Le retour des belettes

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 À bout de forces, Reynolds trancha la tête du dernier mort-vivant en poussant un hurlement de rage. Une fois le corps en décomposition retombé sur le sol, le capitaine des belettes se laissa choir sur les genoux et appuya fébrilement sur la blessure qui tiraillait son flanc. Cette fois, le nombre avait joué contre lui et ses aptitudes d'épéiste ne l'avaient pas préservé. L'une des goules avait profité d'une seconde d'inattention pour le blesser d'un coup de dague. Heureusement, la lame avait ricoché sur une de ses côtes.

 L'humain leva des yeux dépités vers ses compagnons blessés. Seul Eliott avait miraculeusement évité les lames de ses adversaires en bondissant sur ses pattes de cabris, ses traits mortels retardant la progression de ses poursuivants. Le nez brisé par un coup de bouclier, Grün tentait d'étancher les flots sanglants qui souillaient son énorme barbe hirsute. Pour les elfes, les dégats étaient bien pires. Tira saignait d'une plaie à l'épaule et sa soeur gémissait en observant son genou, broyé sous la tête d'une masse. 

 En voyant cela, Reynolds songea qu'il avait échoué. Il s'était donné pour mission de faire traverser ce territoire maudit aux belettes, quelle prétention ! Tout ce qu'il avait fait, c'était mener ses compagnons à une mort certaine au milieu d'une armée de goules sanguinaires. Ses amis ne retrouveraient pas leurs proches. Consicent de son échec, Reynolds leva les yeux au ciel. 

 Il plissa les paupières pour contrer l'éclat aveuglant des derniers rayons du soleil sur les pics enneignés. L'immense montagne blanche brillait de mille feux. Son esprit embrumé se réveilla soudain lorsqu'il comprit qu'ils se trouvaient au pied des massifs rocheux du Nord. Ils étaient arrivés. Le sentier était juste là, sous leurs yeux. 

 Le capitaine se redressa en grimaçant et tendit un bras vers le chemin de montagne. 

- Nous y sommes les amis ! s'écria-t-il pour les empêcher de sombrer dans le défaitisme comme il venait de le faire. Le passage qui nous conduira de l'autre coté du massif est juste devant nous ! Levez-vous mes belettes ! Plus que quelques pas ! 

 En voyant le petit sentier escarpé qui vallonait la roche, les visages des compagnons s'illuminèrent. L'espoir renaissait. Mira passa les bras autour des épaules d'Eliott et de sa jumelle pour qu'ils l'entrainent vers leur salut. Reynolds et Grün se donnèrent l'accolade, récupérèrent leurs armes et prirent la même direction. 

 Le groupe venait tout juste d'entamer sa progression lorsque les hurlements déchirants des morts retentirent derrière eux. Le capitaine se retourna. La forêt vomissait des centaines de créatures aux visages morts qui se précipitaient à leur rencontre. Même si les monstres ne pouvaient pas passer la forteresse qui gardait le col, ils rattraperaient les belettes avant que ces derniers n'atteignent les portes massives du fort. 

 Reynolds regarda ses amis. Leurs expressions joyeuses venaient de se muer en terreur et en désespoir. Lui-même n'avait pas de famille à retrouver de l'autre côté de la chaine de montagne, parce que sa seule famille était juste devant lui. Il ne pouvait pas les abandonner. 

- Compagnons, sachez que le plus grand honneur qui m'ait été offert fut de servir à vos côtés et d'être votre capitaine. Je n'ai malheureusement pas le temps pour vous faire un grand discours, alors je vais résumer le plus simplement possible. Je vous aime. À présent gravissez cette putain de pente et allez retrouver vos familles !

 Reynolds dégaina une nouvelle fois sa lame. Une dernière fois. Il se détourna des visages horrifiés des belettes et fit face à l'armée qui approchait. Les morts ne pourraient pas avancer plus de deux par deux sur l'étroite sente de montagne. N'entendant pas de bruits de pas derrière lui, le capitaine comprit que ses guerriers hésitaient. 

- C'est un ordre ! beugla-t-il sans se retourner. 

 Pendant quelques secondes, il n'entendit rien. Puis les cailloux crissèrent lorsque ses compagnons reprirent leur marche, résignés. Reynolds sourit. Il avait accomplit sa mission. Il avait ramené les belettes. A présent, il allait retenir les morts assez longtemps pour leur permettre de rejoindre la forteresse. 

 Les goules n'étaient plus qu'à une trentaine de toises en aval lorsqu'il vit la silhouette trapue du nain se dresser à ses côtés. Par peur d'avoir échoué, Reynolds regarda derrière lui mais ne vit pas traces du reste de la compagnie. Il allait sermonner Grün sur l'importance d'obéir aux ordres d'un supérieur, lorsque celui-ci prit la parole. 

- Les autres arriveront au col à temps, assura-t-il de sa voix rauque. Tu pourras dire ce que tu veux, ce ne sera pas mon cas. Je meurs aux côtés de mon capitaine. 

 Touché par la décision de son frère d'arme, le chef des belettes n'osa pas le réprimander. Un détail dans l'apparence de Grün le choqua. Les deux tresses ouvragées qui ornaient habituellement sa barbe avaient été coupé. Il n'avait pourtant aucun souvenir que le nain les ait perdu dans la bataille. Grün remarqua son regard. 

- C'est Eliott qui les porte, elles sont pour ma femme. 

 Reynolds hocha sombrement la tête. Ils n'avaient plus le temps de parler, les goules étaient là. Il brandit son épée alors que le nain resserrait son étreinte sur le manche du bec-de-corbin. Avec un cri de victoire, les deux guerriers se jetèrent sur leurs assaillants. Ils allaient mourir, ils le savaient, mais leur sacrifice permettait à trois belettes de terminer la traversée. 

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