Acte 14 - Rendez-vous

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Toujours sous la douche, Camille n'avait pas entendu l'intrusion de son stagiaire, qui était à présent dans le salon en train de boire un jus de pomme. Le plus petit était trop perdu dans ses pensées, et n'entendait pas les petits bruits que faisait son invité surprise. Après avoir fini de se laver, le jeune homme sortit de sa douche, attacha une serviette autour de sa taille, et se dirigea dans sa cuisine pour aller boire une limonade, car la douche lui avait donné soif. Il dut donc passer par son salon, et tomba sur Ivan qui était toujours installé sur le canapé. Une grande terreur empoigna alors son corps et fit lâcher ses jambes. Il tomba assis au sol, mit ses mains devant son visage et poussa un hurlement de panique, suivit d'un cri d'Ivan, pris au dépourvu par la soudaine apparition du jeune homme effrayé, qui en plus était presque nu.

« Pitié, ne me faites pas de mal ! » hurla Camille.

Ivan comprenait mal la situation, cela le rendait anxieux aussi. Il s'approcha du garçon terrifié en essayant de garder une attitude calme, et lui dit :

- « Monsieur Camille, ce n'est que moi ! Calmez-vous, il n'y a rien, je ne vais rien vous faire ! »

Camille leva les yeux et écarta un peu les doigts, il constata alors que la personne qui était devant lui n'était que Ivan. Son cœur battait tellement fort que l'on pouvait en voir légèrement le mouvement sous sa peau. Après avoir totalement assimilé le fait que ce n'était que son imbécile de stagiaire qui se tenait devant lui, en l'observant avec un air idiot et inquiet, il se leva exaspéré, et hurla :

- « Mais ça va pas, espèce de voyeur ?! T'es un malade ! Qu'est-ce que tu fous là ?! » Il ponctua sa question en donnant une gifle au plus grand dont le bruit rententit dans tout l'appartement.

Ivan couina de douleur avant de reculer de quelques pas, puis expliqua :

- « Mais, mais je vous avais dit que j'arriverais à vingt heure, j'ai toqué et je pensais que vous n'aviez pas entendu alors je suis entré quand même, je me suis servi à boire en pensant que vous aviez bientôt fini votre douche ! »

- « Attends... Vingt heure ? » Demanda Camille, confus.

- « Bah ouais, vingt heure ! Je vous avais dit que je viendrai à cette heure là au bureau, mais vous vous êtes enfuit comme un voleur ! » Rétorqua le plus grand, en houspillant un peu.

Le plus jeune, embarassé, commença à baragouiner tout un tas de choses incompréhensibles pour tenter de se justifier. Soudain, il réalisa honteusement qu'il n'était habillé que d'une serviette autour des hanches et qu'une bonne partie de son corps était nu, face à Ivan, qu'il connaissait à peine. Il rougit instantanément, puis se hâta dans sa chambre en fermant la porte derrière lui pour se cacher, et cria :

- « Je m'habille et je reviens ! Bouge pas ! Et encore désolé, je suis complètement à l'ouest ! »

- « C'est rien, ne vous en faites pas, je vous attends ! » Répondit le plus grand tout en retournant s'asseoir sur le canapé.

Une vingtaine de minutes passèrent, durant ce temps Camille se préparait aussi rapidement qu'il le pouvait. Choix des vêtements, arrangement de la coiffure, un spray de parfum et léger fond de teint étalé sur les cernes, rien n'était laissé au hasard. Il ne savait pas pourquoi, mais il devait être parfait pour ce rendez-vous. Mais pour lui-même, ou pour quelqu'un d'autre ? Une fois habillé et trouvant son visage suffisamment agréable, le jeune homme alla rejoindre son invité dans le salon. Il avait toujours la boule au ventre, mais se sentait à présent beaucoup plus à l'aise sous cette apparence soignée.

Une fois de retour dans le salon, il put observer plus précisément Ivan et son apparat. Cette fois-ci, sa chemise n'était pas rouge carmin mais plutôt rouge grenat, il portait à ses jambes un jean noir qui les rendaient encore plus élancés qu'elles ne l'étaient. A ses pieds, il arborait toujours la même paire de baskets avec trois bandes sur les cotés, et l'habituel entretient rigoureux de ses mains n'avait pas changé. Le plus grand se leva à l'arrivée de Camille et s'exclama :

- « Vous êtes superbe, monsieur Camille ! Comme d'habitude en fait, mais vu que l'évènement est spécial, je me suis dit que je devais dire un truc du genre ! »

Le plus petit ria légèrement, bien qu'étant sans gêne, Ivan savait apparemment comment faire plaisir avec des mots. Les deux jeunes hommes ne se connaissaient que depuis le matin même, et pourtant, leur attitude faisait penser à une relation de plusieurs mois déjà. Loin d'être insensible à ces mots, le plus jeune lui répondit :

- « Tu me dis "comme d'habitude", mais on s'est vu deux fois ! Bref, on y va ? Où est-ce que tu m'emmènes ? »

- « C'est une surprise ! Ne soyez pas trop curieux et suivez moi ! » Annonça fièrement le plus grand.

Les deux passèrent la porte d'entrée, et une fois celle-ci bien vérouillée à double tour pour éviter une autre mauvaise surprise, ils déambulèrent en ville vers la destination secrète. Le ventre de Camille commençait à gargouiller. En effet, son émission fétiche "Mauvais rêve sur le grill" avait déjà commencé depuis un quart d'heure, et normalement il devrait déjà avoir presque fini son repas. La nuit commençait à tomber. Les lumières artificielles des luminaires éclairaient l'apshalte qui jonchait le sol, et éblouissaient tellement le ciel que celui-ci se retrouvait dépourvu des siennes.

Sortir en compagnie d'une personne était une sensation connue pour Camille, entendre les bruits de ses pas s'entremêler avec celle de son partenaire, accélérer ses enjambées si celui-ci prenait trop d'avance, faire en sorte que leurs mains ne s'entrechoquent pas, il connaissait déjà tout ça. Mais ces acquis ne le rassuraient pas. Il n'était pas dans une situation inconnue, certes, mais il craignait que certains de ses souvenirs et traumatismes ne viennent le hanter à nouveau, ou pire, que d'autres viennent s'installer au fond de son crâne au cours de cette soirée. Il était conscient de sa faible constitution, de la facilité avec laquelle il pourrait se faire attraper et retenir, là, maintenant. Pourquoi avait-il accepté de sortir dehors, seul avec cet individu, sans même savoir où ils allaient ? Il commençait à le regretter, à songer à un moyen de s'en aller, à prétexter une excuse pour annuler cette sortie, fuir et ne plus jamais revenir. Oui, s'enfuir, ne pas devoir affronter ce danger, ne pas affronter de regard, ne pas affronter de mots, de gestes, et ne pas recevoir de nouvelles cicatrices indélébiles. Le coeur de Camille s'emballait, ses yeux scrutaient chaque coin de rue, chaque intersection, à la recherche d'une échappée qui pourrait lui éviter de passer une seconde de plus à trainer sa carcasse vers l'abattoir. Mais rapidement, à sa grande suprise, ils arrivèrent finalement au lieu tenu secret par Ivan, le lieu où il passera la soirée en face à face avec les craintes de son passé.

- « Et voilà, on est arrivés, monsieur Camille ! » Déclara le plus grand, d'un ton jovial et impatient.

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