeuraient dans leur bulle fraternelle, tandis que le plus jeune des Vinsere tentait de converser avec un Ervey Rah résolument muet. Un instant, Tany se demanda si, tout comme la benjamine Damyon, le jeune homme n’était finalement pas dénué de voix.

Tous se reposaient ainsi, aucun ne prêtait de réelle attention à ce qui les entourait. Devant leur manque évident de prudence, Tany poussa un léger soupir. Résolue, elle étira la magie dont elle avait pris possession et l’étendit tout autour de leur camp, et ce jusqu’à une vingtaine de pieds de celui-ci, formant ainsi un dôme les entourant. Quiconque franchirait ce périmètre invisible attirerait son attention. À cette distance, leur troupe aurait peu de temps pour réagir, mais au moins le pourront-ils. La pierre qui trônait à son cou échauffa quelque peu la peau de la Sorcière, rien cependant de trop désagréable. La lave qui la composait s’agita également.

Un bruissement dans les ramures qui les surplombaient attira l’attention de Tany. Elle leva les yeux. Sur une branche haute, l’Aïly Vackyrie les dévisageait de toute sa hauteur, le visage sombre, le regard noir. Des yeux elle parcourut l’assemblée, s’arrêta un instant sur la Sorcière, poursuivit sa ronde. Tany était surprise de la découvrir en ces lieux. Ils n’avaient plus revu la créature depuis la veille. La jeune femme avait alors pensé qu’elle était partie. Pourtant, la voilà à nouveau. Perchée au sommet d’un arbre, certes, mais présente néanmoins.

Tany ne fut d’ailleurs pas la seule à remarquer sa présence. Les Elfes, bien que n’ayant manifesté aucune réaction, avaient très certainement senti sa présence. Les jeunes Magiciens en revanche ne cachèrent pas leur surprise de découvrir la créature qui les surplombait. D’abord hésitante, Rose Tohm se décida finalement à prendre la parole.

« Kisumi… débuta-t-elle d’une voix fluette. Qu’est-ce que les Aïly ? En quoi sont-ils différents des Elfes ?

— Aëlez, rectifia l’Elfe, les yeux toujours baissés sur son bol. Une Aïly, un ou des Aëlez. »

Après quoi, il garda le silence. Aux regards que les aslaviens se jetèrent entre eux, Tany devina que l’attitude de l’Elfe était anormale. Peut-être avaient-ils l’habitude de le voir répondre à leurs questions. Celle-ci cependant était délicate. Les créatures n’aimaient pas révéler leurs secrets à ceux qu’ils appelaient « les mortels ». Tany ignorait si l’Elfe avait dévoilé les siens, mais livrer ceux d’une autre créature serait un affront. Comme une réponse aux pensées de la Sorcière, l’Aïly, du haut de sa branche, se tendit comme un arc, faisant bruisser les feuillages qui l’entouraient.

Après plusieurs minutes de silence, l’Elfe se décida finalement à reprendre la parole, lentement toutefois, comme s’il mesurait ses mots.

« Chaque créature magique possède ses caractéristiques propres, et ses ressemblances aussi, parfois. Les premières différences notables entre les créatures sont, évidemment, physiques, répondit-il à voix basse. Les Elfes, par exemple, ont pour la plupart une taille relativement semblable à celles des mortels tandis que les Aëlez sont… eh bien, vous avez pu le constater par vous-mêmes. Ils sont aussi les seuls à pouvoir faire usage de leurs ailes.

— Mais, protesta Henri Alaekyn, tu as parlé un jour de dragons et de… de Fi… Firi…

— Feezyr, corrigea Kisumi. Les Feezyr possèdent certes des ailes mais ne peuvent pas les utiliser. Elles font plus office… disons, d’élément esthétique. Leurs ailes peuvent d’ailleurs prendre différentes formes, de la plus classique à la plus improbable. Mais quoi qu’il en soit, leur utilisation reste l’exclusivité des Aëlez. Tandis que les Feezyr sont condamnés à demeurer au sol dû à leurs ailes incapables de les porter, les Aëlez quant à eux peuvent les utiliser dès qu’elles sont suffisamment formées et fortes. Quant aux dragons, tous n’en ont pas et ils demeurent des créatures… à part.

» Quoi qu’il en soit, nos différences ne sont pas uniquement de l’ordre du physique. Nous autres, Elfes, sommes des créatures sociales, vivant en communauté. Nos aptitudes sont nombreuses, assez semblables aux vôtres en réalité, mais contrairement à vous nous ne connaissons nulle limite à leur utilisation.

» Les Aëlez en revanche sont des créatures vagabondes, qui ne s’installent nulle part et partout à la fois, et n’ont pour résidence que là où le vent les mène. Reclus, les Aëlez passent la plus grande partie de leur existence en solitaires. Ils ne se retrouvent en communauté qu’en de rares occasions. Contrairement à nous, les Aëlez ne possèdent pas de magie à proprement parler, qu’ils peuvent manipuler. Disons plutôt que… »

Il leva rapidement les yeux au ciel.

« … leur “magie” réside dans leur corps. En cela, les Aëlez sont assez semblables aux dragons, créatures magiques néanmoins dépourvues des capacités que nous autres possédons. Oh, bien sûr, les dragons peuvent parfaitement cracher du feu ou de l’acide, mais il ne s’agit pas de “pure” magie. »

Le silence tomba à nouveau. Le regard plein de confusion des jeunes Magiciens reflétait parfaitement l’incompréhension de Tany face à ces explications sans clarté. Cependant, Kisumi n’ajouta pas un mot de plus, et comme une mimique à son attitude, tous replongèrent silencieusement le nez dans leur bol.

À nouveau, les branchages au-dessus de leur tête s’agitèrent. La Sorcière leva les yeux. L’Aïly avait disparu.

Tany repensa alors à ce que l’Elfe leur avait révélé. Bien peu d’informations, compte tenu de tout ce qu’il devait savoir, mais tant déjà alors qu’ils n’étaient que des « mortels ». Tany ignorait la plupart des choses qu’il avait dites. Les créatures magiques étaient très secrètes, il était incroyablement difficile, si ce n’est impossible, de savoir quoi que ce fût sur eux. Bien que la Sorcière sût que les Elfes formaient une communauté due à l’existence connue de leur cité, Ellesia, elle ignorait cependant la nature nomade et solitaire des Aëlez.

Tany ne s’était jamais réellement attardée sur le sujet. Il y avait si peu de chances, dans sa vie, qu’elle croisât ne serait-ce qu’une créature magique qu’elle ne s’était jamais réellement demandée comment ils vivaient. Aujourd’hui en présence de deux Elfes et d’une Aïly, la jeune femme prenait pleinement conscience de son ignorance. En cela, elle se retrouvait au même pied d’égalité que les jeunes Magiciens.

Comme par réflexe, Tany leva les yeux parmi les branches les plus élevées des arbres qui les entouraient et les posa sur la branche épaisse où l’Aïly Vackyrie avait reposé quelques minutes plus tôt. Celle-ci ne leur avait pas adressé la parole depuis leur arrivée au manoir, hormis pour menacer Tany, et avait soigneusement évité leur compagnie depuis.

Compte tenu de ce que Kisumi leur avait révélé, cela ne surprenait guère Tany. Guère sociaux, les Aëlez préféraient demeurer seuls et c’était dans cette logique que Vackyrie s’était isolée. En revanche, elle comprenait difficilement pourquoi l’Aïly avait finalement décidé de les accompagner, ni même pourquoi, en réalité, elle s’était trouvée chez dame Aelina. Elle semblait avoir pour eux autant de mépris que l’Elfe Ranoli, qui n’avait pas prononcé un mot depuis que Tany l’avait croisé par hasard dans les couloirs du palais de Jurpo. Et, de toute évidence, elle détestait Tany.

Mais pourquoi ?

Nul Sorcier ne pouvait décemment représenter un quelconque danger pour un Aëlez, et ceux-ci portaient bien peu d’attention à ce qui arrivait aux mortels. Rien de ce que Tany ou sa famille aurait pu faire ne pouvait logiquement les heurter.

À cette pensée, Tany se remémora leur arrivée dans le manoir qu’habitait dame Aelina. Elle se souvint de la manière dont l’Aïly avait réagi lorsque celle-ci était apparue, au regard plein de peur que la créature avait posé sur elle.

Alors, c’est pour cela…

Pour cela qu’elle haïssait tant Tany.

Pour cela qu’elle les suivait alors que, de toute évidence, elle les méprisait.

Parce que Tany représentait, en réalité, une menace pour dame Aelina.

Eh bien, soit.

Tany était bien heureuse d’avoir une alliée pareille à leurs côtés. Même si elle ne l’était que pour le bien et la sécurité de dame Aelina.

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