CXXIII. Ce n'est rien

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CXXIII. Ce n’est rien*

A défaut de l’anniversaire idéal que j’avais ultra-planifié, Louka m’offrit une soirée improvisée ; improbable, imparfaite, mais merveilleuse.

Le comptoir branlant de la cuisine, une fois recouvert de trois torchons d’un blanc immaculé, prit des airs de grande table. Une lampe de poche faiblarde, piquée dans le tiroir de bricolage de ma colocataire et posée sous un saladier en verre rouge, nous offrit une lumière tamisée assez réussie. Et je programmai mon téléphone pour qu’il nous diffuse un gentil fond musical.

En cuisine, Louka fit ce qu’il put avec ce qui était là. C’est-à-dire les restes ! Il nous servit de grands verres de Coca dans des flûtes à champagne. Il accommoda dans deux assiettes en céramique noire, dont une ébréchée, un croque-monsieur au cheddar qu’il nous fallut partager, un mini paquet de chips parfum barbecue, des rondelles de tomates à l’huile d’olive et deux œufs au plat. Puis pour le dessert, nous dévorâmes à la cuillère, directement dans le pot, une glace au caramel au beurre salé au milieu de laquelle nous plantâmes une bougie chauffe-plat que je soufflai consciencieusement.

Évidemment, nous étions loin des quatre étoiles au Michelin… Mais je me sentais fondre comme la dernière des midinettes. Après tout, avec un prénom comme le mien, j’avais bien le droit, pour une fois, de me sentir comme une petite princesse de Bavière en face du bel empereur d’Autriche, non ? En moins innocente, peut-être…

Car forcément, après un tel dîner, c’est le cuisinier que j’avais envie de grignoter ! Louka me fit et me refit l’amour. Nous étions coincés dans ma chambre minuscule comme deux ados sous les toits : c’était moitié mignon, moitié ridicule… Mais je n’en finissais pas de me régaler lorsque je l’avais entre les doigts, entre les reins. Il resta en moi un moment, nous étions collés comme deux vieux timbres, recroquevillés dans mon lit dans une position improbable.

« - Louka…

- Hmmmmmm ?

- Je voudrais bien rester comme ça pour toujours... On ne ferait rien d’autre que manger et faire l’amour.

- Et aussi se cogner contre ta tête de lit…

- How great !

- Tu parles, je vais avoir plein de bleus.

- Je te soignerai à coup de bisous magiques. Alors, deal ?

- Well… C’est tentant, of course, mais ma mère arrive demain ; je lui dis quoi ?

- Que tu es occupé avec une demoiselle ; mais qu’elle ne s’inquiète pas ! C’est une fille super.

- Oui, je pourrais essayer ça…

- Louka ?

- Hmmmmmm ?

- Je crois que c’est la première fois que tu dis “ma mère” en parlant de Malika. On dirait le Petit Poucet qui retrouve sa maison avec ses petits cailloux ! C’est cute.

- Oui, bon ! Je suis ravi que tu me trouves cute mais… Tu pourrais arrêter de parler de ma mère, comme ça on peut repartir pour un tour sans que je passe dix ans sur le divan d’un psy ? »

Je ne répondis que par un genre de gloussement… Et une ondulation des hanches qui alluma instantanément une lueur coquine dans les yeux de Louka. De fil en aiguille, de désir en sourires, nous passâmes une nuit complètement blanche : de toute façon, à deux dans mon petit lit, il était impossible de dormir ! Alors nous nous occupâmes autrement jusqu’au petit matin.

A 7 heures, Louka sortit dans la nuit pour nous acheter croissants et pains au chocolat. A 7h30, nous les dévorions à pleines dents, ils étaient chauds et nous avions faim. A 8h, nous nous disions au revoir sur le pas de la porte, avec des cernes presque aussi larges que nos sourires. A 8h30, je dénichai sous mon oreiller un tout petit paquet.

Mon cœur fit une cabriole lorsque je découvris, à l’intérieur, un bien joli caillou. Un diamant, tout simple, tout sobre, monté en pendentif sur une chaîne en or blanc… Il était superbe, très épuré, tout en brillance et en élégance. Je l’adorai instantanément !

Je le passai amoureusement autour de mon cou, la pierre se glissa au creux de ma poitrine et je… m’endormis, n’en déplaise à mon bureau qui requiérait ma présence à peine trente minutes plus tard. J’arborais sur mes lèvres un immense sourire niais.

*Ce n'est rien, de Julien Clerc ; in Niagara, 1971.

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