Je caressais les flots et voguais dans l'océan aveuglant d'unité.

 Toutes voiles dressées, le navire était aux aguets, attentif au moindre frémissement de terre. La coque avait entamé son badinage avec la nuque des vagues; se prêtant au jeu, elles donnèrent naissance à une sarabande endiablée à l'arrière de l’embarcation. Vénus en proue clamait d'une voix aux accents mystiques la vigueur éternelle des marins trempés de sel, de sueur et de sang.

 Je scrutais l'horizon au travers du kaléidoscope de mes désirs : j'attendais l'outre-ciel ! Soudain le silence descendit sur les âmes, seul l'écho des profondeurs parvenait à nos oreilles. Petit à petit il devint plus net dans l'eau qui s'éclaircissait. Un cri retentit et bientôt notre soif de terre fut étanchée...

 Je tombais à genoux et embrassait ma source de vie. Devant nous, le vent fouettait l'étendue verte et sombre dans un concert de bruits et de senteurs exhalées par cet Eden. Sur la plage, près des bosquets de flamboyants, on vit l'autre, il semblait nous attendre...nous les espérions aussi.

 L'accueil fut triomphal et nos hôtes s'empressaient de nous combler de nombreux présents. Dans une atmosphère dionysiaque mes sens s'égarèrent, je me sentais fondre dans la Nature. Mon esprit s'évada, s'arracha à son port d'attache pour un voyage sans escale vers la jouissance infinie...

 J'abordais un pays de rêves aux couleurs non feintes qui explosaient sur mon corps. Autour d'un lac de feu des femmes tressaient la Vérité dans la joie de l'insouciance. Les cris d'enfants se mêlaient à ceux des oiseaux en une symphonie de l'espérance.

 Des vapeurs de bien-être me portèrent alors dans un lit cotonneux où je m'endormis paisiblement...