43. Reculer pour mieux sauter

9 minutes de lecture

Julia

Cette femme est folle ! Divertissante et folle, y a pas à dire. Au moins, j’ai oublié pendant quelques minutes que j’étais dans une cave au plafond très bas, entourée de vieux cadres qui nous observent encore. Si je ne voulais pas un minimum faire la courageuse, je me précipiterais déjà pour tous les décrocher et les mettre dans un coin. L’horreur ! Certaines de ces personnes sont flippantes.

La cave n’est pas bien grande et il y a tout le nécessaire, ou du moins le strict minimum, pour survivre en cas d’attaque. Un lavabo sous l’escalier et une réserve de provisions, une salle de bain, apparemment, un micro-ondes… Et un lit. Un seul et unique lit deux personnes, dans lequel j’ai clairement invité Arthur quand j’ai compris qu’il comptait me laisser seule ici. Impossible pour moi, trop angoissant.

Je me lève d’un bond avant que les mauvais souvenirs ne viennent totalement prendre possession de mon esprit et me dirige vers la commode.

- Tu crois que les fringues ici vont être aussi bizarres que ta mère ? chuchoté-je à Arthur en ouvrant le premier tiroir.

- Surement, oui ! J’ai hâte de te voir avec une robe orange et jaune et un haut violet, rit-il en s’approchant derrière moi pour voir ce qui se cache dans le meuble de rangement.

Je grimace en imaginant l’effet arc-en-ciel. Sortie de l’armée, je suis plutôt féminine et j’aime m’apprêter, mais pas de là à ressembler à un bonbon multicolore. Faut pas pousser, pas du tout mon style. Je sors du tiroir un vieux tee-shirt orange en riant.

- On n’en est pas loin, mais ce sera pour toi. Enfin… Tu dors comment ?

- Je ne suis pas frileux, rit-il. Souvent, juste en boxer. Mais si tu préfères, pour cette nuit, je mettrais cette horreur de tee-shirt.

- Non non, ça me va, dis-je, le tee-shirt sera pour moi alors. Je prends la salle de bain !

Je lui souris et dépose un baiser au coin de ses lèvres avant d’aller m’enfermer dans l’étroite pièce. Strict minimum, je disais ? Là, je ne peux que confirmer. C’est minuscule, mais ça fera l’affaire. Je ne suis pas difficile, conditionnée en mode mission. Avoir une douche et des WC sans être au camp, c’est presque le luxe ! Pourtant, le plafond bas, le manque de lumière naturelle ou d’ouverture, ce n’est pas ce qui me met à l’aise.

Une rapide mais agréable douche plus tard, j’enfile cet affreux tee-shirt et sors rejoindre Arthur et les portraits. Il est assis sur le lit, un livre entre les mains, et lève les yeux en m’entendant.

- Aucune remarque sur cette horreur ne sera permise, ris-je en déposant mes affaires sur le fauteuil.

- Quelle horreur ? C’est agréable de voir une jolie femme qui ne porte qu’un tee-shirt ! C’est fou ce que le treillis ne met pas en valeur tes jolies jambes ! me lance-t-il, son attention détournée de son livre.

- Le treillis a son charme quand même, non ? Je ne suis pas repoussante non plus ! m’esclaffé-je en venant m’asseoir à ses côtés. Je peux prendre le côté droit ? Je crois que si je dors près du mur, je vais mourir étouffée par l’angoisse…

- Tu es loin d’être repoussante, même en treillis, mais j’avoue que le petit tee-shirt orange révèle beaucoup plus de charmes qu’il n’est raisonnable.

Il passe une de ses mains autour de mon épaule et m’attire à lui pour à nouveau m’embrasser. Nos lèvres se retrouvent le plus naturellement du monde et je ne peux m’empêcher de pousser un petit gémissement lorsque sa main se pose sur ma jambe nue et se met à caresser ma cuisse. Je sens la pointe de mes tétons se dresser contre le tissu du seul vêtement que je porte et nos langues se mettent à jouer ensemble.

- Pas très sérieux, tout ça, soupiré-je en me lovant contre lui. Tu as conscience que sortis d’ici, tout ça c’est… Enfin, sur le camp, on ne peut pas ?

- On n’est pas sur le camp et je ne pense pas à ça, là tout de suite, me répond-il d’une voix un peu rauque alors qu’il glisse une main dans mon dos sous mon tee-shirt.

Le contact de ses doigts sur ma peau est électrisant, mais je résiste à la tentation de céder à ses caresses.

- Je vois ça, tu vis dans l’instant présent. J’aimerais pouvoir en faire de même.

Il ne me répond pas tout de suite. Sa bouche a de nouveau pris possession de la mienne alors que ses mains sont toujours au contact de ma peau, envoyant des signaux à mon corps auxquels il m’est difficile de résister. Mes bras noués autour de son cou, je suis bien obligée de m’avouer que moi aussi, j’ai envie de m’abandonner à ce désir que je ressens au plus profond de mon être. Alors que ma volonté commence à céder sous l’effet de ce baiser qui m’embrase, c’est lui que me repousse doucement.

- Excuse-moi, je ne devrais pas. Il m’a fallu un peu de temps pour que ce que tu dises parvienne à mon cerveau. Finalement, pour ma raison, je crois que je préfère le treillis, murmure-t-il dans un sourire alors que ses yeux trahissent son réel désir.

Ma raison est à deux doigts de vriller, vraiment. J’en crève d’envie et je crois qu’il suffirait d’un rien pour que je craque, mais le souvenir des avertissements de Mathias me revient en tête et je me laisse tomber à la renverse sur le lit en soupirant.

- Mieux vaut dormir avant de faire une bêtise, je crois…

- Je passe à la salle de bain et j’arrive, ça calmera un peu mes ardeurs.

J’acquiesce et l’observe se lever et quitter la pièce. Fait chier, Snow, merde ! Même à distance il me fait la morale. Je sais qu’il a raison, et je sais aussi qu’avec Arthur, il me serait difficile de me cantonner à un petit coup vite fait bien fait. Et puis, comment pourrait-on bosser ensemble correctement une fois qu’il m’aura entendue gémir, qu’il m’aura vue nue ? Comment moi je pourrai me concentrer en connaissant le goût de sa peau, en ayant découvert son corps en totalité, en sachant l’effet que ça fait de le sentir aller et venir en moi ? Merde, il faut que j’arrête de penser à tout ça sinon je vais lui sauter dessus.

Je me glisse sous les draps et observe le plafond. C’est vraiment angoissant pour moi d’être dans cette cave, mais la présence d’Arthur m’aide à passer outre, me change les idées.

- Pas deux heures la douche, hein ? lui dis-je en espérant qu’il m’entende à travers le mur en pierres.

- Non, j’arrive, répond-il en ressortant rapidement, juste vêtu de son boxer dans lequel je devine toute son excitation alors qu’il vient me rejoindre dans le lit, ses cheveux encore mouillés de la rapide douche dont il a profité.

Mes yeux se portent à nouveau sur le plafond une fois qu’il s’est glissé sous les draps et je tente de ne pas trop penser à son corps quasiment nu près de moi. Merde, comment est-ce que je peux résister quand tout ce que je veux, c’est le contraire ? J’ai l’impression de n’être plus qu’une boule de désir, là, tout de suite. Claustrophobie ? Connais pas. Armée ? C’est quoi ça ?

Je me tourne vers lui, dans ce lit plutôt confortable, et constate qu’il m’observe.

- Tu as moins mal ? lui demandé-je en posant délicatement ma main sur sa joue.

- Oh non, je souffre énormément, me répond-il en souriant. Je crois que j’ai encore besoin d’un bisou magique qui guérit tout.

- Tu n’en as pas eu assez ? Je crois pourtant que tu es du genre privilégié.

- Je crois qu’avec toi, je n’en aurai jamais assez, Julia. Mais tu as raison, il faut qu’on soit raisonnable. Tant pis pour le bisou magique.

Il ouvre ses bras pour que je vienne me lover contre lui et embrasse tendrement mon front alors que je me colle contre sa peau, mon corps désobéissant clairement à ma raison. J’enfouis mon nez dans son cou et y dépose quelques baisers. Arthur me serre davantage contre lui et je soupire de contentement.

Je mets un moment à m’endormir et Arthur n’est pas mieux. Je ne sais pas s’il galère autant que moi à se contenir, mais je peine à trouver le sommeil, même si je dois avouer que le contact est plus qu’agréable. Il y a bien longtemps que je ne me suis pas endormie chastement dans les bras d’un homme autre que Mathias.

Je me réveille en sursaut avec la terrible impression d’étouffer. Je repousse comme je peux le corps d’Arthur qui m’emprisonne entre ses bras et me redresse en chassant les couvertures, à la recherche d’air. Putain de cauchemar, foutu souvenir et foutue cave.

J’étais de retour là-bas. Il y a un moment que je n’avais pas fait un retour en arrière dans mes rêves. J’étais de retour dans cette minuscule pièce sous terre où j’ai été enfermée pendant presque un mois, à subir interrogatoires sans règles, séquestration et horreurs diverses. J’étais terriblement seule, incapable de me défendre, affaiblie, affamée et assoiffée, épuisée et certaine que je ne reverrais plus jamais la lumière ni un quelconque membre de ma famille.

- Julia, ça va ? me demande Arthur en se redressant à mes côtés.

- Ne me touche pas, donne-moi une minute, soufflé-je.

Voilà l’une des raisons pour lesquelles je ne dors que rarement en compagnie des mecs avec qui je couche. Je déteste cette sensation de me réveiller contre quelqu’un, du moins je déteste ce que mon cerveau fait de l’information. J’ai l’impression d’être privée de ma liberté, à nouveau enfermée et ligotée. Éveillée, ça passe, c’est très agréable et réconfortant. Endormie, c’est comme un retour là-bas qui me fait vriller. Stress Post-Traumatique ? Mouais… Peut-être. Surtout un horrible souvenir qui se rappelle encore à moi des années plus tard.

Je mets un moment à vraiment retrouver la raison et à calmer ma respiration. Je pense à mes proches, à la mer, à tout ce qui me raccroche à la réalité, l’air pur, la liberté. J’essaie d’occulter les souvenirs douloureux, les peurs qui en découlent, et finis par attraper la main d’Arthur pour m’ancrer au moment présent.

- Je suis désolée, dis-je sans oser le regarder. Je ne voulais pas te réveiller, j’ai juste fait un cauchemar…

- Et ça t’arrive souvent ? demande-t-il en osant quand même porter sa main à mes cheveux qu’il caresse doucement.

- Non, non… Juste dans ce genre d’endroits clos. Ça marque, la guerre, soupiré-je en me rallongeant sur le dos alors que seule une petite lampe près de la porte de la chambre de Marina éclaire la pièce.

- Eh bien, ferme les yeux alors, oublie cette pièce et imagine que nous sommes tous les deux dans une petite cabane en bois, dans la montagne silvanienne. On voit le ciel et les étoiles à travers la petite fenêtre qui se trouve sur le plafond.

Sa voix est douce et posée, et il continue à me caresser les cheveux en me parlant. Je ferme les yeux et essaie de m’imaginer les lieux pendant qu’il me décrit l’environnement et finis par sourire alors que je retrouve petit à petit ma sérénité.

- Elle existe cette cabane ? Parce que j’irais bien, moi…

- Oh oui, elle existe. Enfin, elle existait, je n’y suis pas retourné depuis longtemps. Mais c’est le paradis. Le monde extérieur n’existe pas quand on est là-bas. On peut y vivre libres et heureux, continue-t-il de sa voix apaisante. Il y a même une cheminée pour l’hiver et une soirée comme aujourd’hui, tu peux t’imaginer les braises encore rougeoyantes qui diffusent toujours un peu de chaleur.

Arthur bouge à côté et vient se coller contre moi. Je sens ses genoux venir se frotter contre ma cuisse alors que son souffle chaud sur mon cou me fait frissonner. Sa main est toujours sage et continue à faire des arabesques dans mes cheveux, sur ma nuque. J’ai quitté la cabane et la chaleur du feu pour revenir dans cette pièce où seule la chaleur de son corps contre moi domine. Je me tourne vers lui et me presse contre sa peau avant d’écraser mes lèvres sur les siennes. C’est à la fois doux et intense, brutal et désespéré, mais c’est surtout apaisant et agréable. Je suis bien de retour dans cette cave et Arthur, là, tout près de moi, est bien réel. Il n’y a pas que du négatif au final dans ce lieu clos. Je veux bien être prisonnière de son corps alors que je suis vivante et en sécurité, libre de mes mouvements et de mes choix.

Je finis par le repousser gentiment sur le dos pour me retrouver au-dessus de lui alors que nos lèvres s’explorent, se découvrent encore et encore, que nos langues se câlinent, que nos corps se fondent l’un dans l’autre et que notre désir prend le même chemin de non-retour.

- J’ai envie de toi Arthur. Tant pis pour le reste, je veux profiter du moment présent.

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