AU COIN D’UNE RUE

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        La question me reste en tête tout le reste de la journée et même le lendemain : je veux vraiment savoir ce que ce porte-clés signifie. Va falloir que je lui pose la question… Je m’énerve moi-même ! Je m’étais promis de ne pas retourner l’embêter trop rapidement ! Tant pis, je lui demanderais en face quand je lui rendrais son manteau ou alors je l’appellerai, ce sera mieux. Je m’accorde deux-trois jours, histoire de ne pas trop l’encombrer de ma présence (et de me préparer mentalement, aussi). Bizarrement, j’ai hâte et en même temps un peu peur de la revoir… un mauvais pressentiment.

« Georges, tu planes ?! »

Mes amis me sortent de mes pensées. Ils me regardent tous d'une mine intriguée... j'ai un truc sur le visage ou quoi ?!

« Qu'est-ce que vous avez à me reluquer comme ça les gars ?

_ Rien, rien…

_ T'as juste une tête de déterré, mais sinon, il n'y a rien de spécial...

_ Il se passe quoi dans ton esprit en ce moment ? »

C’est une bonne question : qu’est-ce qui se passe dans mon esprit..? Je leur réponds simplement :

« Je pense, c'est tout !

_ Ah, c'est pour ça alors : on n’a pas l'habitude de te voir penser ahah !

_ C'est ça, foutez-vous de moi ! Bande de gamins ! »

J'accélère le pas pour les distancer peu à peu : ils veulent jouer aux gamins ? Okay, on va jouer. Ils hurlent mon nom dans mon dos comme des gosses, mais je ne ralentis pas pour autant. Une seule pensée me trotte dans la tête depuis tout à l’heure : rentrer chez moi, là maintenant tout de suite !

J'accélère encore un peu ma foulée puis me met totalement à courir dans les rues. Je sais que j'ai l'air d'un fou aux yeux des passants, mais je m'en contre-fous : je veux juste rentrer !

Mais bon, courir dans une rue à moitié pleine de monde, c'est jamais une très bonne idée. Arrive donc ce qui doit arriver : je renverse quelqu'un. Je m'excuse rapidement et après avoir aidé la personne à se relever, je reprends ma course au but futile. C'est alors que mon cœur rate un battement, me stoppant dans ma course folle. Au coin de la rue dans laquelle je suis, il y a un café ; rien de très extraordinaire (je n’y tiens pas du tout attention d'habitude), c’est un café quelque peu banal. Mais elle est là. Vêtue d'une chemise blanche et d'un pantalon noir avec un tablier à la taille, elle se tient debout derrière le bar. Je ne savais pas qu'elle travaillait en tant que serveuse ! Elle a quel âge du coup ? Elle est majeure depuis combien de temps ? Elle est encore scolarisée ?...je m‘éloigne…

Je reste un moment à la contempler d'où je suis, retrouvant peu à peu mon souffle. Les gens qui passent dans la rue me bousculent (il faut dire que je me suis planté en plein milieu !), mais je ne me déplace pas pour autant : mon angle de vue est parfait d'ici.

Une tape dans le dos me fait revenir à moi. Mon meilleur ami se dresse à mes côtés, seul, le visage rieur.

« Alors c'est ça qui occupe autant ton esprit : c'est qui que tu mates à travers la vitre ?

_ P..P..Personne !

_ Ouais, ouais, c'est ça : tu peux tout me dire, tu sais !

_ Oui, je sais…

_ À moins que tu n’aies peur que je te pique la personne que tu mates avec tant de discrétion ? D'ailleurs, la petite serveuse au visage d'ange derrière le bar me paraît bien sympathique ! »

Mon visage s'enflamme involontairement.

« Touché ! »

Merde... Il doit avoir des super pouvoirs pour trouver du premier regard, sérieux !

« Dommage pour moi du coup : va falloir que je te la laisse. Je n’aurais pas dit non, perso !

_ Oui, et beh voilà...

_ Voilà quoi ?

_ Voilà. Tu ne la toucheras pas.

_ T’ inquiète pas pour ça, tu sais que je suis un vrai pote, je ne te ferais jamais ça !

_ Je sais. Et puis au pire, tu risques ta vie si tu romps notre promesse alors...

_ Ah oui, c'est vrai... "Interdiction de toucher à la personne qui attire l'autre tant que c'est le cas sous peine de mort"... J'avais presque oublié... »

Cette promesse datait de l'école primaire. C’était l'une des premières que l'on s'était échangée quand on s’était rencontrés. Ça remonte...

« Bon, ce n’est pas que, mais je ne vais pas rester là indéfiniment juste pour mater de loin une fille dont je n’ai pas le droit de m'approcher ! On bouge ?

_ Oui...

_ Tu veux aller lui parler ?

_ Euh... Non, pas aujourd'hui...

_ Pas aujourd'hui ? Intéressant comme réponse... »

Le sourire qu'il m'adresse me fait craindre le pire : il prépare quoi comme connerie ce con ?

***

        Il m'ennuie ce gars, je sais pas ce qui me retient de le frapper ! Ah si : c'est un client... donc interdiction formelle de lever la main sur lui si je veux pas perdre mon boulot. Bien. Je prends mon mal en patience. Il va pas tarder à aller pisser : il s'est enfilé au moins 5 bières alors...

En attendant, je regarde par la baie vitrée qui donne sur la rue. Il y a encore un peu de monde qui se balade malgré le froid qui règne à l'extérieur. Ça a l'air tellement calme vu d'ici... Je sais que ce n'est pas le cas, mais bon : ça m’apaise un peu.

« Eh ! Toi ! »

Ah, je crois qu'on m'appelle ! Je me retourne : une vieille riche... Je les déteste vraiment celles-là, elles sont toujours en train de râler (en plus de se vanter de tout et de n'importe quoi avec leurs amies)… Mais bon, elles laissent de bons pourboires de temps en temps. Prions pour que ce soit le cas aujourd’hui ! Aller, respire un coup ! J’inspire profondément et me dirige vers elle, un sourire poli aux lèvres :

« En quoi puis-je vous être utile, Madame ?

_ Deux cocktails sans alcool !

_ Tout de suite, Madame. »

Je prépare les boissons tandis que l'homme qui me "drague" (si on peut appeler ça de la drague), quitte le bar pour rejoindre les toilettes. Enfin !

Je sers la femme, toujours souriant poliment, et pars débarrasser, avec un collègue, la table récemment désertée d'un jeune couple. Un air froid me transperce de toute part lorsque la porte d'entrée s'ouvre. Je relève la tête :

« Bonsoir et bienvenue messi... »

Je ne termine pas ma phrase : qu'est-ce que ces cons font là ? Ça leur a pas suffi de se faire laminer une fois ? Ils ont le visage encore boursouflé, les lèvres enflées, mais ils tiennent correctement sur leurs jambes : j'y suis pas allée assez fort avec eux ! Je prends en notes…

Ils cherchent des yeux des places vacantes. Ceux-ci se posent sur la table que je viens de finir de nettoyer. Ils croisent alors mon regard et un soupçon de peur transparaît sur leurs visages. Ils hésitent à revenir sur leurs pas, puis ils se décident et se dirigent vers moi. Ils prennent place autour de la table.

« Bonsoir, Mademoiselle. Ce sera deux bières brunes s'il-vous-plaît.

_ Bonsoir Messieurs. Bien, je vous apporte cela. »

Putain, sérieux ! C'est pas la première fois que je sers des gens à qui j'ai défoncer la gueule, mais là... Ce respect envers moi, je dois vraiment leur faire peur ! Bon après, ça fait que deux jours que ça s'est passé, alors…

Aller, bosse normalement ! Ne te laisse pas distraire ! Tu termines dans une heure aujourd'hui en plus, donc ça devrait aller !

Et c’est le cas : ma dernière heure se déroule tranquillement. Le vieux dragueur se barre enfin après avoir payé sa note, la riche me laisse un large pourboire et les deux cons du fond boivent leurs bières avant de partir sans demander leur reste. Parfait. Plus qu'à rentrer sans encombres et ce sera bon pour aujourd'hui !

Je vais chercher mes affaires dans les vestiaires et sors par la porte de derrière. Pour changer, je ne suis pas seule...

" Puis-je vous proposer une cigarette, charmante demoiselle ?"

...magnifique...



* Ah, ah ! La suite arrive très prochainement ! Dites-moi ce que vous en pensez pour l'instant ! Bisous :3 *

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