Adieu

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Les yeux dans le vague, j’ai l’impression d’être déconnecté de tout ce qui m’entoure. La seule chose que je ressens, c’est le vent qui fouette mon visage. J’ai envie d’hurler au monde entier toute ma colère, de pleurer toutes les larmes de mon corps mais pourtant je me sens vide, tout simplement vide.

Je sors de ma léthargie en regardant autour de moi, je me trouve en haut d’une falaise, tout près du bord. Je peux entendre le bruit de la mer agité qui s’abat contre la roche.

J’ai perdu le fils du temps : Depuis combien d’heures est ce que je suis là ? Depuis combien de temps ma vie n’a plus aucun sens ? Depuis combien de temps est ce que je me sens perdu et seul ? Depuis combien de temps le monde est devenu fou ? Toutes ces questions existentielles, je pourrai me les poser encore et encore mais au final, je n’aurai jamais aucune réponse.

Cela fait tellement longtemps que je me sens invisible dans ce monde, dans cette société. Je ne me retrouve nulle part. j’ai beau avoir voyagé à travers le monde. Je pensais que je découvrirai peut-être un endroit où je me sentirai chez moi. Où les gens seraient moins fous mais au final c’est la même « merde » partout. Alors à quoi bon continuez à croire en un jour meilleur ! Croire qu’il reste de l’espoir. L’espoir, je déteste tellement ce mot. Je ne peux m’empêcher de sourire sur un ton moqueur.

On dit souvent que l’espoir nous permet d’avancer, de croire en soi, en ses rêves mais pour moi l’espoir ce n’est rien d’autre qu’un mirage. Il n’y a rien de pire que d’avoir de l’espoir car ce monde n’est pas doux avec les rêveurs et les personnes sensibles, on finit par se faire écraser par la machine que représente la société.

Je baisse les yeux vers l’objet qui m’a poussé à venir me perdre dans cette campagne bretonne. Pour n’importe qui il s’agirait d’un rubicube tout ce qu’il y’a de plus normal avec des couleurs chatoyantes. Mais la vérité est toute autre.

Alors qu’un soir, je noyais mon chagrin dans l’alcool en pestant contre ce monde, j’ai fais la connaissance d’une personne qui a changé ma vie. Nous avons disserté pendant des heures sur le monde, sur ce que nous voudrions faire si nous pouvions le changer, ce qu’il y’aurait à sauver. Au final, nous avons conclu que la meilleure solution serait de tout détruire. Il m’a dit que si j’arrivais à solutionner le rubicube, je n’aurai qu’à appuyer sur une des touches pour que le monde explose.

J’ai bien sûr cru à une mauvaise farce, mais l’individu m’a prouvé qu’il n’était pas humain. Je lui ai demandé pourquoi moi ? il ne m’a jamais répondu, se contentant d’un sourire bienveillant avant de disparaitre. Est-ce que c’était un ange, un magicien, une camera cachée, je l’ignore. Tout ce que je sais, c’est que j’ai solutionné ce rubicube et que maintenant je me trouve en haut d’une falaise, prêt à aller au bout de mon destin.

Je ferme les yeux, prends une bonne inspiration et je m’apprête à appuyer sur le bouton.

Lorsque j’entends une voix féminine derrière moi. Une voix que je n’ai pas entendue depuis des années mais que je reconnaitrai entre mille, la seule femme que j’ai aimée plus que tout. Mais c’est tout simplement impossible car elle est morte depuis 3 ans suite à une longue maladie.

J’ouvre les yeux et je me tourne lentement pour la découvrir à mes côtés. Je déglutie avec peine, restant sans voix, les yeux écarquillés sous la surprise.

Elle n’a pas changé, toujours aussi belle et aussi jeune. Mais sa présence semble irréel, elle ne se déplace pas avec ses jambes mais flotte dans l’air. Son teint est presque transparent. Le fantôme de ma défunte compagne est venu me rendre visite avant que je rende mon dernier souffle.

- Tu veux vraiment aller jusqu’au bout ? tu veux vraiment tout détruire ?

- A quoi bon continuer à faire semblant, le monde est devenu fou.

- Ça c’est ta vision des choses.

- Soyons honnête, les gens détruisent tout ce qui les entoure. Les gens ne pensent qu’à eux, sont prêt à tout, juste pour leur petit confort ou pour leur égo. Même si ce n’est pas moi qui le détruit, le monde n’en a plus pour longtemps. Regardes comment ils traitent l’environnement. Il n’y a rien de bon dans l’Homme. J’ai voulu y croire mais ça suffit !

- Tu es juste profondément seul. Je sais que ma mort a été un coup dur mais tu dois rebondir.

- Rebondir ? mais rebondir vers quoi ? j’ai essayé, j’ai vraiment essayé ! Mais je suis fatigué, fatigué de croire qu’il y’aura des lendemains meilleurs.

- Alors c’est donc ça ta solution ? tout détruire.

- J’en ai le pouvoir. J’ai enfin le pouvoir de faire quelque chose d’utile, de changer la donne. J’ai toujours cru que je n’existais pas, que ma vie ne valait rien mais là, aujourd’hui j’ai enfin du pouvoir.

- Et alors ! Est-ce que ça te rend plus heureux ?

- Je ne le fais pas pour me sentir heureux mais pour faire quelque chose d’utile. En détruisant ce monde, je permettrai à ce qu’un jour un nouveau puisse apparaitre et j’espère, j’espère du fond du cœur que les prochains être vivants quels qu’ils soient fassent des meilleurs choix et que les gens puissent vivre dans l’amour et dans la paix. C’est tout ce que je souhaite.

Je me sens tellement fatigué d’essayer de convaincre un fantôme de l’utilité de mon geste, que je finis par me retrouver à genou, les larmes aux yeux. Je tremble de tout mon corps, je me sens tendu comme jamais. Le fantôme de ma défunte amie s’assoit à mes cotés et caresse d’une main spectrale mes cheveux.

- Quel que soit ta décision, je serai avec toi jusqu’au bout.

- Merci.

Je prends une bonne inspiration et j’essaye de penser à tout ce qui est bon dans ce monde, ce qu’il vaut qu’on se batte pour. Je sais qu’il existe des gens bien, des personnes qui tentent de faire la différence, qui veulent changer le monde mais le problème c’est qu’ils n’y arriveront jamais car les puissants de ce monde ne voudront pas perdre leurs avantages. Et le résultat sera toujours le même. C’est pourquoi je pense vraiment qu’il faut tout détruire pour qu’on puisse appuyer sur le bouton reset et qu’on reparte de zéro. C’est la seule solution.

- Je t’aime !

- Je sais

Je retiens ma respiration en posant un doigt tremblant sur une des touches. Maintenant que je suis arrivé au moment de vérité, je commence à paniquer. Elle a raison. Qui suis-je pour décider du sort de l’humanité ? Est-ce que j’ai vraiment le droit de condamner tous les êtres vivants uniquement parce que ma vie est pourrie et que je suis un incompris ? Pourquoi moi ? pourquoi m’a-t-on donné ce choix ? Il doit y avoir une raison qui me dépasse. Je me demande ce qui me manquerait le plus dans ce monde. Je n’ai pas besoin de réfléchir longtemps pour connaitre la réponse. Il s’agit bien sûr des rires d’enfants. Les enfants sont des innocents avant que le monde ne les façonne malheureusement à son image. Par le passé, quand je me disais qu’il n’y avait rien à sauver dans ce bas monde, j’entendais des rires d’enfant et je me disais que finalement. Il y’a tout de même des choses pour lesquels se battre. Est-ce que je suis vraiment prêt à tout détruire ! A plonger le monde dans une obscurité éternelle.

Au fond, je connais déjà la réponse…

Je pèse une dernière fois le pour et le contre, avant de prendre le rubicube à pleine main et de le jeter au loin. Je le regarde virevolter dans les airs avant de perdre de l’altitude et de se faire engloutir par les vagues violentes. Je ferme les yeux et j’essaye de calmer les battements rapides de mon cœur. Est-ce que j’ai fais le bon choix ?

Je me tourne vers le fantôme de mon amie mais elle a disparu, me laissant seul à nouveau avec mes propres interrogations. Le monde mérite-il une nouvelle chance ? Mais surtout, est ce que moi je mérite une deuxième chance ? Est-ce que je ne devrai pas me suicider en sautant de cette falaise. En finir une bonne fois pour toute. Est-ce que j’ai ma place dans ce monde ?

Perdu dans mes pensées, je lève la tête et je vois un magnifique arc en ciel. Je ne peux m’empêcher de sourire, un sentiment de bien être m’envahi. Je me rappelle une phrase que me disait souvent mon amie lorsqu’elle était encore en vie :

- Après la pluie, on a toujours le droit à un magnifique arc en ciel.

Elle me disait ça pour me faire comprendre qu’il y’a toujours de la lumière, même dans le tunnel le plus sombre. C’est comme si son fantôme me faisait un dernier signe avant de disparaitre.

Je ne sais pas de quoi demain sera fait, je ne sais pas ce que le monde nous réserve. Mais ce dont je suis sûr, c’est qu’en refusant de le détruire, j’ai offert un « reset » au monde même s’il n’en a pas conscience. Et comme on dit souvent, si on veut que le monde change, il faut faire soi même le premier pas. C’est ce que j’ai fais ! Alors, c’est à vous, les gens de faire ne serait ce qu’une bonne action envers autrui. Car si vous faites une bonne action, d’autres personnes le feront et ce qui aura commencé comme quelque chose d’anodin deviendra une chaine qui n’aura jamais de fin. Et ainsi, le monde renaitra et il ne sera plus nécessaire d’avoir un destructeur.

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