Chapitre 33

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Le moment de prendre le contrôle de sa vie venait de débuter.

Britess inspira brièvement et frappa à la porte. Hikari vint ouvrir. Elle était en simple chemise de nuit, un détail que cachaient sa grâce et son aura naturelle de commandement. D'égale à égale, la gardienne inclina la tête, et s’effaça pour laisser entrer Britess.

— Hikari, j’ai beaucoup réfléchi. Vous m’avez un peu forcé la main avec votre histoire d’allégeance. Je suis très flattée par votre dévouement, pourtant cette décision privera votre Empire d’un élément essentiel à sa défense.

Ne pas parler pour ne rien dire… Il fallait aller à l’essentiel.

— Je souhaite que vous retourniez à votre mission de protection. Cette ville maudite doit être maintenue sous une surveillance étroite.

Elle sortit un des pendentifs.

— J’ai confectionné ce bijou spécialement pour vous. Il me permettra de vous rappeler à moi quand je quitterai ces rivages. Il ne s’activera que si, à ce moment-là, vous souhaitez me rejoindre. Je vous laisse ainsi le choix. Acceptez-vous ?

Hikari prit délicatement le bijou et le passa à la chaîne autour de son cou. Elle pesa le pour et le contre. Dans la passion de l’action, la veille, elle avait perdu ses moyens. Son armure psychique, si efficace d’ordinaire, s’était fissurée l’espace d’un instant. Au réveil, elle ne regrettait pas son geste ni son serment. Hikari avait beaucoup prié les ancêtres et le premier d’entre eux, le créateur du clan, Ur Enferze. Sa maxime d’alors, devenue la devise familiale, « De l’autre, se garder pour sa sécurité garder », la taraudait depuis son réveil en plein milieu de la nuit. Britess méritait-elle une si grande confiance ? Presque aveugle ? Une première preuve venait d’en être faite à l’instant. Hikari plongea son regard dans celui de Britess. Un sourire de connivence se dessina sur les traits des deux femmes au fort caractère.

— C’est sage. Je vais rentrer et former quelqu’un pour prendre ma suite. J’attendrai votre appel.

Britess fit un pas en avant et la prit longuement dans ses bras. Gênée, Hikari posa une main sur l’épaule de son amie. Un élan plein de tendresse, une émotion puissante pour elle.

Britess prit congé, remettant sa cape à sa place pour cacher son épée et sa tenue de combat. La nuit était propice pour la suite de son plan. Si on pouvait appeler cela un plan.

Les ruelles étaient vides, à presque deux heures du matin. Elle se dirigea prestement vers le palais du Tyran. Elle devait lui remettre le message de la part de l’Empereur du Couchant et devait l’affronter.

Ils se connaissaient.

Le Tyran Nirling Losorung était un ami intime de l’impératrice Sarann et lui rendait visite régulièrement, en grand secret. Britess faisait partie du premier cercle de Sarann et à ce titre côtoyait ses proches. Elle comptait sur la surprise au saut du lit pour éviter de trop nombreuses questions. Étrange sentiment, digne d’un accès de passion adolescente, peut-être le dernier. Elle ne voulait rendre de comptes à personne, être enfin sa propre boussole. Elle avait en partie commencé à accomplir cet objectif de vie que la rencontre avec Nirling pouvait menacer en faisant naître des regrets, des remords et de la nostalgie. Peut-être aussi des reproches et des leçons de morale.

Les gardes de faction examinèrent les documents à la lueur des nombreuses lampes. Un intendant arriva, intrigué par les mots rapportés par un des soldats. Il la salua, sans morgue et avec respect, écoutant sa requête.

— J’ai une missive de la part de l’Empereur du Couchant. C’est urgent. Je dois la donner en main propre au Tyran.

L’intendant étudia les papiers et authentifia le cachet. Il l’invita à le suivre.

— Êtes-vous armée ?

— Oui. Une épée… familiale.

— Le Tyran permet aux messagers plénipotentiaires de garder armes et armures. Soyez-en digne.

Elle hocha la tête. Leurs pas martelèrent les pavés, rompant le silence, se répercutant sur les murs. L’intendant s’arrêta avant de pénétrer dans le corps principal et se tourna légèrement vers Britess dont il faisait la même taille, avec un sourire franc :

— Nous attendions votre visite depuis votre arrivée en nos murs, dame Britess de la Maison impériale de l’Ancien empire. Quoique cette manière de venir rendre vos hommages au Tyran est inhabituelle.

Britess leva les yeux au ciel. Voilà, cela commençait…

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