Tu marchais seule !

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Il fallait marquer le coup et ne pas oublier cette date d'anniversaire de fin septembre car nous ne fêtions plus la fête des mères depuis longtemps et cela pour de multiples raisons.

Une volonté d'isolement de ta part ! Se couper du monde, des gens !

Mais pour quel motif, une dame âgée de quatre-vingts ans prit un jour la décision de se mettre en retrait derrière les murs de sa vieille et grande bâtisse bourgeoise de la fin du 19ème siècle.

Plusieurs centaines de mètres carrés autour.

Un grand garage, des dépendances.

Au sein d'un petit village de l'Oise, tout en brique rouge, caractéristique architecturale de la région, un centre habituel avec son église et son cimetière. Une jolie rivière qui traversait en chantant dans les prés et qui concurrençait gaiement la voie ferrée sur laquelle passaient de petits trains bleus express.

Alors on est venus !

Avertie de rien, ta surprise grandit en voyant s'ouvrir le grand portail et nos véhicules entrer dans la cour où l'herbe folle prospérait, faute de visiteurs.

Assise dans ton salon face à ton téléviseur, tu nous aperçus, en tournant la tête, par les grandes fenêtres à carreaux et tu nous ouvris la porte, fébrile, un châle sur les épaules. Sans doute, ton cœur réagissait et battait la chamade.

En venant un par un t'embrasser, on ne pouvait que constater l'usure du temps sur ton corps, vidée de sa substance et sous l'emprise de l'arthrose.

Sur ton visage, on pouvait compter les souffrances accumulées pendant plusieurs dizaines d'années. Partie d'une ville du constantinois en Algérie, tu suivis l'homme de ta vie vers de nombreuses terres lointaines entre Maghreb et Allemagne.

Chaque cerne traçait le chemin d'un tourment, d'une angoisse.

Et cette peau grise de parchemin, ces doigts noueux et ces mains sur lesquelles une crème à l'éclat de jouvence d'une carotte raviverait la fadeur de ton apparence. D'évidence, tu ne voyais pas au quotidien l'intérêt de soigner ta personne.

Un sourire d'incompréhension ou de sidération te traversa la face. Enfants et petits-enfants venaient te surprendre dans ta retraite.

Je crois que cette journée fut belle !

Pendant quelques heures, la maison reprit vie et battit à l'unisson de cette jeunesse venue entourer une vieille dame.

Depuis lors, tu habites juste à côté.

Juste un peu plus loin. Derrière l'église, dans une " dernière demeure " orientée vers la plaine en pâturages et beaux champs de céréales envahis par des milliers de coquelicots.

Tu as rejoint ton mari et à deux, vous marchez sur les chemins de l'éternité.

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