Chapitre 7

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La cafet’ ressemble à un véritable champ de bataille.

Ça se fritte dans tous les sens.

Harry fonce dans le tas, il est aussi hystérique que les autres.

Il effectue un tacle glissé, balaye un type qui se ramasse la gueule, lui file un violent coup de coude dans le nez, se relève et flanque magistralement sa tête contre la mâchoire d’un grand chauve qui s’écroule aussi sec.

Il se retourne, pointe son flingue, enfin mon flingue, tire à deux reprises.

Un gars se prend une balle entre les deux yeux tandis qu’un grand blond trébuche en se tenant la jambe.

Ce type est une machine de guerre.

Mais comment il fait pour différencier les internes des patients, ils sont tous habillés en blanc ?!

Je tiens ma poêle brûlante à pleine main, j’hésite à frapper. De l’huile dégouline sur mes pompes.

- Comment tu les reconnais ? je lui demande.

Harry attrape la tête d’un gars, la retourne à 360°.

- Tu t’en fous ! Tire dans le tas, on vérifiera plus tard !

Euh… un peu facile comme technique.

Bon, je vais laisser faire mon intuition.

Deux types tirent violemment une nana par les jambes et la traînent au sol.

Elle a l’air apeuré, elle s’agrippe de toutes ses forces, ses ongles restent incrustés sur le plancher.

Je me lance.

Je prends de l’élan et défonce le premier avec ma poêle. Pas très résistante. Seule la poignée me reste dans les mains.

Le type s’explose contre le mur.

Le deuxième lâche la petite brune, m’envoie un crochet, je l’évite, balayette, il se retrouve à plat ventre à côté de sa victime. Je lui plante une superbe reprise de volée.

Je ne suis pas très bon au foot mais si sa gueule avait été un ballon, je pense qu’elle aurait filé directe en pleine lucarne.

La fille soupire, me sourit et part se mettre à l’abri.

Pas le temps de respirer qu’on m’agrippe dans le dos.

Il a de la poigne ce con.

Je me secoue pour le faire lâcher, pas moyen, il a trop de force, il m’écrase les côtes, j’ai du mal à reprendre mon souffle.

Un coup de feu.

Il lâche sa prise, son corps sans tête tombe à mes pieds. Joli coup Harry.

Je le remercie de la main. Il est déjà reparti dans la mêlée. Merde !

- Harry, fais gaffe ! Derrière-toi ! Je lui hurle quand j’aperçois un patient, là, y’a pas de doute, qui s’apprête à lui lancer un énorme couteau de boucher.

Il ne m’a pas entendu.

Je pars à toute vitesse, glisse sur un crâne à moitié défoncé, me relève et me jette sur Harry.

Je le plaque, on passe tous les deux par-dessus une table pour s’écraser par terre. La lame vient se planter contre la table, qui, dans l’élan s’est renversée et nous sert de barricade de fortune.

C’était moins une.

- Merci mon pote, me dit Harry en contemplant le bout de lame qui a traversé la table.

- De rien, on est quitte. Dis-moi, t’es un grand malade, je lui balance en lui tapotant amicalement l’épaule.

- De quoi ?! Tu penses que je suis fou ?! Il me répond un peu vexé.

- Non, c’est une façon de…

- Ah ouais, tu penses que je suis comme eux ?! Hein ?! C’est ça ?! Tu me prends pour un psychopathe ?! Une espèce de déséquilibré ?! C’est ça que tu veux dire ?!

Bon finalement il a l’air plutôt énervé que vexé…

Il reprend, je n’arrive pas à en placer une.

- Je suis comme eux, c’est ça que tu veux me faire comprendre ?! Que je mérite ma place ici ! Que je mérite d’être enfermé ?! Que je suis un danger pour la société ?! C’est ça ?! Hein !!

Désormais il hurle et commence à s’agiter.

- Pas du tout c’est…

- Les gens ! Les gens ont peur de moi ?! Les gens ! Ces putains de gens qui jugent, qui se donnent le droit de penser que … ! Bien sûr, ils sont dans le vrai, et moi dans une cellule, enfermé comme un chien ! Comme une merde qu’on décide si oui… ou non… je ne sais pas… il n’est pas prêt ! Pas prêt à quoi ?! C’est ça que tu veux me dire Lapin !

Il pointe son flingue contre moi.

- Fais attention avec, je tente de le raisonner.

- Et j’ai pas mon mot à dire moi ?! J’ai pas de valeurs ?! Pas de jugement ? Hein, tu penses que je n’ai pas d’éducation c’est ça ?! Ma mère m’a mal éduqué Lapin ?! De quoi ? Il s’arrête quelques secondes de parler et me tend l’oreille.

- De quoi ? J’ai pas très bien entendu…C’est ça, tu penses que ma mère a fait du sale boulot ? Qu’elle est bonne à rien ? Ma mère est bonne à rien ? Dis-le ! Tu penses quoi ? Dis-le ! Te gêne pas, tu t’en mords les doigts, vas-y balance ! Ma mère est une pute ?! Ouiiii !! Tu penses que ma mère, la chair de ma chair est une putain de trainée de bouffeuse de queues !

Il pointe son flingue contre sa tempe et se met à trembler, ses yeux sont exorbités.

Je ne sais plus quoi dire.

Quoi que je dise ça empire. Je suis carrément flippé.

- Et moi, je suis qu’un ramassis de foutres de queutards ! Il se met à chialer, pose sa tête contre mon épaule et baisse enfin son arme.

Le mec est complètement niqué du cerveau.

Bordel, je savais bien qu’il ne fallait pas le faire sortir.

Bon, il s’est calmé, désormais je vais réfléchir à deux fois quand je m’adresse à lui.

Un bruit de planche cassée me sort de mes pensées.

La table qui nous servait de barricade s’est barrée.

On est à découvert.

Un immense type se tient devant nous.

Il porte une camisole qui n’est plus d’aucune utilité, vu qu’il a tranché ses lanières. Il bave et a l’air très content de nous avoir délogés. Ses manches traînent par terre, mais pas pour longtemps.

Il lève les bras et nous fouette avec. Harry se relève, tente d’esquiver mais se prend gifle sur gifle.

Putain ça claque.

Au moins ça lui remettra les idées en place.

Je me barre à quatre pattes et le laisse se demerder quand j’entends de nouveau hurler.

La petite brune de tout à l’heure est encore prise à partie. Décidément…

Je m’active, chope le type qui ceinture la fille, le renverse en arrière et lui brise la colonne vertébrale contre mon genou.

Le bruit est dégueulasse, j’arriverai jamais à m’y habituer.

La fille me serre dans ses bras. Elle est en sanglots.

Elle revient de loin, la pauvre. Je tente de la consoler.

- Ça va, c’est fini. Je suis là, je la rassure.

- Merci.

Elle sèche ses larmes, retire sa tête de mon épaule et me fixe dans les yeux.

El est super jolie, avec ses petits yeux humides couleur noisette et ses charmantes pommettes roses.

Elle me sourit puis son visage se ferme, se durcit.

- Tu me prends pour une conne ?!

- Hein ?! Pardon ?

Qu’est-ce qu’il lui prend ? Elle recule d’un pas.

- C’est ça que tu appelles ranger ta chambre ?!

Elle se met à gueuler. Á m’engueuler même.

Elle me fout une gifle et reprend.

- Regarde-moi cette pagaille !

Elle me retourne et me montre la cafet’ en chantier.

- Je t’ai demandé gentiment de ranger ta chambre, Julien, je t’ai fait confiance mais tu ne m’écoutes pas Julien ! Tu me fais chier Julien ! Tu m’emmerdes !

Elle me refile une paire de claques.

Je lui chope les mains, elle se calme.

- Oh…Pardon… Je suis désolé…Je ne sais pas ce qui m’a pris.

Elle se remet à chialer tout en caressant mes deux oreilles de lapin.

- Petit lapinou…

Le choc, peut-être. J’ai connu ça avec Garret.

Je lui lâche les mains. Elle souffle. Elle s’est calmée.

- Ça va ? Je lui demande.

Elle s’appuie contre une table, encore intacte et debout. C’est une rescapée celle-là, il y a même un plateau-repas dessus.

Je la laisse récupérer de ses émotions et jette un œil dans la salle.

Harry se démène toujours avec le grand type à la camisole.

Il lui plante son genou dans le ventre, le type recule, Harry prend son flingue et lui fourre de toutes ses forces dans la bouche. Ses dents se brisent sous l’impact pendant qu’un autre gars chope le couteau planté dans la table.

Harry l’a vu, toujours son flingue taquinant les amygdales du grand, avec son autre main il attrape ce dernier par les cheveux, et se dirige vers le gars au couteau.

Celui-ci l’envoie de toutes ses forces dans sa direction.

Harry se planque derrière le grand qui lui sert de bouclier humain.

Chose qu’il fait admirablement bien.

Le couteau vient se planter dans son dos.

Le type hurle, du moins il essaie, ce qui n’est pas évident avec un gros calibre dans la bouche.

Harry s’approche et tire.

La balle explose la gorge du gars, continue sa route et va se loger dans l’œil du lanceur de couteau.

Bravo. Deux en un.

Je suis admiratif, je me retourne vers la petite brune, elle ne sourit plus…

Elle attrape une bouteille sur la table et me la brise sur le crâne.

Je titube. La connasse.

- Mais putain ! T’en a mis de partout Julien ! Tu bouffes comme un con, et qui c’est qui va nettoyer encore ! Je vais te tuer Julien !

Elle se jette sur moi et m’attrape la gorge.

Je perds l’équilibre et me ramasse la gueule. Toujours sur moi elle me serre le cou de plus en plus fort tout en me tapant la tête sur le plancher.

Comment j’ai pu être assez con.

C’était pas une interne mais bien une internée !

Quand je dis que j’ai pas d’intuition…

Mais alors ça veut dire que les trois gars que j’ai dérouillés c’était des…

Pff je ne pouvais pas savoir, moi, c’était pas marqué sur leurs fronts.

Je lui fous ma main sur la gueule pour essayer de la repousser mais pas moyen.

Elle a une putain de force.

Je commence à manquer d’air. Elle hurle de plus en plus fort. Elle est toute rouge.

Saleté de barge.

Et puis j’aime pas frapper les femmes, ça ne se fait pas.

- Harry ! Je tente d’appeler à l’aide mais j’ai du mal.

Il me voit me démener, me montre le flingue et me l’envoie. Il tombe et glisse à quelques centimètres.

Je tends le bras. Je ne suis pas loin.

Elle serre encore.

Je vais crever comme Julien, je pense.

Je commence à y voir flou. Je tends mes doigts au maximum, je le sens.

Allez, encore un dernier effort.

Ça y est je l’ai. Je l’attrape à pleine main, le colle sur le front de la furie et tire.

Clic.

Merde, y’a plus de balles.

Fait chier le gars, il a utilisé toutes mes munitions.

Ne jamais prêter ses affaires à un inconnu.

Voyant le flingue, elle lâche une main et l’envoie valser. Ouf, je respire un peu.

Je lui mords l’autre bras. Oui, ce n’est pas très vaillant.

Elle le retire de ma gorge.

Dans un dernier effort, je la fais basculer sur le côté. Elle se prend un bout de table dans la joue et fait tomber le plateau-repas se trouvant dessus.

Pas de temps à perdre.

Elle se frotte son bleu et se rue à nouveau sur moi.

Je chope le plateau, le renverse et attrape les couverts.

Soit un couteau à bout rond et une simple fourchette.

Faut que j’en finisse avec elle.

Je lui plante la fourchette dans le ventre, la retire et simultanément, lui plante le couteau.

Je réitère une fois, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et ce, pendant une trentaine de secondes dans un rythme effréné et parfaitement synchro.

Je n’arrive pas à m’arrêter, je hurle, son corps sans vie tombe en arrière, je lui monte dessus et continue, couteau, fourchette, couteau, fourchette.

Ça gicle à chaque fois que je retire un couvert, y’a du sang de partout, je pète un câble, je deviens fou mais bon, moi aussi j’ai le droit de partir en couille !

C’est pas toujours les mêmes qui doivent en profiter, merde !

Harry me chope les poignets, je m’arrête net.

- Putain, mec, tu fais quoi ? il me demande un peu abasourdi.

- Hein ? Je regarde la bouillie de chair avec sa chevelure brune.

Je pose mes couverts, je pense que ça devrait suffire.

Harry m’aide à me remettre sur mes jambes. D’un coup de menton, il me montre un gars assis par terre.

- Allez, c’est le dernier, qu’il me dit calmement.

On s’approche du gars.

Il nous fixe et met sa main devant lui pour nous faire signe d’arrêter.

- Laissez-moi…il ne faut pas que je m’énerve, nous dit le type.

Il tremble, se frotte les joues frénétiquement.

On continue d’avancer.

- Arrêtez… S’il vous plaît, je ne veux pas vous faire de mal, allez-vous-en !

Oui bien sûr, tu vas rentrer gentiment dans ta cellule, mon gars.

Je tente de lui attraper le bras.

Il recule.

- Non ! Non ! Partez pendant qu’il est encore temps ! il se met à brailler.

Il tremble de plus en plus. Se cache le visage.

Hurle de plus en plus fort.

- Non ! Il arrive ! Je vous aurai prévenus, pauvres fous !

Le type se tire les cheveux, s’agite, se roule par terre.

Je regarde Harry. Il ne comprend pas trop.

Se met sur les genoux, se jette en arrière, se retourne et se relève.

Il gueule un truc incompréhensible.

Relève la tête, s’arrache sa blouse.

Merde, il va pas nous faire le coup comme Lilly !

Je passe mon bras devant Harry pour le faire reculer. Si c’est ce que je pense, on n’en a pas tout à fait terminé.

Le gars est torse nu, contracte ses muscles et beugle.

Il a fini ?

Bon ça va. Le mec n’est pas du tout impressionnant.

Je m’attendais à voir surgir un colosse monstrueux, alors que se tient devant nous, un maigrichon ridicule en calbute qui se prend pour Hulk.

Le gars nous regarde de travers, s’approche d’une table et tente de la soulever.

Il galère. Il n’y arrive pas du tout.

J’aimerais bien l’aider le pauvre il est ridicule.

Il force comme un malade, la table s’élève de quelques centimètres. Il devient rouge tellement il force, on dirait qu’il va exploser. La table se trouve au niveau de son buste, il ne lâche rien, continue de forcer et dans un dernier effort surhumain, dresse la table au-dessus de sa tête.

Il hurle de plus belle, ses bras tremblent, il serre la mâchoire mais relâche la table qui lui retombe dessus et le plaque au sol.

Harry me regarde à son tour.

Je hausse les sourcils. Je crois qu’on s’est compris.

La même idée.

Le même saut à pieds joints avec la même intensité et l’envie d’en finir.

On atterrit de toutes nos forces sur la table qui aplatit le barge, lui fait perdre quinze centimètres de profondeur et étale ses tripes tout autour de lui.

Je ramasse une chaise et pose mon cul.

Le calme est revenu.

Putain ils m’ont tué. Enfin, façon de parler…

Le sol de la cafet’ est jonché d’une vingtaine de cadavres. Le plus important est que personne ne s’est échappé.

Mon téléphone sonne. Lucy…

Merde, je l’avais complètement oubliée celle-là.

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