XXVIII. Petits secrets et grands arrangements

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Et finalement se dessine une réalité moins dramatique que ce que le secret révélé semblait vouloir dénoncer…

Isabelle a eu une vie affective remplie. Et elle avait un avenir. Un homme qui l’aimait, éperdument, qui connaissait son histoire et, mieux, qui connaissait et chérissait son fils. Un mariage était prévu, peut-être même dès 1920. Une toute autre histoire que celle de la miséreuse fille-mère aurait pu s’écrire.

Quand on regarde la trajectoire d’Isabelle et de Jean, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’en est fallu de peu pour que tout soit totalement différent.

Sans la maladie, Isabelle se serait mariée avec Marius. Petit-Jean aurait été élevé par sa mère et aurait eu un père présent et aimant. La petite famille se serait peut-être même installée en Afrique. Isabelle aurait été la femme d’un militaire de carrière, avec le statut social qui l’accompagne. Jean aurait eu une vie toute autre. Peut-être que dans un univers parallèle, il y a des descendants Massé établis quelque part au Congo…

Alors, probablement, Jean n’aurait pas porté le nom de Massé. Il n’aurait pas rencontré Andrée, et ses enfants n’auraient pas été là, ce soir-là, à la cousinade, venus réclamer leur part d’existence au sein de la famille.

Parce que Marie n’aurait pas pu effacer Isabelle.

Finalement, c'est la puissance de l’omission et le secret qui ont créé l’horrible figure de Marie. La condamnation collective dont elle est la cible provient moins de ce qui est arrivé à Isabelle que de la volonté de cacher son histoire.

Marie n’a pas chassé sa fille, celle-ci est partie travailler pour gagner de quoi élever son fils.

Marie n’a pas volé son fils non plus, elle en a pris soin, lui a trouvé une nourrice.

Et, quand sa fille était mourante, elle l’a accueillie sous son toit, a veillé sur ses derniers moments. Isabelle est morte entourée des siens, dans la chaleur de son foyer.

D’ailleurs, elle n'est pas enterrée quelque part dans un village voisin. Mais dans le caveau familial, au cimetière de Torcy, caveau dans lequel reposent aussi son père et sa mère, son oncle et sa tante, et même ses grands parents.

Qui peut en dire autant ?

Le seul vrai drame d’Isabelle tient dans le fait qu’elle est tombée malade de la tuberculose qui l’a emportée à l’aube de sa vie d’adulte.

Le reste n’est que broderie

venue combler les trous

creusés par les non-dits,

l’omerta, le tabou.

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