L'île

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L'île était presque vierge. Quelques autochtones l'habitaient et, dans un souci de surveillance, avaient bâti leur village près de l'océan. Les maisons de bois, fièrement dressées sous un soleil rouge, surplombaient un lagon limpide aux relfets chatoyants, et abritaient chacune une famille de la tribu. Sur la large langue de sable blanc qui faisait face à cette cité miniature, les petits garçons jouaient à l'aventure, vêtus de peaux d'animaux sauvages, tandis que les filles assistaient à leur leçon d'art hebdomadaire. Elles étaient réunies en un cercle parfait et entouraient leur mentor qui, de ses mains tatouées, confectionnait des bijoux en nacre sous leurs yeux ébahis.

Plus loin, près d'une cabane sur pilotis, une jeune fille peignait la coque d'un kayak de bois rouge avec application. De temps à autre, elle plongeait ses doigts hâlés dans une poudre végétale, diluait le pigment à l'aide d'un oeuf de canard sauvage, puis appliquait soigneusement sa mixture sur les flancs pourpres du bateau. Elle dessinait des fresques jaune canari, cobalt, vertes et même rosées, alors que lui parvenaient les clameurs joyeuses des enfants et le son de leurs bâtons qui s'entrechoquaient sans aucune violence. Sous sa peau naissaient des personnages tantôt candides, tantôt terrifiants, qui relataient l'histoire sanglante de sa tribu, et la lumière mystique du soleil d'été faisait briller ces icônes telle une couche de vernis naturel.

La jeune fille leva la tête et ses yeux noirs scrutèrent le lagon un instant, happés par la quiétude du récif autant que par la course effrenée de Tikawa, le Dieu de la Lumière. Elle vit la masse rouge amorcer sa descente quotidienne vers les vagues et la coque du kayak s'assombrir lentement au fur et à mesure que le disque flamboyant s'enfonçait dans les eaux bleues du Pacifique. Derrière elle se découpait une jungle d'émeraude de laquelle s'échappaient des cris d'oiseaux, et qui aboutissait au flanc gris-brun d'un volcan. Du sommet, on pouvait voir le grand atoll dans sa totalité, ainsi que la barrière de corail qui le protégeait des dangers potentiels de l'océan.

La jeune fille se baissa et admira le récit qu'elle avait peint. Ici, un molosse aux tatouges tribaux faisait rugir les entrailles du volcan; là, une magnifique déesse richement parée protégeait le village d'une pandémie mortelle. Tous semblaient vivants, et se baladaient presque sur la coque du bateau dans une traînée de peinture versicolore. Au loin, le sorcier avait allumé un feu à la teinte menaçante, et tous les membres de la tribu s'assirent autour de celui-ci pour un rituel de pleine lune. Des vieillards craquelés et fripés aux enfants impatients, seule la jeune fille manquait à l'appel. Elle laissa son atelier et son kayak, jeta un dernier coup d'oeil à la toile céleste du crépuscule, et foula la plage de ses pieds menus pour rejoindre ses congénères. A ses chevilles étaient attachés des ourlets de paille et un bracelet en coquillage dont les bruissements continus alertèrent la grande famille de sa présence.

Le sorcier prononça quelques mots, suivis d'une longue tirade du Chef, et le rituel put débuter.

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