La mort d'une reine

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19 mai 1536, Anne Boleyn, seconde épouse du roi Henri VIII est enfermée à la Tour de Londres. Accusée de trahison, de sorcellerie, d'inceste et de bien d'autres crimes, elle est condamnée à mort par décapitation. En ce jour, Anne Boleyn vit ses derniers instants.

La nuit avait été paisible. Elle n'avait guère prêté attention aux voix autour d'elle, encore moins aux cries des prisonniers de la Tour de Londres. Ils étaient désormais son quotidien, mais heureusement, celui-ci allait s'achever ce matin. Mourir était la grâce la plus douce qu'on puisse lui accorder. Après toutes ces souffrances. Après avoir vu ses amis et son frère mourir. Après que tous lui aient tourné le dos. Après que son époux, sa Majesté le roi Henri VIII l'ait traîné dans la boue, l'humiliant et la condamnant à mort. La mort serait salvatrice. Son unique regret serait de laissé sa pauvre petite Elisabeth, seule dans ce monde cruel, sans armes pour pouvoir l'affronter. Que deviendrait-elle ? Une bâtarde de plus, comme sa demi-soeur Marie. Elle ne serait rien. Jeanne Seymour, qui l'avait déjà remplacé dans le coeur du roi, aurait-elle la bienveillance de prendre soin de sa fille ? Elle n'en était pas certaine, cette femme était effacée, faible. L'épouse idéale pour Henri, une femme qui ne s'opposerait pas à lui et qui se tairait. Bientôt, tout cela serait terminé. Elle serait enfin en paix.

Son aumônier était resté à ses côtés toute la nuit. Dans la prière, Anne trouvait enfin la paix. Elle avait dit adieu à cette vie, désormais elle attendait avec grâce que celle-ci prenne définitivement fin. Son dernier repas, elle y toucha à peine. Elle serait bientôt morte, à quoi bon manger ? Son aumônier la laissa, le temps que ses dames de compagnie lui revêtent sa dernière tenue. Ce fut en toute simplicité qu'Anne avait choisi de rejoindre le Seigneur. Une robe de soie grise, bordée de fourrures "x 2ZX, une coiffe à la française trônant dans ses cheveux, quelques perles à ses oreilles et autour de son gracieux cou. On lui appliqua également un léger rouge sur les joues, pour lui donner un teint plus frais.

Anne était dans l'attente, bientôt on viendrait la chercher. Cependant, quand l'un des ministres de sa Majesté entra dans sa chambre, ce fut pour lui informer que le bourreau avait du retard. La mine chagrinée, Anne se détourna, regardant le soleil qui passait à travers les nuages. Elle voulait mourir et là encore le destin semblait vouloir retarder ce moment.

" Bien, faites demander M. Kingston." S'exclama d'une voix résignait celle qui fut autrefois reine.

Quand elle était entrée dans la Tour de Londres, Anne avait compris qu'elle vivait ses derniers instants. Henri, l'homme qu'elle avait aimé avec passion ne voulait pas simplement divorcer d'elle, comme il le fit de sa première épouse. Non, il voulait l'envoyer dans le néant. Comment pouvait-il croire qu'elle l'avait trompé avec tous ces hommes ? Comment pouvait-il pensé qu'elle avait usé de sorcellerie pour le conquérir ? C'était lui qui l'avait voulu ? C'était sa famille qui l'avait poussée dans la lit du roi, tout comme elle l'avait fait avec sa soeur aînée Marie. Anne avait été un instrument, un jouet que les hommes s'étaient passés de main en main dans le but de devenir puissant. Anne avait satisfait leurs ambitions et son unique faute avait été de vouloir prendre sa propre destinée en main. Contrairement à Marie, elle n'avait pas voulu être simplement une putain, mais une reine. Elle voulait être l'unique femme dans le coeur de Henri. L'homme avait été complexe, aujourd'hui encore il l'était dans ses choix, mais Anne s'était résignée, elle avait accepté son sort.

M. Kingston entra dans la chambre de l'ancienne reine et il découvrit là une femme sereine, dans l'attente d'un évènement qui se faisait trop attendre. L'homme était étonné. Habituellement, les femmes attendant l'exécution n'étaient pas aussi impatientes, elles transpiraient la peur, mais cette femme accueillait la mort avec courage et dignité. C'était tout bonnement impressionnant.

" M. Kingston, j'ai entendu que je ne mourrai pas avant midi. Je suis déçue car je pensais être morte à cette heure et avoir oublié ma souffrance. S'exclama Anne en guise de salutations. L'homme, dérouté dans un premier temps finit par lui répondre.

- Madame, vous ne souffrirez point, le bourreau est compétent. Il s'inclina, ne sachant que répondre pour appaiser la souffrance de cette femme déterminée.

-J'ai entendu que le bourreau était très habile, et j'ai un petit cou." Anne se prit le cou entre ses mains, minant l'exécution et elle se mit à rire. Ce n'était pas un rire nerveux, seulement un rire de joie. Les personnes présentes dans la chambre étaient toutes étonnées du comportement de celle qui avait toujours été détesté par une grande partie de l'Angleterre.

" Pardonnez-moi. M. Kingston, si je vous ais fait venir, c'est pour vous demander, si vous souhaitez m'accompagner dans ma communion. Vous avoir à mes côtés serait une grande satisfaction." Ce n'était pas un ordre comme elle avait pu en donner en tant que reine, mais seulement une supplique. Comment la lui refuser ? M. Kingston resta ainsi à ses côtés. Les minutes s'égrainèrent tout comme les heures et quand le soleil parvint à son zénith, les ministres du roi frappèrent à la porte et entrèrent dans la chambre.

" Madame, le bourreau vient d'arriver. Tout est en place pour votre exécution. L'homme parlait sur un ton formel, qui convenait tout à fait à Anne.

- Bien messieurs. Anne se tourna vers ses dames de compagnie et l'une d'elle s'approcha et de sa main tremblante elle lui mit son élégante cape rouge sur les épaules. Nous pouvons y aller." Le sourire d'Anne ne trahissait pas sa joie de mettre fin à tout cela. Ce sourire dérouta toute l'assistance.

Les ministres sortirent les premiers de la chambre, suivit du gouverneur, d'Anne, de son aumônier et de ses dames d'honneur. Anne passa les couloirs, elle descendit les marches, tout en gardant la tête haute. Sa fin était proche. Ces pierres grises seraient les dernières qu'elle verrait. Cette cour serait le dernier endroit qu'elle contemplerait avant de mourir. Trop lentement au goût de l'ancienne reine, ils arrivèrent à Tower Green, là où l'on avait dressé l'échafaud. Anne y jeta un furtif regard, elle ne voyait pas le bourreau. Celle qui fut autrefois couronnée souveraine de l'Angleterre regarda à peine ceux qui venaient assister à sa mort. Les êtres chers qu'elle aimait, se trouvaient loin ou étaient morts. Bientôt, elle pourait les rejoindre. George. Oh son frère adorait, faites qu'il l'ait attendu pour qu'ensemble ils puissent rejoindre leur mère.

Anne gravit les marches de l'échafaud et surplomba l'assistance. Certains visages se réjouissaient de la voir mourir. Grand bien, elle ne leur donnerait pas le spectacle d'une femme larmoyante criant sa détresse. Face à eux, elle déclara ses dernières paroles.

" Bon peuple chrétien, je suis venue ici pour mourir, parce que selon la loi et par la loi je dois mourir, alors je ne parlerai pas contre. Si j'ai été amenée à cette fin par la volonté de Dieu, je ne suis ici pour accuser personne, ou pour parler de ce dont je suis accusée et condamnée à mort, mais je prie Dieu pour sauver le roi et pour qu'Il lui accorde un long règne, car jamais il n'y eut de prince plus doux et clément, et, pour moi, il a toujours été un bon et doux souverain. Et si une personne s'intéresse à ma cause, je lui demande de juger pour le mieux. Sur ce, je prends mon congé du monde et de vous tous, et je vous demande du fond du cœur de prier pour moi." Elle se tut. Le silence était de mise dans l'assistance et le bourreau, qui venait de gravir les marches de l'échafaud, s'agenouilla devant elle.

- Madame, je vous prie de me pardonner pour ce que je m'apprête à commettre. L'homme baissa la tête et attendit que la dame prenne la parole comme il en était l'usage.

- Je vous pardonne." Répondit Anne tout simplement, elle posa sa main sur l'épaule de celui qui serait sa mort et elle lui sourit. Leurs regards se croisèrent et elle lui tendit la bourse d'or qu'elle avait apporté pour le payer pour son labeur.

Ses dames de compagnie vinrent à ses côtés. Elles pleuraient et dans un geste de réconfort Anne les serra une dernière fois dans ses bras. Les dames lui retirèrent sa cape, ses bijoux qu'elles enveloppèrent avec beaucoup de précaution dans un mouchoir. Si le roi était bon, ils reviendraient à sa chère Elisabeth. Sa coiffe fut ôtée et on lui mit à la place un bonnet blanc pour lui maintenir ses cheveux.

Une fois prête, Anne Boleyn s'agenouilla. Comme elle l'avait décidé, l'exécution serait à la française. Elle garderait la tête haute et ne la poserait pas sur un billot. L'une de ses dames lui banda les yeux. Anne perdit ainsi la vue et sa dernière vision fut celle de la pierre grise de la Tour de Londres. Elle pria pour le roi et dans une longue litanie, elle prononça :

" À Jésus-Christ je recommande mon âme ; Jésus recevez mon âme." Son corps tremblait un peu d'appréhension. Elle craignait la douleur, non la mort. Sans la vue, elle ne savait pas ce qui se déroulait autour d'elle, ni quand le bourreau allait frapper.

" Où est mon épée ? " Demanda le bourreau dans son français. Anne, par réflexe se tourna dans la direction de la voix. Puis, ce fut la fin. L'épée du boureau trancha d'un coup net le cou de celle qui portait encore il y a quelques semaines une couronne. Un silence morbide s'imposa durant quelques secondes. Anne Boleyn était morte.

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