Acte 10 - Connaissance

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- « Tu m'as défendu? Mais, pourquoi ?! » Demanda Camille, d'un air douteux et presque méfiant au stagiaire.

Ivan le regardait avec les yeux ronds comme des billes, surpris, comme s'il ne prenait pas la question au sérieux. Il passa une main dans ses cheveux pour les mettre plus en arrière, et lui répondit :

- « Ça me semble évident, il a voulu me faire participer à sa blague pourrie et vous a manqué de respect, alors je me suis permis de le remettre à sa place. Je n'aurais pas dû ? »

Ce à quoi son tuteur, encore plus méfiant et suspicieux, lui expliqua :

- « Non, tu n'aurais pas dû ! Ce type a le bras long dans l'entreprise, il ne supporte pas que quelqu'un puisse avoir le dessus sur lui ! Il va tout faire pour que ton stage se passe mal ! »

Le stagiaire observait Hugo qui retournait à son bureau la queue entre les jambes. Il haussa les épaules et ajouta :

- « Bah, vous savez c'est pas bien grave si je ne réussis pas mon stage, au pire ! C'est quand même gentil de vous inquiéter pour moi, ça me touche beaucoup ! »

A la fin de sa phrase, il fit alors un clin d'œil au plus petit. La réaction de ce dernier ne se laissa pas attendre, ses joues se mirent à rougir de gêne. Qu'est-ce qu'il racontait ? Il était fou ? Et que voulait dire ce maudit clin d'œil ? Camille, nerveux voulait passer à autre chose le plus vite possible pour se sortir de cette situation embarrassante.

- « Je ne m'inquiète pas ! C'est juste que je ne comprends pas tes réactions. Enfin bref, on ne va pas y passer la journée, de plus on a un rendez vous pour l'estimation d'une maison. Tu vois ce que c'est ? » demanda t-il avec l'intention de changer de conversation.

Ivan eut un instant de réflexion, il répondit à cette question par un simple haussement d'épaules accompagné d'un bruit de bouche exprimant son ignorance.

- « Mais, c'est sensé être un truc que l'on apprend en première année ! Même des personnes extérieures au métier savent ce que c'est ! » rétorqua Camille, avec un nouveau brin d'énervement dans la voix.

Ivan prit la paire de lunettes de soleil dans sa poche de chemise, et tout en les mettant sur son nez il déclara :

- « Bah, c'était mon domaine le plus faible pendant mes études, vous savez ! Bon, on part quand pour cette indication ? »

- « Estimation. On va estimer la propriété d'une personne qui souhaite la mettre en vente ! Tu auras juste à m'observer et prendre des notes. » Corrigea Camille, désespéré par le manque de sérieux de son stagiaire.

- « A vos ordres, chef ! » plaisanta le châtain avec un sourire toujours accroché à ses lèvres.

Tout deux se levèrent, le petit agent immobilier prit avec lui les différents dossiers administratifs nécessaires au rendez-vous avec le client et quitta les lieux en compagnie d'Ivan. Une fois dehors, Camille se sentit honteux lorsqu'il sorti son téléphone portable pour appeler un taxi. Qu'est ce que son stagiaire allait bien penser de lui, à présent ? Devait-il lui raconter sa mésaventure avec sa voiture ? Ça ressemblerait peut-être à une excuse de quelqu'un qui n'a tout simplement pas de voiture ? Tant pis, il n'avait pas le choix, il empoigna son téléphone et commença à chercher le numéro d'un taxi.

- « Bon, notre rendez-vous a lieu dans un quartier résidentiel à l'est de Reims. Le truc c'est que j'ai eu un souci avec ma voiture, donc je vais appeler un taxi. » Se justifia Camille.

- « On peut prendre ma voiture sinon, monsieur Camille ! » Le rassura Ivan en pointant du doigt une voiture garée un peu plus loin.

Le plus jeune rangea donc le téléphone dans sa poche. L'idée de ne pas payer la course du taxi lui plaisait bien, de plus, son stagiaire lui proposait si gentiment de conduire, il n'avait aucune raison de refuser !

- « D'accord, d'accord. Je te suis alors, mais ne perdons pas de temps, si on arrive en retard ça ne va pas le faire. » s'inquiéta Camille.

Suite à quoi, ils se dirigèrent tout les deux vers le véhicule du stagiaire. C'était une citadine rouge cerise assez bien entretenue. Ils s'installèrent à l'intérieur, mirent leur ceinture, et Ivan démarra. Ils roulaient en direction de l'adresse de la maison à estimer. Durant le trajet, Camille ne put s'empêcher d'admirer à nouveau les mains du conducteur tant il les trouvait belles, et remarquait que ses ongles comparés aux siens, n'étaient pas rongés et que le vernis noir n'avait pas une trace d'usure. Il se disait que cela devait être difficile de garder des mains si bien entretenues, que ça devait demander beaucoup de rigueur. Il se demandait même à quoi ses propres mains ressembleraient avec le même vernis, est-ce cela améliorerait leur apparence ? Il se dit que ce n'était vraiment pas beau des ongles aussi rongés, tout en scrutant ses petits doigts abîmés. Ensuite, il se mit à observer le nez de Ivan, qui était court avec le bout arrondi. Il le trouvait assez élégant, même mignon. Ses lèvres avaient vraiment une forme en vagues inhabituelle, mais étrangement Camille aimait plutôt bien, elles lui faisaient presque penser à des babines de chat. Mais ce que le jeune homme préférait par dessus tout chez quelqu'un, c'était les yeux, et là, il était plus que charmé par ceux d'Ivan. Ils arboraient un gris si argenté, jamais il n'en avait vu de si beaux auparavant. Étant grands et bien ronds, il pouvait les admirer sans difficulté.

Les minutes comme les kilomètres passèrent, mais il ne décrochait toujours pas son regard du visage de son stagiaire. Heureusement, celui-ci était concentré sur la dure tâche qu'est la conduite, alors chacune de ses courbes et chacun de ses traits étaient tous scannés en détail par les yeux du plus petit.

Soudain, comment venant réveiller Camille d'un doux rêve, Ivan lui demanda :

- « Et sinon monsieur Camille, vous faîtes quoi de votre temps libre ? »

Le petit sursauta légèrement, et tout en reprenant ses esprits lui répondit :

- « Ce que je fais ? Eh bien, la plupart du temps j'écoute de la musique ou je regarde des séries, enfin comme tout le monde quoi. Je n'ai pas une vie bien passionnante en dehors du travail. Mais attend, c'est pas un peu indiscret comme question, ça ?! »

- « Indiscret ? Bof. Sinon, moi j'adore l'exploration ! Vous savez, l'urbex, tout ça. Mais je sais aussi être pantouflard hein, j'aime bien me poser sur mon ordinateur pour jouer à un petit jeu vidéo ! Ah, oui, j'aime aussi la musique comme vous ! Vous écoutez quoi ? » répondit le plus grand en rajoutant une gestuelle à ses mots.

Camille n'en revenait pas. Il le reprenait sur son indiscrétion et il n'avait que faire. Ivan était très cordial, mais en même temps extrêmement mal éduqué ! Alors comprenant bien qu'il ne le laisserait pas tranquille tant qu'il n'aurait pas eu une réponse, il lui répondit :

- « J'écoute de tout. »

- « Ah ouais ? Même des ASMR qui parlent de cul ou du frenchcore néonazi ?! » rétorqua Ivan d'un ton moqueur.

- « Quoi ?! Mais non pas ça, idiot ! » s'énerva alors le plus jeune.

- « Vous voyez que vous n'écoutez pas de tout ! Allez,dîtes-moi en gros ce que vous écoutez ! Je veux des noms ! » répliqua jovialement le plus vieux.

L'agent immobilier, impatienté, poussa un long soupir. Il se demandait ce qu'il avait fait pour mériter la présence de cet agaçant énergumène, et d'une voix désemparée lui répondit :

- « Des trucs genre Sigh, Gorguts ou Envy, je sais pas si tu connais. »

Soudain, le visage de Ivan s'illumina, il sautillait sur son siège, agrippé au volant et s'écria :

- « Ah, mais si, je connais ! Evidemment que je connais, même ! En gros, vous aimez les types de Metal, hardcore ou les dérivés du genre, quoi ! »

Camille était étonné, car ce n'est pas tous les jours que l'on rencontrait quelqu'un avec exactement les mêmes goûts musicaux que soi, quels qu'ils soient d'ailleurs, et surtout dans l'immobilier. Apprendre ceci le fit légèrement rire, le hasard réserve parfois quelques agréables coïncidences.

- « Oui c'est ça, en gros. C'est étonnant les gens qui connaissent et qui apprécient les groupes de ce genre. » dit Camille en ricanant. « Oh ! On est arrivés, gare-toi ici ! »

Ivan écouta son maître de stage et s'arrêta à la place indiquée. Ils quittèrent le véhicule et se rendirent devant la porte de cette petite maison de quartier. Le petit agent immobilier, anxieux, n'espérait qu'une seule chose, que cette estimation se passe bien.

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