ELLE PARLE

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LEY

Je me mets à rire et à pleurer comme une tarée, en considérant l'ironie de la situation. Je suis furieuse et lui claque l'information amère.

- Pour ce que ça a servi. Ely est morte et ne reviendra plus jamais ! Jamais ! Quand ma demi-sœur nous Vayia a concédé cet ultime service pour les services sociaux. Je n'ai pas perdu de temps et j'ai disparu avec Ely. Je ne pouvais garder la maison de nos parents, car je n'avais pas de travail. Il n'aurait pas fallu longtemps avant que l'on s'intéresse à nous de nouveau. Alors j'ai amassé tout l'argent que je pouvais, et nous avons fui.

Avancer avec une enfant à charge de treize ans était très compliqué. Au début, personne ne voulait donner à une jeune fille de seize ans un travail. Mais je ne me suis jamais laissé abattre. J'aurais fait n'importe quoi pour ma sœur, même me prostituer. Et à l'instant, le plus de notre misérable existence, j'ai failli céder. Sauf que ma petite sœur est tombée malade et j'ai été obligé de rester à ces côtés.

Je me suis dit que ça devait être un signe. Alors j'ai abandonné cette idée et je me suis battu encore plus fort. Nous vivions une vie malheureuse dans la rue, cherchant notre pitance dans les poubelles quand mendier n'était pas rentable. Puis j'ai appris à survivre et en mentant sur mon âge, j'ai réussi à trouver une place d'hôtesse d'accueil dans un hôtel prestigieux.

Un vrai coup de bol, une grâce du destin, me suis-je dit. À mon humble avis il aurait mieux valu que je me prostitue.

Je tremble de tous mes membres, j'ai froid, comme si on me congelait les os. Or, Jay Lagrange ne l'interrompt pas. Il attend sans doute l'heureux dénouement. L'âme charitable qui vient me sortir de ma détresse. Le chevalier blanc qui vient me sauver sur son fidèle destrier. La main tendue pleine de bonnes intentions capable de me sortir du trou. J'espère sincèrement que Jay Lagrange ne croit pas à toutes ces conneries. J'espère que son analyse de professionnel n'est pas pourri par l'espoir. L'espoir la plus mauvaise des chose qui puisse exister. Pour preuve le conte à dormir debout de Pandore.

Septique, Jay Lagrange caresse sa mâchoire volontaire.

Je continue ironique.

- Vous attendez l'heureux dénouement et je vous comprends, mais il n'y en a pas eu pour moi. Trois en ans plus tard, je rencontrais Damian et je devenais ça chose.

Prononcer le nom de mon mari me plonge dans une grande terreur. Je voudrais aller plus loin dans mon récit, mais je suis stoppé par les propos du docteur foldingue.

- Notre heure est arrivée à son terme mademoiselle Carré. Je ne peux pas faire votre travail de deuil à votre place. Tant que vous vous enfermez dans le cercle vicieux de votre culpabilité, rien de bon ne sortira de vous. Il ne s'agit pas de savoir ce que les autres veulent pour vous mademoiselle Carré. Il s'agit plutôt de savoir ce que vous vous voulez. Je vais vous demander de vous dévoiler autrement.

Il me tend un carnet à reliure noir. Insolente et perplexe, j'essaye de comprendre où il veut en venir.

- Que voulez-vous que je fasse de ça, bon sang ?

Il affiche un petit sourire en coin qui me déplaît au plus au point.

- Je veux que vous écriviez vos ressentis, quels qu'ils soient.

Moqueuse, je balance une vanne pourrie sans savoir que celle-ci va littéralement se retourner contre-moi.

- Même celles sur mes soirées torrides ? dis-je assez sournoisement.

Il objecte cyniquement.

- Mais de quelles soirées torrides parlez-vous ? Notre milieu est un cercle très fermé et je doute qu'une soumise tel que vous n'ait pas été revendiquée par un maître. Alors je vais vous dire ce que je crois sans trop me tromper. Vos antécédents vous interdisent de vous approcher d'un homme. Notre entourage est plutôt restreint quoique l'on en dise. Non pas que j'en sache encore beaucoup à ce stade, mais vous avez dit de votre mari que vous étiez ça chose et non sa soumise.

Il continue hardiment.

- Comme vous le voyez, je n'ai pas prononcé son nom, car j'ai pu moi-même constater l'effet qu'il avait sur vous. J'affirme avec certitude que vous n'avez pas laissé un homme s'approcher depuis cinq ou six ans. Vous pourriez parer à mes déductions en disant que vous êtes une dominante, mais vous l'êtes pas. Il suffit d'observer un peu plus attentivement la manière dont vous êtes assise. De plus, vous m'avez observé durant toute la séance pour être sûr que je ne m'approche pas de vous.

Il met son doigt en avant et le balance de droite à gauche.

- Mademoiselle Carré, il est inutile d'avoir peur de moi. Étant moi-même de ce milieu, je sais respecter les limites. Je suis d'ailleurs assez surpris que vous ayez accepté de me parler, même si j'ai comme l'impression que cela tient plus de la provocation qu'autre chose.

Je déteste le fait que ce psy de malheur puisse lire en moi comme dans un livre ouvert. De fait, je prends un malin plaisir à le détromper, vu que j'en suis incapable sur le reste.

- Ce n'est pas de la provocation docteur. Pour vous provoquer délibérément, il faudrait que vous ayez une quelconque importance. Disons que je suis plutôt fascinée par votre froideur et votre neutralité à toute épreuve. Cette qualité doit être une véritable aubaine vu votre métier. En tout cas vous voir aussi congelé de l'intérieur me facilite la vie, j'exècre plus que tout les gens qui me prennent en pitié. Je pense que nous allons très bien nous entendre finalement.

Alors que je débite ce que je pense de lui Lagrange semble être de marbre même si pendant une infime seconde, j'aurais juré voir de la peine dans ses yeux verts. Mais un individu tel que lui ne peut sûrement pas ressentir ce genre de chose. Alors que je suis dans mes pensées, j'entends ricaner.

- Oh, mademoiselle Carré vous voir essayer de lire moi était très divertissant, cependant, je doute que vous y parveniez un jour. Alors je vous conseille de vous ménager un peu en vous concentrant sur vous-même. Je suis votre médecin, pas votre patient, n'inversez pas les rôles.

Sans un mot, il se dirige vers son bureau, s'assoit sur son fauteuil. Il attrape ce qui semble être son carnet d'ordonnance et m'en fait une qu'il me tend. Je me lève, la prends et pour une fois ne pose aucune question ce qui semble le surprendre.

- Vous ne voulez pas connaître votre traitement ?

Je hausse les épaules de lassitude.

- Je sais choisir mes batailles docteur et vous semblez savoir ce que vous faite. Et puis je suis sûr que vous n'allez pas tarder pour mettre V au courant de ce que vous m'avez prescrit.

- Je vous l'ai dit vous avez besoin que quelqu'un vous suive dans votre traitement. J'ai programmé une séance en début de semaine prochaine, ça vous va ?

J'éclate franchement de rire.

- Vous dite ça comme si j'avais voix au chapitre. Ne vous inquiétez pas V s'assurera que je sois présente.

Je souffle, lui tourne le dos et me dirige vers la porte. Puis je me retourne vers lui et pose une question qui me brûle les lèvres depuis le début.

- C'est étrange, je suis coordinatrice de l'Aurora et je ne vous ai jamais vu à une de nos soirées.

- En effet et je ne compte pas y participer un jour. Je préfère l'intimité d'un salon privatif mademoiselle Carré. Mais à ce stade, je suis certain que ma vie sexuelle ne vous regarde en rien. J'ai été gentil de vous répondre, mais ce genre de conversation n'est pas déontologique donc à l'avenir gardez votre curiosité pour vous.

Je ricane de cynisme.

- C'est quand même étrange que vous ayez le droit de m'interroger sur la mienne. Mais je suppose que c'est le métier de psy qui veut ça.

Je n'espère pas sa réponse, car je sais qu'elle risque de me mettre en colère.

À la sortie du cabinet, Isaac m'attend sur le trottoir attentif à toutes mes réactions. Même si je lui suis reconnaissante, je n'aime pas qu'il me prenne pour une petite chose délicate. Je sais qu'il s'inquiète pour moi et qu'il est un peu plus que le chauffeur ou l'homme à tout faire de V. Mais voir ce gorille se transformer en un ours devant moi, me rappelle à quel point il voit en moi une personne à protéger.

En définitive, le trajet du retour se fait dans le silence, avec pour moi des interrogations plein la tête. 

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