BRAS DE FER

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Lucas 

Entendre la vérité de la bouche de Véronika sur qui elle est pour Ley me laisse silencieux. En analysant la situation, je me rends compte que celle-ci est plus pourrie que je ne l'ai supposé au départ. Avec le recul, je regrette amèrement d'avoir exigé les aveux de Véronika. Maintenant que je sais tout, c'est comme si je trahissais un peu plus la personne que j'aime. Ley aura encore davantage de raisons de m'en vouloir lorsqu'elle saura le fin mot de tout ça. Et plus je reconstitue clairement le puzzle dans ma tête et plus je perçois enfin pourquoi les blessures de Ley sont profondes. Elle ne s'en doute pas, mais son passé est tellement proche d'elle que je m'inquiète qu'elle ne se relève pas devant tant de confessions.

J'essaye de réfléchir objectivement, mais tout ce que je vois, c'est Vayia la femme qui a condamné ses deux demi-sœurs à une vie misérable. Je n'arrive pas à voir plus loin que les confidences de Ley et je m'en sers pour émettre une opinion partiale.

- En clair, vous êtres gentiment en train de me dire que vous êtes la fille de Rémi. Vous êtes cette sœur qu'elle est hait aujourd'hui parce que vous l'avez abandonné à un sort pitoyable en charge d'une petite sœur psychopathe. C'est bien de cela qu'il s'agit ?

Énervé, je mets à applaudir et reprends.

- Bravo. Vu la vie fastueuse que vous semblez mener aujourd'hui, j'espère pour vous, que vous vous en voulez à mort Vayia.

Elle tique sur le prénom et me répond enragée. 

- Fermez votre gueule ! Fermez votre gueule sale connard et ne m'appelez plus jamais Vayia.

Je ricane et recommence.

- Vayia. Vayia. Vayia. Pourquoi ce prénom ne vous plaît plus ?

Ses yeux lancent des éclairs et d'une voix dangereusement basse elle me dit.

- Vayia n'existe plus. Vayia est morte.

Avec hargne, elle s'avance vers moi et prononce méchante.

- Vy nichego ne znayete o tom, chto ya perezhil . Вы ничего не знаете о том, что я пережил. (Tu ne sais rien de ce que j'ai vécu.)

- Je ne comprends pas le russe mademoiselle Vassel. S'il est bien vrai que votre véritable nom de famille soit Vassel. Après vous avoir entendu, je comprends mieux quelle langue parlait votre soeur dans la voiture. Mais vous devez inévitablement pratiquer la langue plus qu'elle, car votre accent est bien plus prononcé. Inutile de vous préciser que je fais pas mal d'affaires avec ce pays, c'est pourquoi j'ai toute suite reconnu la sonorité.

- Je vois. 

Surprise, elle reste pensive une minute avant de recouvrer la parole.

- Je constate que Ley vous a fait certaines confidences.

J'ai envie de lui dire que cela ne la regarde pas, mais se serait hypocrite de ma part.

- En effet, elle m'a fait certaines confidences, mais je ne comprends pas pourquoi vous êtes si surprise.

Elle ricane.

- Vous ne me comprenez peut-être pas, mais connaissant Ley depuis des années, je dois avouer que je suis plus que surprise de son attitude envers vous. Elle est si secrète d'habitude qu'il est difficile voir impossible de lui tirer des informations de son passé. Or, elle vous a confié des choses sans le moindre problème, alors que jusqu'à maintenant, j'ignore beaucoup d'elle.

- Je ne dirais pas que c'était sans le moindre problème.

Nous affrontons à nouveau du regard avant qu'elle ne poursuive la discussion.

- Je n'apprécie pas particulièrement vos affirmations Lambert. Vous croyez que j'ai abandonné Ambre de gaieté de cœur ? Sachez que même si je m'en veux pour ce qu'a traversé Ley, je ne regrette certainement pas ce que j'ai fait. Si les événements devaient de nouveau avoir lieu, je ferrais définitivement les mêmes choix qu'à l'époque. La famille Astakhov ne représentait pas la meilleure option pour elle, mais bien sûr vous l'ignorez parce que vous ne savez pas ce que j'ai vécu. Non que cela vous regarde d'ailleurs.

Je m'avance vers elle bien décidé à lui dire qu'elle se trompe.

- Une chose élémentaire semble vous échapper. J'aime Ley et je ne vais laisser personne lui faire du mal. 

- Vous pensez que je lui ferrais du mal intentionnellement ? Je l'aime autant que vous. De toute façon, ne comptez pas sur moi pour vous en apprendre davantage sur ma vie. Ce que vous savez déjà est bien plus que ce que je comptais vous dire au départ. La famille Astakhov constitue un tabou qu'il vaut mieux enterrer à tout jamais. Si je n'ai rien dit à Ley s'est à juste titre pour lui épargner de nombreuses souffrances supplémentaires. Je refuse que Ley sache que ma famille paternelle est responsable de notre ruine.

De plus en plus intrigué par ces propos énigmatiques, je me pose des questions sur ses intentions réelles.

- Je ne saisis rien de ce que vous me dites. Ambre vous aimait plus que tout, elle vous pardonnera sans doute si elle sait qui vous êtes. Comment ne pouvez-vous pas simplement être honnête ?

- Elle m'aimait sans aucun doute, mais parfois Lambert l'amour ne suffit pas toujours. Car pour être tout à fait sincère avec vous-même si elle m'aimait, moi, je ne l'aimais pas suffisamment pour élever Ely avec elle. Elle n'aurait en aucun cas voulu se séparer d'elle, or après avoir su l'abominable vérité, je n'aurais pas pu la supporter.

Dans son regard, je perçois une douleur indescriptible, mais son discours est si confus que je ne comprends toujours pas où elle veut en venir.

- Vous êtes une sale petite égoïste ou vous êtes juste complètement malade ? Vous en voulez à Ley de n'avoir pas abandonné sa sœur ? Vous pensiez sérieusement que Ley devait faire un truc pareil ? Rassurez-moi, avez vous un putain de cœur ?

Je suis dans une colère noire, au simple fait d'écouter de telles absurdités. 

- Je ne suis pas égocentrique. Ely est néfaste. Ely est une meurtrière. Elle et sont père son responsable de la mort de nos parents avec la participation de la famille Astakhov. Tout le monde pense que cette garce est un ange, mais c'est faux. Ambre entretient une confiance et un amour sans limite pour cette femme qui est juste diabolique. Un démon manipulateur de méchanceté, d'orgueil et de jalousie. Comment le faire comprendre à Ley qui lui voue un véritable culte ?

- Pardonnez-moi, mais je ne comprends rien à ce que vous racontez. Comment Ely, peut-elle être responsable de la mort de vos parents ? Elle était très jeune à l'époque.

- C'est normal que vous n'y compreniez rien, car vous ne savez pas toute l'histoire.

Elle respire profondément et semble plonger dans ses souvenirs.

- Le jour de la mort de nos parents, il faisait froid, mais quoi de plus normal en plein hivers. La route était verte glacée et la météo n'était absolument pas favorable. Je me souviens que ma mère voulait qu'Ely fasse l'impasse sur son cour de violon, mais bien sûr elle n'a pas écouté. Quand mère l'a appris, elle était assurément très en colère, mais mon père bien plus conciliant l'a calmé. Malgré sa désobéissance Ely a insisté pour que nos parents viennent la chercher à ce fichu cours et sur la route ils ont eu un violent accident de voiture. Tout compte fait, c'est ce que l'on n'a voulu nous faire croire. Car des années plus tard, j'ai appris que les freins sectionnés étaient en réalité à l'origine du drame.

Elle fronce les sourcils alors que ces yeux lancent des éclairs.

- Ely est tout aussi diabolique que son géniteur. Ne dit-on pas tel père, telle fille ?

Abasourdis, je l'interroge.

- Mais bon sang, de quoi parlez-vous ? Comment pouvez croire qu'Ely a quelque chose à voir avec ça ? C'était une enfant Véronika, une môme. Depuis quand le fait d'aller chercher une petite fille à son cour de violon fait d'elle une meurtrière ? Vous êtes folle ou quoi ? À l'époque impossible pour elle de sectionner des freins. Et puis je ne vous suis pas. Ely n'est pas une Courcelles ? 

- Pour l'accident, je vous explique bientôt, mais en ce qu'il s'agit d'Ely, je peux vous certifier que ce n'est une Courcelles. Quand vous avez vu Ely pour la première fois qu'elle est la première chose qui vous a frappé ?

Instinctivement, je réponds sans la moindre hésitation.

- Ces yeux. Si bleu qu'ils paraissent violets.

- Très bien Lambert. Or le gène alexandria est la marque de fabrique des Courcelles. Toutes les filles de cette famille les possèdent. Or, Ely est la seule à avoir les yeux noirs comme la nuit.

- Mais cela ne veut rien dire enfin. Elle a très bien pu prendre du côté de sa mère.

- Je vous l'accorde, sauf que les yeux de ma mère Myriam étaient d'un très beau vert-mousse.

- Mais en observant les deux sœurs, je peux affirmer qu'elles se ressemblent.

- Logique puisse qu'elles ont la même mère, mais leurs géniteurs demeurent bien deux hommes distincts. À dire vrai, Ely est une Astakhov.

- Pardon ?

- Vous m'avez comprise. Ely est bien une Astakhov. J'ai surpris une conversation entre mes parents au sujet du fait qu'elle n'était pas une Courcelles. Cependant ce n'est que longtemps plus tard que j'ai appris qu'elle était une Astakhov.

- Impossible. D'après ce que Ley m'a raconté les Astakhov n'auraient jamais renié une des leurs. Pour eux, elles n'étaient que les obscure belles-filles de votre père.

Véronika éclate d'un rire noir qui me fait frissonner. 

- Ça se voit que vous ne les connaissez pas. En effet, si Mikhaïl Astakhov avait pu, il aurait récupéré Ely. Mais voyez-vous Ambre a prit tout le monde de vitesse en disparaissant avec elle après le passage de l'assistante sociale. De toute façon, Ely n'aurait pas eu une meilleure vie avec son père. La naissance de filles chez les Astakhov a un but bien précis que j'ai découvert à mes dépens.

- Cette histoire est invraisemblable, rien de tout ça ne peut-être réelle.

- Et pourtant elle est totalement vrai. Comment pensez-vous que mes parents se sont rencontrés ? Ely devait normalement s'appeler Elizaveta Klava Astakhov. Comment faire part à Ley de tout ça sans la blesser profondément ? Vous savez que c'est impossible. Cette situation me met dans une sacrée impasse. Je ne m'imagine pas lui raconter tout ça et encore moins lui faire part de mes propres expériences. Je remercie simplement Dieu d'avoir épargné Ley de la famille Astakhov même si je sais qu'elle a bavé de son côté.

- Elle n'a pas seulement bavé, elle failli mourir. Je ne sais vraiment pas comment vous pouvez vivre à ses côtés et lui cacher tout ça. Savez-vous seulement ce que votre demi-sœur à vécu au côté de son psychopathe de mari ?

Ses pupilles s'agrandissent de choc.

- Que dîtes-vous ?

- Voyez-vous, quand vous êtes entouré d'une sœur qui vous veut du mal et d'un mari sadique-narcissique adepte BDSM, je n'imagine même pas la terreur qui en découle. Plus que les sévices sexuels et les coups se sont les tortures psychologiques qui lui font le plus de mal, je crois.

- Ambre s'est mariée ?

- Vous ne le saviez pas ? 

- Je n'en savais rien. Il m'arrive de deviner certaines choses, mais elle ne s'est absolument pas confié à moi. Depuis six ans qu'elle est à l'Aurora, elle est une véritable tombe sur tout ce qui lui ai arrivé. Elle ne me dit que ce qui l'arrange et encore. Avant de voir Lagrange, elle avait de grosses crises qui la plongeaient dans une véritable détresse psychologique. Elle doit vraiment être amoureuse de vous aussi pour vous en dire autant.

- Vous me parlez encore de ce type ?

- Elle avait besoin de se confier à quelqu'un et j'étais juste impuissante quand elle perdait pied. Que devais-je faire ? Attendre que ça passe ? Je n'arrivais plus du tout à gérer ses crises, c'était pire à chaque fois. Dans ces moments-là, elle devient hystérique, elle avait besoin de l'aide d'un professionnel. Jusqu'à aujourd'hui, elle ne se pardonne pas le suicide de sa sœur. Elle est à la recherche d'une fausse vengeance et ça, c'est sans compter, les cauchemars qui reviennent la hanter depuis peu. En cinq ans, Lagrange est le seul à avoir réussi la ou les autres ont tous échoué.

- Attendez ? Le docteur foldingue, c'est lui ?

- Oui, elle lui a donné ce surnom ridicule des le premier jour. En tout cas même si vous ne l'aimez pas il tient sa réputation car il a réussit à la faire parler dès leur première séance. Elle fait des rêves horribles dans lesquels elle supplie un certain Damian. De plus, elle ne cesse de demander Ely de lui pardonner alors que vous dîtes que celle-ci n'est pas morte. Quel a été le déclencheur de son état névrotique cette fois ?

- Un bouquet de violettes.

- Comment ?

- Un jeune homme nous a livré des violettes et elle littéralement pété les plombs.

- C'est étrange, car autrefois, les violettes, ont du moins été ses fleurs préférées. Du reste, mon père Rémi l'appelait ma petite violette et il n'était pas le seul. Même notre mère Myriam avait adopté ce surnom. Malgré les quelques tensions avec Ely, nous étions tellement heureux.

J'observe un peu plus attentivement Véronika lorsque je remarque que son regard est hanté et nostalgique de cette période qu'elle décrit heureuse.

- Vous n'avez pas de cesse de parler de Myriam Courcelles comme si elle était votre mère biologique.

- D'une façon indiscutable, elle l'était parce qu'elle est en réalité la seule mère que j'ai eue. Vous êtes certain qu'Ely est vivante ?

- Absolument. Le détective privé que j'emploi depuis des années, m'a expliqué certaines choses et m'a apporté un journal intime d'Ely. Je peux vous dire que j'y ai appris un des vérités qui m'ont ouvert les yeux.

- Vous avez demeuré avec elle deux ans et pourtant vous n'avez jamais cerné sa véritable nature ?

- À aucun moment, je ne l'ai soupçonné. Mes amis l'avaient peut-être démasqué, mais je n'ai jamais fait grand cas de leur dépréciation. Je fréquentais Ely pour une seule et unique raison, le sexe. Beaucoup des aspects de sa personnalité ne m'intéressaient pas. J'aimais ce qu'elle représentait, mais pas ce qu'elle était. Elle voulait que je voie son âme, mais je n'ai jamais réussi à l'aimer même si c'était son vœu le plus cher.

- Je comprends.

Son expression en dit long, mais je ne lui demande rien. A-t-elle aussi été avec une personne qu'elle n'a jamais pu aimer ? Cette femme ressemble à un mystère difficile à résoudre. Elle reprend la parole lointaine et vide comme si mes paroles ont un écho particulier en elle.

- On ne peut forcer l'amour, je suis très bien placé pour le savoir. Je suppose que vous allez rester ici pour Ley ? Je vous invite pour un brunch. Je ne sais pas pour vous, mais toute cette histoire m'a donné faim.

Alors que je la suis vers une somptueuse salle à manger, une belle jeune femme brune au parfum fleuri entre dans la pièce.

- Mon amour, tu es là ?

Elle se dirige vers la demi-sœur de Ley et l'embrasse à pleine bouche.

- Lambert, je vous présente ma compagne, Triss.

Contrairement à Triss qui semble ravi de la retrouver, Véronika semble froide et indifférente à sa tendre moitié. J'en viens même à me demander si elles sont réellement en couple. C'est drôle, mais je ne vois pas du tout cette femme lesbienne, mais après tout peut-être que je me trompe. Son comportement diffère totalement de celui de Moira avec Sacha.

Sans émettre de commentaire, je salue la compagne de Véronika.

- Bonjour Triss, enchanté de vous connaître.

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