Chapitre 1

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It's getting close,

I lose control,

It's taking over *

Deep end - Ruelle

Un enfant est totalement inconscient des problèmes d'adultes. Mais pourtant ils se répercutent inévitablement sur eux et causent des blessures béantes dans le cœur qui mettront des dizaines voire des vingtaines d'années avant de commencer à cicatriser. Parfois cela n'arrive jamais.

Le premier amour qu'une petite fille ressent pour un homme, c'est pour son père. Un père qui lui donne vie en partageant son ADN. Qui la voit naître, et pousser son premier cri en entrant dans ce monde.

Ce père qui malgré les chagrins de sa petite fille sait toujours comment la faire sourire, rire et s'ouvrir au monde en lui apprenant la gentillesse et la bienveillance envers ses pairs. Le respect des aînés, des autres, de soi-même mais surtout de son propre corps.

Qui a eu un père comme ça ? Vous ? Moi non ! J’ai connu un monstre à la place.

Je souhaite de tout mon cœur avoir un père qui fait attention à moi sans avoir des envies obscène à mon égard. Qui ne voit pas la bouteille d’alcool comme la chose la plus importante de son existence.

J’espère fort, en rentrant à la maison que mon père se soit enfin rendu compte du pervers qu'il est. Mais les espoirs et les rêves ne sont que des illusions ! Des fantasmes, rien de plus !

Mon enfance est constituée de violence. De peur. Quand je rentre le soir et que je le vois debout derrière la porte à m'attendre. Je ne peux m’empêcher de trambler en sachant ce qui va arriver. Je ressens la plus grande haine, la colère et le plus fort dégoût pour tout ce qu’il me fait, pour l’être qu’il est en réalité. Et pour ce que je deviens.

Chaque nuit, quand je finis par m’endormir, je rêve que je suis au paradis. De voir l’ange de mes rêves de retour. Le voir me sourire. Le voir me faire signe de le rejoindre. D’être enfin loin du monstre qui dort avec moi. D’être libre des chaînes qui me retiennent prisonnière de mon lit, ici bas en enfer.

Je ne suis rien pour lui, juste un jouer, un souffre-douleur. Un exutoire pour assouvir ses plus sombres fantasmes. Une petite fille fraîche est vierge. Il me prend mon innocence de force et me brise quand il passe la barrière de ma virginité. Me tue à chaque coup de reins.

Quand je me refuse à lui. Quand je ne lui obéit pas, tout devient plus physique, plus violent, plus brutal ! Il utilise toute sa force pour me mettre les chaînes. Pour m’arracher mes vêtements. Me tirer les cheveux pour faire basculer ma tête en arrière. Pour que je le regarde prendre son pied avec mon corps. Le voir jouir est la chose la plus immonde. Pleurer et supplier ne change rien. Au contraire, il continue pendant de longues heures, parfois la nuit entière. Il se sert de chaque chose qui lui tombe sous la main pour me blesser physiquement.

Mes hurlements ne sont pas entendus. De toute façon, qui peut intervenir quand la maison est cachée par de grands sapins, entouré par des prés verdoyants. Les agneaux ?

Je suis l’agneau, et le loup qui me retient dans ses longues griffes est mon père. Karl Cartha.

Je suis juste la putain de mon père. Je me suis offerte à lui le jour de ma naissance. Jamais je ne pourrais envisager d’être libre. Il me l’a juré. Il me pourchassera éternellement.

Treize ans plus tard, je me souviens encore de tout ! Le moindre petit détail.

De mes rideaux verts toujours fermés. Son souffle tiède dans mon cou, puant l'odeur de l'alcool. L'odeur immonde de sa sueur. Sa semence qui se mélange avec mon sang, qui coule entre mes jambes. Mon pires cauchemards est de le revoir.

Je connais mon destin depuis ma fuite, Mais je ne sais pas combien de temps il me reste. Je peux m’attendre à ceci : « Cave.. Viols.. Mort. ».

Je garde le sourire pour ne pas inquiéter mes proches. Ils ne doivent pas savoir. Ils ne peuvent pas vivre comme moi, dans la peur. ils ne le méritent pas ! Je les aimes tous profondément et du plus profond de mon cœur. Je ne laisserai jamais rien leur arriver. Je me le suis promis à moi-même.

Je sort d’une petite rue, baisse ma capuche que le vent à soulever. Je m’engouffre dans la bouche du métro du palais de justice; la plus proche de mon travail. J’espère juste ne pas avoir rater le dernier, sinon je suis obligé de traverser la ville à pied.

Mais la chance n’est pas avec moi depuis longtemps. Ce soir est un bon exemple. Les catastrophes n’ont pas arrêté de s'enchaîner durant la soirée. Le service en salle m’a semblé plus long que d’habitude. Des clients qui ne partent pas ou pas assez vite à mon goût. Le plateau de boissons que j’ai par accident renversée sur une pauvre dame. Les assiettes qui m’ont échapper des mains à l'entrée de la cuisine. Elles ont fini en mille petits morceaux sur le carrelage !

Que je n’oublie pas les bouchons de vin trop capricieux. Car j’ai eu beaucoup de mal à en déboucher une seule bouteille sans casser le liège.

Je suis épuisée de ma journée et je découvre sans surprise que le prochain n’est pas avant cinq heures du matin. Je ne vais pas pouvoir aller me coucher tout de suite. La chance m’a vraiment abandonnée ! Qu’elle saloperie cette chance. Je la hais.

Je suis rive droite et je dois me rendre à mon appartement qui se situe rive gauche. Juste après la clinique de l’Europe. Entre 2,2 Km et 2,4 Km, environ trente minutes de marche à un rythme normal, avant de pouvoir passer la porte de mon refuge.

Je suis en colère contre moi, mais surtout contre l’univers tout entier. Mais je suis la plus furieuse envers cette putain de chance qui continue de me fuir. Elle m’éviter délibèrement depuis ma naissance.

Si je n’ai pas encore perdu mon boulot, c’est parce que mon oncle, et mon beau-père, Marc, sont les patrons du restaurant où je travaille. Ils sont toujours compréhensif envers moi, ce qui me rend folle de rage. Je veux être comme les autres employés, me faire remonter les bretelles à chacune de mes bourdes. Mais non, j’obtiens : “ c’est pas grave” ou encore “Ca ira mieux demain”.

J’envisage de rendre mon tablier depuis quelques mois maintenant, mais je sais qu’aucun des deux n’acceptera. Et puis qui voudrait d’une empôtter comme moi ?

Ils veulent me protéger et je comprend leur inquiétude. Mais j’étouffe avec eux deux constamment sur le dos. Sans parler des visites quotidiennes de Mathias, mon charmant, mais le plus envahissant des demis-frères. Je veux juste un peu de paix. Trois petites heures sans appel ou message de la part de ma mère ou de Louisa.

Je me demande s'ils savent que Karl est en librerté ! Depuis une semaine, il est dans la nature. Dieu sait où. J’espère juste qu’il restera loin de moi. Mais il y a peu de chance. Je suis la seule à avoir vu chaque facette de lui. Le bien comme le mal. Mais j’ai eu à faire face au diable.

J’ai l’impréssion de devenir folle, je ne dors plus, je ne sors plus sauf pour aller au travail. Et quand j’arrive à fermer les yeux, j’ai ces images de lui qui me viennent en tête. J’ai la désagréable sensation de le sentir près de moi. A m'observer. A se moquer de moi et de la fille pitoyable que je suis.

Je tourne en rond comme un lion en cage. J’ai peur de mettre le pied dehors et de le croiser à chaque coin de rue. Je sens que je suis sur le point d’imploser. Je perds progressivement le contrôle de mon esprit. J’entend son rire particulier, et cela provoque de violent frisson qui me laisse toute tremblante et morte de peur. Je ne veux pas me souvenir. Je ne veux plus rien ressentir. je veux être libre. Je ne veux plus gouter à la peur qui se diffuse dans chaque cellule de mon corps. Si je dois disparaître pour être en paix, loin de lui, alors je suis prête à mourire.

Je n’ai pas le droit de penser comme la plus grande des égoïstes. Il y a ma mère qui a tant fait pour moi. Qui à organiser notre fuite. Elle s'est battue pour que justice me soit rendue. Et à fait beaucoup de sacrifices pour que je me reconstruise. Mais hélas, je n’y parvient pas. J’ai trop peur.

Avant de m’engager sur le pont Pierre Corneille, je vérifie derrière moi que personne ne me suis. Je continue ma route, mais l'attraction qu’exerce la Seine sur moi me pousse à m’arrêter après avoir dépassé l'île Iles Lacroix. J’ai toujours aimé regarder ce fleuve qui trace sa route jusqu’à la mer sans se soucier de rien. Elle parait si paisible, mais il n’en est rien, ce fleuve est purement sauvage. Ce qu’elle prend, elle ne le rend pratiquement jamais.

Je laisse tomber mon sac à main par terre avec tous mes effets personnels avec. je n’en aurais pas besoin. Je saute autant que je peux pour pouvoir me tenir sur la fine balustrade du pont, pour pouvoir m’y asseoir au dessus de l’eau, en équilibre. Peut-être que si je saute dans la Seine, elle me gardera pour toujours en son sein. Elle m’aidera sûrement à oublier ma misérable petite vie. Elle prendra peut-être chacun de mes fardeaux pour en faire les siennes. Ainsi je serai libérée de toute souffrance. De tous les cauchemars. De toutes mes peurs. De chacune de mes angoisses envers les hommes.

Je suis lié à des chaînes invisibles qui me rattachent pour l’éternité à ce monstre. Mais je ne lui ferais pas le plaisir de le laisser me tuer.

L’attraction de la Seine est énorme. Le vide m’aspire, il est de plus en plus difficile de résister.

Je saute ? Je ne saute pas ? J’aimerai dire que non, j’en suis incapable. Mais mes pensées obsédantes ne me laissent aucun répit pour que je puisse réfléchir. Du fond de l’enfer, rien ne peut me retenir. La douleur est trop forte. Je connais déjà le chemin. Je ne veux plus me confronter à Karl.

Le seul mot qui me vient à l’esprit quand je regarde l’eau, c’est : « Paix ». La paix éternelle qui est promise à toute personne une fois passer de l’autre côté du voile. La mort est tellement accueillante. Que j’ai l’envie irrépressible de me jeter dans ses bras pour qu’elle m'embrasse et m'entraîne avec elle jusqu’à qu’il ne reste plus rien d’autre que le silence. Un silence tellement désiré. Tellement attendue, mais jamais obtenue. Je suis décidée à en finir. Personne ne peut m'empêcher d’aller jusqu’au bout.

je prend appuie sur mes mains, pour mieux me pencher. Pour ne pas rater le saut final. Ma sortie. Mon envole. Je rejette tout l’air que j’ai dans mes poumons. Je ferme les yeux.

Le monde autour de moi se fait silencieux, mais une voix se détache de toute l’agitation de la circulation. Elle m'appelle. Je ne la comprend pas, mais elle me rassure. L’eau me rassure.

  • Arrête ! Ne saute pas. Ce n’est peut être pas l’eau qui m’appelle finalement. je sursaute de peur.

Mon coeur s’emballe furieusement dans ma poitrine. Une fine pélicule de sueur recouvre la paume de mes mains est les rendent glissante. Ma respiration est irréguliere, le souffle me manque. je tourne la tête pour rencontrer le regarde de la personne à qui appartient cette voix douce est ferme.

Je distingue des yeux bleus. Les plus beaux du monde.Les seuls que je puisse reconnaitre malgrès les années écouler. Les seuls qui m’ont fait toujours me sentir en sécurité dans mes rêves.

Mon pied glisse, je bascule en avant. La gravité m’entraine vers la Seine. Je tombe est le vent siffle fortement dans mes oreilles. Mon coeur remonte dans ma poitrine, l’adrénaline brule dans mes veines. Ma gorge me brûle. Je hurle. Je me vois me rapprocher de plus en plus de la nappe d’huile noir. En quelque seconde la douleur envahie chaque parcelle de mon corps, le froid m’envellope. Mon coeur s’emballe dans ma cage thoracique. Je tente par tout les moyens de remonter à la surface, mais je suis aspirer par le courant. Je ne contrôle plus rien. Je suis tirer dans les ténèbres. Je suffoque est me noie jusqu’a perdre connaissance.

Et voici quand ce trente et un octobre, je vais mourire comme je l'avais désirée.

~ §§§ ~

La traduction :

ça se rapproche,

je perds le contôle,

ça prend le dessus,

« Le viol (articles 222-23 à 222-26 du code pénal), défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » et puni de quinze ans de réclusion criminelle ;

Or, lorsque l'infraction a été commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime , les peines sont aggravées :

Le viol est alors puni de vingt ans de réclusion criminelle, qu'il ait été commis sur un mineur de quinze ans ou non.

la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a porté à vingt ans le délai de prescription des faits de viol commis sur un mineur. »

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