Le meurtre

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La porte s’ouvrit brutalement, laissant entrer un petit groupe d’homme dans la pièce. Je me redressai, ramenant le drap contre ma poitrine nue. Allongée à côté de moi, Muy fut plus réactive, preuve que sa blessure ne s’était pas infectée, mais mis plus de temps à prendre une attitude décente. Elle n’avait pas, contrairement à moi, l’habitude des coutumes hors de l’Helaria.

« Elles sont là toutes les deux ? demanda un homme.

— Qu’est-ce que ça veut dire, m’écriai-je. C’est ainsi que l’on accueille les voyageurs chez vous ?

— La ferme. Tu parleras quand le prévôt t’interrogera. »

Le prévôt, l’autorité judiciaire de ce genre de communauté. Cette intrusion n’était donc pas une agression, ils avaient quelque chose à nous reprocher. L’homme qui fouillait la chambre brandit un des poignard en silex de Muy.

« Regardez, dit il d’un ton victorieux. C’est le même. » Il tenait la ceinture de ma pentarque dans la main. « En plus il en manque un. »

Il passait le doigt dans un logement, vide, qui abritait normalement un des quatre poignards qu’elle avait en permanence sur elle. Une habitude que j’avais copié quand j’avais commencé mon travail de guerrière il y a quelques siècles. J’en conclu que l’arme manquante avait été retrouvée dans le corps d’un villageois.

Mon regard croisa celui de notre logeur. Jusqu’à présent, il avait un air désolé. Mais depuis la découverte de notre armement, il semblait furieux.

« Pouvez vous nous laisser nous défendre ? demandai-je.

— Devant le prévôt vous pourrez parler.

— Quand ?

— Il passe une fois par douzaine.

— D’ici là, le meurtrier aura eu le temps de brouiller les pistes. Je ne peux pas attendre aussi longtemps. »

Je m’avisais qu’en fait je n’en savais rien. Le prévôt pouvait très bien passer dès le lendemain. Tout dépendait de l’étape où il en était dans sa tournée. Je contactais Muy par la pensée.

« Il serait temps d’user un peu de magie, lui dis-je.

— Je ne peux pas, répondit-elle par le même canal.

— Pourquoi ?

— Je n’ai pas ma gemme sur moi. »

Punaise. C’était moi qui la lui avait enlevée la veille en la soignant. Et j’avais oublié de la lui remettre. Je nous avais privé de notre arme la plus puissante. Ça voulait dire aussi que la télépathie n’était pas une option non plus. Sans sa gemme, sa portée n’était pas énorme. Décidément, je n’étais pas encore au point comme guerrière libre. Mais aussi je débutais. Personne n’avais fait ça avant moi. Il était normal que je commette des erreurs.

Il me fallait trouver un autre moyen de nous en sortir.

« Écoutez, dis-je, mon travail est de protéger les gens. Et d’élucider ce genre d’affaire. Laissez-moi voir le corps, au moins pour préparer notre défense.

— Et vous laisser brouiller les preuves ! Pas question !

— Pour quelle raison aurions nous commis ce meurtre ? Nous ne connaissons personne au village. »

L’argument était de poids. Le villageois ne surent que répondre. Le risque était qu’en général, acculés dans leurs retranchements, ils restent sur leurs positions. Et… ce fut le cas.

« Nous ne sommes pas des assassins. Nous allons envoyer quelqu’un au plus vite pour prévenir le prévôt. Si vous êtes innocentes vous pourrez repartir rapidement d’ici.

— Merci, dis-je. »

Je repoussais les draps et me levais. Je comptais sur ma silhouette pour les distraire. Je sais que Wotan m’avait interdit d’user de mes charmes pour arriver à mes fins, mais ce n’était pas lui qui était sans arme face à sept paysans furieux. J’enfilais ma tenue de voyage, une simple tunique en coton au corsage lacé et un pantalon de la même matière. D’un air négligeant, je pris la gemme posée sur la table, comptant la donner discrètement à Muy plus tard. Mais un homme fut rapide. Il s’en empara et l’examina.

« Une pierre de pouvoir, s’écria-t-il, c’est une magicienne. »

La tuile. Mes charmes n’avaient pas agi. Soit il y avait d’autres femmes bien foutues dans leur village, ce qui n’aurait rien eu de surprenant. Soit ils étaient sur leurs gardes. En tout cas, cela eu un effet inattendu.

« Pourquoi auraient ils envoyé une magicienne pour tuer la vieille Tranar ? demanda l’un d’eux.

— Je n’en sais rien, je ne suis pas magicien, je ne sais pas comment ils pensent.

— On devrait peut-être les laisser voir le corps, remarqua le plus jeune. Si on les surveille, elles ne risquent pas de détruire les preuves. »

Le chef de leur petit groupe hésitait. C’est alors que Muy eut une idée. Elle fit glisser le drap pour dévoiler son épaule bandée.

« Vous m’accusez d’avoir commis un meurtre, dit-elle, mais comment aurai-je pu avec cette blessure. Je ne peux plus me servir de mon bras droit. »

Ils durent juger l’argument recevable.

« Jared, tu les surveillera où qu’elles aillent. »

J’étais satisfaite, j’avais gagnée… Nous avions gagné, l’aide de Muy avait été décisive. Maintenant, j’allais pouvoir mener mon enquête. Je n’avais jamais tenté d’élucider un meurtre. Autrefois, j’étais mercenaire, pas policier. Mais il était arrivé que j’escorte des agents lors de leurs investigations. J’aimais bien ces missions, elles étaient reposantes. En plus elles ressemblaient aux mystères de nos contes. Je suivais de près mon client. En réalité, j’étais passionnée par ce qu’il faisait. À partir de quelques indices, il arrivait à reconstituer une histoire complexe dans les grandes lignes. J’avais donc un bon bagage théorique. J’espérais cependant être capable de le mettre en œuvre, ce qui n’avait rien d’évident.

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