Piastre

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Les cloches sonnèrent, tonnèrent et grondèrent. Partout, l'on célébrait l'envolée de Christos. Partout les anges descendus emporter le saint corps. Partout, et bien trop ! Les cloches sonnèrent, tonnèrent et grondèrent, si bien qu'elle réveillèrent le sein contre l'homme. Le grommellement de la mère, contre le père contrits, répondait aux pleurs et cris. Napo ne dormait plus non plus, et privé d'une matinée bien grasse, Piastre se leva du mauvais pieds. Avec l'envie de taper sa femme et de fesser un mur, ou sans doute l'inverse, c'est tout tricard qu'il quitta le lit conjugué. Debout en braies sur l'étendard, il vit passer dans l’entrebâillement de la porte Bathilde qui trottinait vers la chambre d'à côté. La nourrice à l'opulente poitrine pleine de lait avait été embauchée par Tancrède spécifiquement pour cette raison. Le De Machaut, friand de ce que se réservait Napo pour petit déjeuner, déjeuner, goûter et dîner, avait tôt fait de trouver une alternative pour ne pas tarir la principale intéressante. Ouais, flash info, spécial news de la Housse de couette : Piastre est un pervers, pire encore que ce que l'on sait, pire encore que ce que l'on croit. Freud dirait sans doute plus tard que c'est un œdipe non résolu. Le genre de problème qui tourne autour du mat encore.

Ce n'était pas le premier enfant dont s'occupait Bathilde, elle allait la changer et la nourrir sans qu'aucune intervention extérieure ne soit requise. Dès lors, Piastre laissa lasse sa dulcinée pour descendre à la cuisine. Tancrède n'étant guère doué pour les tâches ménagères, ce fut un autre critère de recrutement. Pour le peu qu'il la payait, il n'y avait pour le moment rien à redire. Douce avec Napo, sévère et rigoureuse en cuisine, Bathilde s'était réveillée à l'aurore pour préparer comme chaque matin de quoi retourner la tendance. L’étendard vint buter contre le plan de travail. S'emparant d'un plateau, Piastre le remplit de victuailles, fruits, biscuits, brioches et petits bains, caramel et confitures. Portant le tout sans sa troisième jambe, c'est langue de bois qu'il regagna l'étage, sourire mutin aux lèvres. Lorsqu'il ouvrit la porte, il constata avec tendresse que la belle dormait à nouveau, sous bois de songe. Le vieil homme sans sa canne posa lors le plateau sur le bord du lit, près des pieds et séant à côté de sa blonde, pour venir du bout des doigts effleurer son épaule, et des lèvres son cou. Il adorait le goût de sa peau au réveil, le parfum de son corps prélassé. Parfois, elle collait. Pas cette fois. Lisse, douce et fruitée. Un parfum de noix.

Napo ne pleurait plus. La gourmande devait sans doute se rassasier. La matinée n'était pas encore fichue. Et la journée s'annonçait chargée. Les cloches sonnaient, tonnaient et grondaient encore. Mais cela ne suffisait plus à noircir ses nuages. Ciel clair et dégagé, telle étaient la prédiction pour le jour à venir, bercé des cordes qui vibraient dans son esprit, faisant de chaque instant de sa vie un récit épique pour les générations à venir.

Réveillez-vous ma blonde, nous avons un Chat-pitre à écrire. Apprenons-nous en chœur.

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