22. L'inspection du Chef Marcel

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Arthur

- Monsieur Arthur ! Réveillez-vous ! Réveillez-vous ! Le Colonel, il arrive !

J’émerge de ma nuit agitée, vraiment pas reposé. La douleur dans ma jambe m’a réveillé à de nombreuses reprises et je ne comprends pas ce qu’il se passe. Pourquoi ne suis-je pas dans mon lit ? Qui est cette personne qui me parle avec ce fort accent et vient me réveiller ? Comment a-t-elle fait pour entrer dans mon appartement ? Et pourquoi me parle-t-elle d’un Colonel ? On n’est pas à l’armée ici, si ?

- Tu sais que des fois tu n’es pas malin ? Bien sûr que tu es à l’armée ! Et même que le Colonel, c’est le chef de la cheffe du camp. Ça y est ? Tu te remets ?

J’ouvre les yeux et vois Lorena qui s’amuse de mon manque de réaction au réveil, qui n’est pas habituel chez moi. Dan se réveille aussi mais préfère rester au lit, ce qui est sa réaction normale à lui.

- Lorena, pourquoi tu nous réveilles ? On s’en fout du Colonel, non ? demande mon colocataire à moitié endormi.

- Dan, debout. S’il vient, c’est qu’il va inspecter le camp. Il faut que tout soit en ordre ! Au boulot ! Moi, avec ma jambe, je ne vais pas pouvoir faire grand-chose ! Lorena, tu peux aller prévenir la Lieutenant que je vais arriver ? Juste le temps de m’habiller ?

- Pas de souci, Monsieur Arthur. J’y vais tout de suite

- Merci Lorena.

Je me prépare rapidement et sors de ma tente. Je constate que le Colonel a déjà commencé son inspection et qu’il est en train d’admirer les vaches. Son air sévère indique qu’il n’a pas l’air convaincu par l’idée et Julia, à ses côtés, n’en mène pas large pour justifier ses décisions. J’arrive avec mes béquilles et salue les deux militaires.

- Vous m’excuserez si je ne vous fais pas le salut protocolaire, ris-je, mais je n’ai pas envie de me casser la gueule.

- Monsieur Zrinkak, que faites-vous donc là ? On m’a dit que vous étiez blessé et indisponible !

- Eh bien, je suis là, comme vous voyez. Je n’allais pas vous laisser féliciter votre Lieutenant pour sa superbe décision d’améliorer le quotidien des personnes réfugiées dans le camp sans partager les louanges, quand même !

- Qui s’occupe de ces bêtes ? C’est quand même assez… Étrange, des vaches dans un camp de réfugiés. Lieutenant, Monsieur Zrinkak, vous avez des idées bien farfelues !

- Ce sont les personnes elles-mêmes. Au moins, ça les occupe, ça organise la vie du camp, bref, que des avantages ! La Lieutenant était comme vous, mais je l’ai convaincue, et je crois qu’elle ne regrette pas, n’est-ce pas Lieutenant ?

- Effectivement, le résultat est plutôt concluant, mon Colonel. Et c’est une source de nourriture qu’il ne faut pas négliger, tout comme les poules qui sont de formidables pondeuses.

- Vous devenez une vraie fermière, Lieutenant, pas sûr que ça vous aide dans votre carrière, mais vous pourrez au moins vous reconvertir, répond son supérieur, caustique.

- J’y penserai, Monsieur, mais pour le moment je préfère assurer la sécurité de ces personnes et voir le sourire des enfants qui courent après les animaux. Je ne pense pas être défaillante dans les missions qui m’ont été confiées…

- Non, pas du tout défaillante en effet, juste particulière ! On continue la visite ? Monsieur Zrinkak, vous nous faites visiter la partie avec les tentes ? Elle m’a l’air assez bien organisée, vue d’ici.

- Oui, Colonel, la Lieutenant m’a contraint à y mettre plus d’ordre qu’il n’y en avait à l’origine. Elle est très… Rigoureuse, ajouté-je en me souvenant de l’histoire de la tente qu’il a fallu déplacer.

Je vois à son regard reconnaissant qu’elle apprécie mes efforts pour la mettre en valeur. Le Colonel a l’air de bonne humeur en tous cas, même s’il reste critique sur certains points, je vois qu’il est rassuré de voir que le camp est bien tenu.

- Rigoureuse ? Compliqué de travailler avec elle, Monsieur Zrinkak ?

- Non, pas du tout. Je crois plutôt que c’est compliqué de travailler avec moi !

- Je pense qu’on a finalement réussi à s’entendre, dans l’intérêt des personnes présentes ici, intervient Julia. C’est essentiel si on veut y arriver et faire en sorte que tout se passe bien.

Nous nous avançons entre les tentes et je suis un peu difficilement le rythme imposé par le Colonel. Avec mes béquilles auxquelles je ne suis pas habitué, ce n’est pas aisé de garder le rythme. La petite Lila s’approche de nous comme à chaque fois que nous venons dans cette partie du camp.

- Bonjour monsieur chef, dit-elle avec son adorable accent.

- Vous leur apprenez le français ? demande le Colonel à Julia, intrigué, avant de se retourner vers la petite. Bonjour Petite, tu t’appelles comment ?

- Lila ! Et toi, monsieur chef ?

- Moi, c’est Marcel, indique-t-il en tendant la main à Lila.

Mon regard croise celui de Julia qui a l’air aussi étonnée que moi de ce prénom que l’on croirait venir d’une autre époque. Nous manquons tous les deux de pouffer de rire, mais nous nous retenons, ne voulant pas fâcher l’officier qui est en train de serrer la main de la petite fille.

- Je t’aime ! Au revoir Monsieur chef Marcel !

- Certains Silvaniens parlent également français, Colonel. Des cours ont commencé à être organisés dans la maison qui est inoccupée, et pas seulement de français. L’éducation reste une priorité pour ces gens, malgré la guerre, et les enfants tournent moins en rond.

- Eh bien, vous me surprenez Lieutenant. C’est bien la première fois que je vois une aussi belle organisation. D’habitude, on est plus occupés à gérer les conflits, les vols et l’approvisionnement que des cours de français. Bravo, dit-il visiblement impressionné par ce qu’il voit.

Ou alors, peut-être qu’il est simplement ému par le “Je t’aime” de la petite Lila qui fait toujours son effet ! La visite continue et je laisse Julia l’emmener et répondre à ses questions alors que je m’amuse avec la petite Lila et essaie de lui apprendre d’autres phrases en français. Nous sommes assis sur deux petites chaises à l’entrée en attendant le retour des deux militaires qui font le tour complet de toutes les installations.

Quand ils reviennent, je vois au sourire de Julia qu’elle est contente de ce qu’elle a pu montrer à son chef.

- La visite vous a plu, Colonel ?

- Plutôt oui, Monsieur Zrinkak. Je dois avouer que l’évolution est plus que positive, en un mois de temps. Vous faites effectivement une bonne équipe.

- La Lieutenant a été patiente avec moi, en tous cas. Je n’y connaissais pas grand-chose à mon arrivée.

- Les femmes sont toujours plus patientes que les hommes, je crois, sourit le Colonel. Ou alors, vous avez de la chance, parce que ce n’est pas la première qualité vantée quand il s’agit de Vidal.

- Elle a peut-être progressé. En tous cas, elle assure bien notre protection.

- Cela se voit, jeune homme, dit-il en montrant les bandages sur ma jambe. Très efficace, la protection !

- Je ne suis pas WonderWoman mon Colonel, je ne peux pas retenir une maison qui s’effondre, non plus, lui rétorque calmement mais fermement Julia.

- Emmener un civil en mission n’était pas forcément une bonne idée, Lieutenant. A quoi pensiez-vous donc ? S’il était arrivé un malheur, on fait comment pour justifier aux médias la mort du responsable du camp ?

- Je ne suis pas mort, Colonel, tenté-je de répondre avant que Julia ne s’indigne, en oubliant un peu qu’elle s’adresse à son chef.

- Il n’y a rien à justifier aux médias, mon Colonel, puisque personne ne parle de cette foutue guerre. Aucun de mes hommes ne parle la langue et nous avons besoin de quelqu’un capable d’entrer en contact avec les habitants des villages que nous visitons. On fait avec ce qu’on a, et je n’ai jamais mis un couteau sous la gorge à Arthur pour qu’il se joigne à nous.

- Vous vous rendez compte à quel point c’est compliqué de trouver des traducteurs en Silvanien, Lieutenant ? Ce n’est pas de l’anglais quand même !

- Effectivement, Colonel. Sauf que c’est nécessaire, sur le terrain. Sans Arthur, nous n’aurions pas pu trouver ni traduire des documents qui laissent à penser que certaines attaques sur des villages encore habités sont commanditées par l’Etat et non par les rebelles.

- Ni que ceux-ci veulent attaquer le village de Kodorou pour se venger des exactions du Gouvernement, rajouté-je. Vous allez faire quoi par rapport à ça, Colonel ?

- Je ne sais pas. J’ai transmis tous les documents à l’Etat Major et on attend les ordres. A priori, on va nous demander d’aller protéger le village en sachant que l’attaque aura lieu sur un autre. Les autorités vont prétendre que l’on ne pouvait pas protéger tous les villages, bref, c’est la politique en plus de la guerre, rien de très agréable. En tous cas, rien d’aussi agréable que de voir ces gens qui ont l’air d’aller bien ici. Bon travail, Lieutenant !

- Merci mon Colonel, sourit Julia, en demi-teinte seulement si j’en crois son regard déçu.

- Eh Zrinkak, vous allez retourner en France maintenant que vous êtes blessé ou vous allez rester avec nous ?

- Je reste, Colonel, on commence seulement à avoir des résultats, ici, ce n’est pas le moment d’abandonner le navire !

- Bien, faites attention à vous quand même, m’indique-t-il avant de s’éloigner avec Julia qui m’adresse un petit regard plein de sympathie avant de lui emboîter le pas.

Je les regarde s’éloigner alors que Lila tire sur ma manche pour attirer mon attention. A regrets, je cesse de regarder la jolie femme qui accompagne le Colonel et me tourne vers la petite fille pour lui demander ce qu’elle veut.

- Tu vas vraiment rester ? demande-t-elle, visiblement inquiète.

- Oui, maintenant que je suis revenu parmi les miens, je ne vais pas repartir tout de suite, tu peux compter sur moi. J’y suis, j’y reste.

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