« Dis maman, comment on fait bouger les nuages ? » Le nez en l’air, allongé dans l’herbe, les bras croisés derrière sa petite tête, ses pieds se balançant en rythme de gauche à droite, le petit garçon avait l’air le plus sérieux du monde. Il portait une petite chemise blanche avec son pantalon gris, celui qui lui donnait l’air d’un grand, selon ses dires. Jamais Mathilde n’arriverait à voir son petit Ellis comme un grand. À sa façon d’être toujours émerveillé par le monde, par ses questions pleines de candeur et d’insouciance, elle le voyait uniquement comme un enfant.

   Devant l'absence de réponse de sa mère, le petit brun s’était redressé pour la regarder, croisant ses jambes. Elle lui avait alors sourit, confortablement installée sur la chaise longue du jardin. « Je ne sais pas, ce doit être de la magie. » Il n’en fallu pas plus à Ellis pour se lever d’un bon et courir en direction d’un homme non loin de là. « Larry, Larry ! » À l'entente de son nom, il s’était retourné pour voir un petit bolide débouler de nulle part et s’accrocher à sa jambe. « Eh bien, qu’est-ce qu'il t’arrive bonhomme ? » Il avait ri devant les yeux émerveillés de l’enfant alors que le dit Larry n’en connaissait absolument pas la raison. « Comment on fait bouger les nuages, demanda-t-il un doigt levé vers le ciel. Maman elle a dit que c'était de la magie. »

   C'était donc ça. Le regard espiègle que lui lança Mathilde le fit secouer la tête avec un sourire. Dès qu'il y avait quelque chose que l'on pouvait attribuer à la magie, elle n'hésitait jamais une seconde et Ellis marchait dans l’histoire à tous les coups ! Il ne pouvait pas lui en vouloir, lui-même appréciait ce regard enfantin qui l’avait si vite adopté « Ce n'est pas de la magie, rit-il en lui ébouriffant les cheveux. » Aussitôt, un air triste passa dans le regard noisette. « Mais maman elle a dit que… »

   Des larmes ne tardèrent pas à gagner ses yeux, qu'il essuya d'un revers de main. La magie était tellement importante dans sa vie d'enfant que démentir son action revenait à chambouler toute son existence. Touché, Larry s'accroupit et tendit sa paume à hauteur de son visage. Du bout de ses doigts, on vit naître un minuscule nuage. « Ce n'est pas de la magie, c'est le vent qui les fait bouger. » Comme pour appuyer ses propos, il souffla légèrement et le nuage avança de lui-même avant de s'évanouir un peu plus loin. Toute trace de chagrin avait quitté Ellis et seules des étoiles restaient encrées solidement en lui. « Alors comment on fait bouger le vent ? Montre-moi. »

   « C'est vrai ça, Larry. Montre-nous comment on fait bouger le vent. » Mathilde avait rejoint les deux hommes et s'était accroupie à son tour, posant son menton sur ses doigts noués. Dans le regard de l'un on lisait l'attente d'une explication, dans le regard de l'autre, une tendresse sans fin. « C'est bien simple, on va le faire ensemble. » L'irlandais saisit les paumes du jeune fils, les ouvrant en coupe dans les siennes. Comme précédemment, un petit nuage blanc se forma entre leurs mains réunies, faisant rire Ellis. « Allez, maintenant tu vas souffler très fort et tu vas voir que tu feras bouger le vent. » Comme cherchant une approbation de la jeune femme, les deux hommes relevèrent le regard vers elle. Elle hocha alors doucement la tête. « Et si on essayait de le faire bouger ensemble ? »

   Dans leurs trois regards, la magie s'était installée tandis qu'ils soufflèrent à l'unisson sur ce semblant de nuage qui ne tarda pas à s'envoler. Fier de cette expérience, on ne tarda pas à voir l'enfant courir partout, soufflant à tout va pour faire voleter son nuage. Les adultes quant à eux se relevèrent et Mathilde posa sa joue contre le bras de son amant, épanouie.

   Il ne fallait pas grand-chose pour être heureux, seulement une famille et un coin de ciel bleu.