Partie 1

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La mort approche, elle est là, me guettant furtivement, sa faux à la main, son capuchon poussiéreux rabattu sur sa tête. Elle a tout d’une chimère d’un cauchemar mais pourtant, elle ne m'effraie pas, elle a l'air d'une vieille amie, faisant partie d'un souvenir d'enfance. Je l'accueille à bras ouverts, je sens un souffle chaud me traverser. Ma vision devient floue, et, tandis que j'agonise, un portail d'or étincelant apparaît. Je revois la silhouette encapuchonnée, elle me fait signe, elle semble dire "Viens, rejoins-nous au monde des morts, ta place est là-bas désormais !" Je me dirige vers ce portail merveilleux et entre dans ce royaume inconnu...

Une fois ce portail passé, je me rends alors compte que je marche sur des nuages blancs, il semble presque qu'ils reflètent mon visage, ils... respirent de pureté. Il m'est agréable de fouler ce sol nuageux, mes pieds se posent doucement dessus, c'est moelleux et agréable. Ce monde est étrange, mais il dégage un sentiment de... bienveillance, de tranquillité. C'est comme si un halo de bien-être m'enveloppe. La Faucheuse ne parle pas, elle se contente de marcher, droit devant elle. Je ne vois pas ses yeux, mais je jurerais qu'ils sont remplis de... de je ne sais quoi. C'est comme si… elle avait déjà fait ce parcours... Ainsi donc, je ne suis pas le premier à fouler ce sol nuageux ? Une pointe de déception m’envahit. En fait, je ne sais pas si je suis mort, ou si la douleur me fait rêver de ce monde laiteux. Je m'habitue déjà presque à cette blancheur, cette monotonie. La Mort tient toujours sa faux dans sa main, comme lorsqu'elle est apparue ; elle semble me guider vers un endroit indescriptible...

Cet endroit ne me représente pas une vision de la mort, mais peut-être que je suis au paradis. Après tout, dans mon ancienne vie, selon certaines croyances, il y avait deux endroits après la mort : le paradis, endroit de paix et de sérénité et l'enfer, sinistre lieu de malheur et de désolation, où les âmes ayant beaucoup pêchées sont "torturées" et misent à rude épreuve pour les faire payer de leur passé.

D'ailleurs, où suis-je ? Personne n'est visible, il y a seul moi et la Mort, errant dans cette pureté... Aucun bruit non plus ne parvient à mes oreilles. Nous continuons tout de même d'avancer, posément, peut-être jusqu'à l'infini. Ce serait un monde bien monotone... Aucun moyen non plus de me repérer dans le temps, il semble que j'en aie perdu toute notion. Je suis incapable de me souvenir de mon âge, ou même de mon nom. Peut-être est-ce mon esprit torturé qui me fait rêver de ce royaume mystérieux ? Malgré ce sentiment d'infini, le bord du nuage fini par apparaître, la Faucheuse s'arrête, elle semble contempler un point inexistant. Cela dure un long moment, si bien que je me mets, moi aussi, à faire de même.

Il n'y a rien de bien intéressant à observer, dans ce monde laiteux, le ciel lui-même est d’une étrange couleur blanche. Hormis ce point noir, là, qui arrive en face nous... Cela ne m'étonne même pas de voir arriver un étalon ailé d'un noir profond, puis s'arrêter à côté de la Mort. Elle lui flatte l'encolure et lui murmure quelque chose d'inaudible à l'oreille. L’animal paraît enfin se rendre compte de ma présence : il tourne la tête vers moi, ses grands yeux sombres me fixant. Ma compagne de route se met enfin en tête de prendre la parole, brisant le silence mortel qui était présent depuis mon entrée au "monde blanc". C'est ainsi que je l’appelais, n'ayant, en toutes circonstances, aucune idée de son nom.

« Monte me dit-elle d'une voix caverneuse. »

Ce disant, elle enfourche l'animal ailé, je fis maladroitement de même, manquant de tomber. Sans prévenir, le cheval, d'un bond puissant s'envole en déployant ses ailes ébène. Il a une grande envergure, ses ailes repliées semblent petites, mais une fois ouvertes, elles mesurent chacune environ deux mètres. Elles semblent fragiles, mais si l'on regarde de plus près, on voit des muscles puissants, recouverts de plumes. La noirceur de l'animal fait un énorme contraste avec la blancheur des nuages, celle-ci m'en pique presque les yeux. Je ne sais dire combien de temps on chevaucha, mais au bout d'un moment, nous atteignîmes un autre nuage, bien plus grand cette fois-ci…

Nous nous posons délicatement sur le nuage, pour la première fois depuis mon arrivée ici, j'entends du bruit. Certes, c'est presque imperceptible, mais on le perçoit tout de même. C'est une sorte de... grondement sourd. La Mort semble l'avoir entendu aussi, elle lève la tête un instant, puis marmonne des paroles incompréhensibles. J'ai hâte de découvrir pourquoi et comment je suis arrivé ici. Ma compagne de route reprend la marche, son cheval ailé la suit, tranquillement. Je pousse un soupir et, à mon tour me mets en route. Plus nous avançons, plus le bruit devient puissant, il est bientôt assez fort pour ne pas avoir besoin de tendre l'oreille pour le percevoir. De la brume apparaît, troublant ma vision. C'est sans doute à cause de la nuit qui commence à tomber, le ciel prend une jolie couleur bleutée, le soleil couchant scintille de mille feux, emportant avec lui la pâle clarté du jour. Je fais de mon mieux pour ne pas perdre de vue La Mort et son animal. Soudain, une forme surgit, cela ressemble à une tour, elle se dresse au milieu de ce paysage vide, seule. En approchant, je me rends compte que c'est en effet une tour, en pierre. Elle est recouverte de diverses plantes grimpantes, et semble avoir été construite dans une autre ère de temps que la nôtre. Je m’approche et effleure l’antique bâtiment du bout de la main. Des gravures y sont représentées : d’impétueuses chimères combattant des hommes drapés dans de grandes capes bleutées. Je continue d’examiner la tour et remarque une autre scène de combat : un dragon fougueux se meut dans les cieux et déverse sur une ville des torrents de flammes. Il y a également une inscription, ancrée dans la pierre, composée d’étranges symboles dans une langue qui m'est inconnue. Je vois apparaître cette fois-ci un griffon, qui s’approche de nous. La Mort le salue et lui parle dans une langue dont je ne comprends mot. La créature hoche la tête, et nous laisse passer. Intrigué par tout cela, je ne pose néanmoins pas de questions, et avance.

" Cette tour permet de contrôler les éventuels voyageurs, car vois-tu, de nombreuses créatures sont dangereuses, et il ne vaut mieux pas qu'elles entrent dans les villes. Nous nous dirigeons vers Messtopée, c'est ce que signifie l'inscription gravée sur les portes, comme tu as sans doute pu le remarquer. Messtopée est une ville, elle se situe à l’est d’Azur, la ville mère.

Étonnant, elle semble avoir lu dans mes pensées ! J'hoche la tête, assimilant ces informations qui me semblent importantes. Azur, comme la couleur… Un beau nom… Nous reprenons la route, portés par l’étrange étalon ailé, plein est.

La brise légère qui nous accompagnait pendant que nous volions se transforme bientôt en un vent glacial, qui transperce tout mon corps de pics de glace. Des nuages noirs se profilent à l'horizon, annonçant sans doute une violente tempête. Des gouttes se mettent à tomber, de plus en plus vite. Un frisson me parcoure lorsque l'une d'elles touche mon cou. Peu de temps après avoir quitté la tour, la Mort m’a renseigné sur le mystérieux animal nous accompagnant : Ici, ces animaux sont appelés des Mishtik, réputés pour leur vitesse, leur bravoure et leur détermination. Ces créatures sont assez répandues dans ce royaume. Le Mishtik qui nous accompagne se nomme Macabre. Ce dernier ne semble pas être effrayé de l'orage qui s'annonce. La Faucheuse se penche et murmure quelque chose, une fois de plus, inaudible à l'oreille de l'animal. Celui-ci hennit, puis secoue vigoureusement la tête. Il accélère, accentuant la puissance de ses mouvements. La tempête devient à présent vraiment inquiétante, l'orage gronde et les éclairs ne manquent pas. La température chute, je me mets à grelotter. La Mort m'assure que l'on arriverait dans peu de temps, si nous gardons l'allure. Macabre ne faiblit pas, la pluie ruisselle sur son pelage ébène, dégageant une sorte de "beauté". La cape voluptueuse de La Mort me claque au visage, c'est donc avec difficulté que j'aperçois enfin le bord d'un nuage, du moins me semble-t-il.

Macabre pique vers le nuage, je m'accroche tant bien que mal à l'animal, manquant de glisser à chaque seconde. Soudain, je glisse du dos de Macabre et pousse un cri d'effroi en me demandant si je pouvais toujours mourir. Je me sens soudain flotter dans les airs, je lève la tête et voit la Mort les bras levés, psalmodiant comme une incantation. Je retombe brutalement sur le dos de Macabre et soupire de soulagement. J’ignore comment le spectre a pu me rattraper, c’est comme si elle a utilisé une sorte de… magie ou quelque autre force étrange. Cela m’étonne à peine : ce monde est si saugrenu… Macabre se pose lestement au sol, la Mort saute de son dos et se précipite vers la porte de la maison. Il semble qu'elle n'aime pas la pluie. La maison est assez intimidante, je rentre tout de même à l'intérieur. La Faucheuse arrive bientôt, il semble que sa cape soit parfaitement sèche, étrange... Sans doute un autre de ses pouvoirs mystérieux... La tempête a vidé mon visage de toute émotion, je suis lessivé, oui, c'est le terme exact. Mes cheveux gouttent d'eau, j'ai tellement froid que je n'en frissonne même plus. La Mort allume des bougies, et la maison qui m'avait paru jusqu'alors intimidante devient en quelques minutes chaleureuse et agréable. Il y règne une agréable odeur de livres anciens et de parchemins. Une douce chaleur baigne à présent la pièce qui semble être un salon. D'après moi, La Faucheuse n'a pas envie de parler, moi non plus d'ailleurs, mais ma curiosité l'emporte. Je prends donc la parole :

" Maintenant que nous sommes arrivés, vous allez peut-être m'expliquer ce que je fais ici ?

- Tant de questions pour parfois si peu de réponses... marmonna-t-elle."

Son air mystérieux et ses énigmes commencent sérieusement à m'agacer. Je vais prendre la parole pour le lui faire comprendre, mais elle me coupe :

" Nous reparlerons de tout cela demain, mais avant, il faut que tu te reposes. Ton entrée dans le monde des morts t'a épuisé ; mais c'est normal, après cet énorme changement, il te faudra quelques jours pour être à nouveau en forme."

Il est vrai, je dois l'admettre, elle a raison. Je ne pourrai pas tenir bien longtemps éveillé, je lutte déjà pour garder les yeux ouverts. Des centaines de questions m'assaillent, je me mets à réfléchir à tout cela, quand La Mort reprend la parole :

"Ta chambre est en haut, des vêtements secs sont sur le lit. Au fait, fais attention, tu vas peut-être réveiller Amérion.

-Qui est-ce ? Demandai-je inquiet.

-Tu verras, tu verras... lâcha-t-elle.

-D... D'accord bredouillai-je."

Je prends une des bougies qui sont posées sur la table occupant le salon, et découvre un escalier sombre menant à l'étage. Je jette à chaque instant de petits coups d'œil peu rassurés autour de moi, les craquements sinistres du vieil escalier n'aidant pas. Arrivé en haut, je reste figé de stupeur. Un rayon de lumière apparaît par l'une des nombreuses fenêtres qui se trouvent à l'étage et j’ai l’occasion de voir qui est Amérion. Je souffle la bougie, il fait maintenant bien assez clair pour y voir. Amérion est une sorte de loup… pour le moins étrange : Sa tête est d’un blanc immaculé, ainsi que son poitrail et ses pattes avant, mais le reste de son corps est très étrange… des végétaux le recouvrent. Une lueur amusée brille dans ses magnifiques yeux bleus glacier. Il se redresse, et je peux constater qu’il fait la même taille que moi. Son museau fin est à quelques centimètres de mon visage, il reste me fixer sans ciller. Soudain, il se met en mouvement, il me plaque au sol et entreprend de m’examiner attentivement. J'entends un faible frottement, La Faucheuse apparaît. Elle ne fait absolument rien pour m'aider, elle reste là, à me regarder ; sans doute ai-je un air pitoyable. Amérion ne semble pas décidé à bouger, il reste me regarder sans bouger. Je tente de bouger mais il se met à grogner. Je tente alors quelque chose : je ferme les yeux et tend lentement ma main vers lui. Au bout de quelques instants, je sens un contact tiède : le loup a avancé son museau pour m’effleurer la main. La Mort semble impressionnée, mais elle ne dit rien, elle se contente de repartir. Amérion me laisse me relever et disparaît. J’entre dans la chambre et tombe d'épuisement sur mon lit. Je fais une nuit sans rêves...

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