Le mieux pour nous Deux

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Ma soeur, bien trop curieuse, s’est chargée d’ouvrir le prix que l’on m’a attribué à la fête au lycée. D’habitude, je le fais moi-même bien que toujours le cadeau ne soit jamais original : une calculatrice et un livre d’exercices. J’ai renoncé à ma curiosité cette fois-ci car je ne suis pas d’humeur joyeuse ni festive ni estivale. Un mariage, en même temps, est en train d’être préparé à mon grand dam.

Ma soeur, méticuleuse, enlève doucement le scotch pour garder intact le papier cadeau. Si c’était moi, je l’aurai déchiré sans état d’âme, la patience n’étant point mon fort. Elle extirpe une boîte bleu de calculatrice que je prendrai à l’université - cet autre monde qui m’attend-, un guide pour débutant de la langue espagnole puis un livre. Un bouquin. Je me lève pour y jeter un coup d’oeil. Nous autres est le titre de l’oeuvre. Une dystopie de la plume d’Eugène Zamiatine. J’adore les dystopies.

Je feuillete le livre, aspire son odeur, excitée d’avoir une nouvelle lecture. Et quelque chose saute à mes yeux. Des lettres tout le long du récit ont été surlignées. Du début jusqu'à la fin. Qui ferait ça ? Est-ce un livre d’occasion qu’ils m’ont dégotté ? Cela reste assez extravagant. Souligner des mots est bien compréhensible, cependant des lettres…

Je commence la lecture. Puis à peu près à la troisième page, les lettres soulignées me faisant de l’oeil, une idée saugrenue me vient en tête. Je prends un stylo et du papier et commence à copier les lettres selon leurs ordres. À ma grande surpirse, ces lettres forment ensemble des mots qui forment à leurs tours des phrases. Je lis le livre en une traite tout en noircississant le papier. C’est une lettre qui m’est destinée. Notre dernier contact à tous les deux. Je pleure en comprenant ton geste. Je me demande si je surviverai à ça.

De la part de celui dont tu as fait vibrer le coeur.

J’espère en premier lieu que ce livre te plaît. J’ai surpris sur ton cahier de brouillon une citation de 1984, j’ai supposé alors que tu aimais les dystopies. En voici une pour toi, la grande dévoreuse de livres. Notre premier point en commun.

Je suis désolé. Pour le mal que je t’ai causé, pour cette indifférence qui a dû te tenailler. Sache que ce même mal m’empêche de dormir. Sache aussi que ce mariage était une décision de dernière minute. J’ai toujours été à toi. Pendant longtemps. Je crains de l’être pour toujours. C’est assez surprenant de constater à quel point mon faible pour toi a pris une ampleur saisissante dont j’eus peur, qui me terrorisa, qui me fascina puis qui me poussa à un mariage sans amour. Je suis désolé.

C’est le meilleur pour nous deux. Tu le sais très bien. Nous n’avons nullement le droit de nous bercer d’illusions. Nous n’avons pas cette chance. Nous ne sommes pas faits pour être ensemble. C’est une douloureuse constatation, certes, mais elle est la plus véridique. Je n’ai pas envie de te dire : Oublie-moi. Je suis égoïste, je tiens à ce que tu me gardes en toi. De toute manière, la distance et le temps te feront oublier. Ce sont les meilleurs anésthésiants des peines de coeurs.

Parfois, c’est ça aussi l’amour, laisser partir ce qu’on aime.

Je sais que tu adores les citations. Notre deuxième point en commun.

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