CXIV. C'est quand le bonheur

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CXIV. C’est quand le bonheur*

Un samedi, début juillet. Ingrid et moi avions prévu un après-midi shopping du côté de Saint-Michel, suivi d’une soirée filles, avec cocktails et grillades en terrasse. Mais c’était sans compter sur les caprices de la météo… Car un déluge s’abattit sur Paris, nous contraignant à changer notre programme : spa, cinéma puis restaurant thaï.

Ingrid était rayonnante comme un lustre à facettes. Elle portait une combinaison-pantalon noire avec une classe indéniable. Pourtant, elle ressemblait à une gamine espiègle avec ses cheveux courts, ses grands yeux bleus et son joyeux bavardage.

« - Ça faisait des mois que je n’étais pas allée au ciné. C’était sympa… A part le gamin derrière moi qui mangeait ses popcorns la bouche ouverte ! Bref… Parlons peu, parlons bien. Comment ça va, toi ? Le boulot ? Ils prolongent ton contrat finalement ?

- Oui, de six mois… Comme ça j’ai un peu le temps de voir venir, c’est cool. Sinon, ben ça va…

- Et Louka ? Tu en es où avec lui ?

- Ah ça… Je n’en sais rien, en fait. On s’entend bien, c’est agréable, mais on n’en parle jamais. Parfois, ça m’inquiète. J’ai tout quitté pour le rejoindre ! Je ne sais pas si j’ai bien fait.

- Il ne t’a pas fermé la porte au nez ni renvoyée dans ton pays, si ?

- Non, bien sûr. Mais je ne sais pas trop ce que ça va donner, cette histoire.

- Tu lui en as parlé ?

- Non… J’ai trop peur de sa réaction. Au jour le jour, il est adorable. Mais si je commence à parler d’avenir, j’ai toutes les chances qu’il parte en courant.

- C’est nouveau pour lui… Et pour toi ! N’essaie pas de l’enfermer dans un schéma... Louka est un genre de vif-argent ou de météore. C’est aussi ce qui t’a plu chez lui, non ?

- Si… Mais il se fait draguer tout le temps, c’est insupportable.

- Mon mari aussi se fait draguer, qu’est-ce que tu crois ? Et il en joue, parfois… C’est normal, et tant que ça s’arrête là, ce n’est pas bien méchant. Relâche la pression, Romy.

- …

- Moi, ce que je vois, c’est que tu es belle. Radieuse. Tu te sens bien et ça se voit. Et lui, il est… Naturel. Attentif. Il n’est pas démonstratif, c’est vrai, du moins pas devant moi, mais je le trouve doux avec toi. Apaisé. Et même si Pietro est d’une discrétion absolue sur ce que Louka a pu vivre, je sais très bien qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

- Tu as sûrement raison…

- Profite, Romy. Il tient à toi, c’est une évidence. Pour le reste, laisse-lui du temps.

- Bon, je vais essayer. Et toi, quoi de neuf ?

- Moi ? Tout va bien.

- Tu files toujours le parfait amour avec ton mari ?

- Absolument ! Il n’en finit pas de me rendre heureuse. Je retombe amoureuse de lui tous les jours, c’est presque ridicule… En plus, c’est un super papa avec Lucia. Quand je pense qu’il s’inquiétait de ne pas savoir s’y prendre…

- Ah ; pourquoi ?

- Pietro n’a pas eu de père. Et même si Chiara était présente, ce sont surtout des pensionnats qui l’ont élevé. Alors il a dû improviser sa partition, et ça l’inquiétait un peu, au début. Mais c’est un virtuose de la paternité ! Peu importe le modèle qu’il a pu avoir, il s’en sort très bien.

- Et tes parents à toi ?

- Oh, chez moi, c’est la famille Ingalls, version mer du Nord ! Quand j’étais petite, on avait un chien, une maison, une balançoire pour mon frère, ma sœur et moi. Mon père bricolait tous les dimanches et ma mère faisait des tartes aux pommes. Chez nous, tout était simple, reposant, banal… L’antithèse absolue de ce que Pietro a connu avec une mère comme la sienne.

- Et pourtant, vous êtes faits l’un pour l’autre... Quel veinard !

- N’est-ce pas ? D’ailleurs, pour qu’il ne l’oublie pas, il a pour mission de me faire un autre enfant. On y travaille depuis quelque temps.

- C’est plutôt sympa, comme activité.

- J’avoue.

- Je te souhaite un deuxième bébé aussi mignon que Lucia.

- Merci, Romy. Je sais que ce n’est pas toujours facile pour toi…

- Tout va bien maintenant. Et ton autre travail, le vrai, ça se passe bien ?

- Bof… Je croyais que la France, c’était un peu le Graal de la restauration. Mais comme chef de rang, je me retrouve à gérer les humeurs et les bobos d’une escouade de garçons de café parisiens. Et franchement, leur réputation n’est pas toujours usurpée ! Mais je prends mon mal en patience. La brasserie me permet d’avoir des horaires en journée, ce qui est un luxe dans mon métier ! Mais j’ai hâte d’être en vacances pour souffler quelque temps.

- Vous partez un peu ?

- En août. La première semaine, Pietro travaille encore donc il reste ici, et moi je vais chez mes parents avec ma fille. Ensuite on se retrouve à Cargèse pour quinze jours. Puis on remonte à Paris, Pietro et moi, en laissant Lucia à sa grand-mère : lui il reprend le travail mais moi j’aurai encore une semaine tranquille à la maison avant de récupérer ma gamine.

- Elle va rentrer seule en avion ?

- Non… Elle est encore trop petite ! Mon mari se moque de moi, évidemment, mais je ne suis pas prête à l’imaginer toute seule avec une hôtesse de l’air et un badge UM autour du cou ! Elle va rentrer avec Louka.

- Ah, lui aussi va en Corse ?

- Evidemment ! Lui et Pietro, ils ont besoin de voir la mer, de manger du lonzu et de boire de la bière de châtaigne sur le pont d’un voilier.... Si je m’y opposais, mon mari demanderait le divorce ! Et vous, vous faites quoi cet été ?

- “Nous” ? Well… La deuxième quinzaine d’août, je rentre dans le Wyoming. Et avant, je ne sais pas encore. Quant à Louka… Tu es mieux renseignée que moi, apparemment ! Je crois que Mila vient en Europe, en Italie de mémoire, alors j’imagine qu’il va la voir ? Tu vois, nous n’en sommes pas encore à programmer nos vacances ensemble… Pas comme un vrai couple.

- Moi je trouve pourtant que vous ressemblez pas mal à un vrai couple, comme tu dis. Commence donc par lui en parler, de partir en vacances à deux ! Tu verras bien…

- A tous les coups, l’idée ne l’aura même pas effleuré ! »

*C'est quand le bonheur, de Cali ; in L'amour parfait, 2003.

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