LXXXI. Ton invitation

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LXXXI. Ton invitation*

Évidemment, j’étais bien résolue à ne pas céder à la tentation ; je résistai d’abord vaillamment ! Mais au bout d’une heure à me tourner et me retourner dans mon lit, je rendis les armes. J’enfilai une robe par-dessus mon pyjama pour ne pas arpenter la maison à moitié nue… Et j’entrepris de monter l’escalier sur la pointe des pieds, pour ne pas rameuter tout le monde.

Louka dormait, sa fenêtre était grande ouverte et la lune le baignait d’une lumière un peu fantomatique. J’enlevai ma robe et je m’assis près de lui. Je regardai quelques secondes les coutures profondes qui crevassaient ses jambes, les griffures emmêlées qui saupoudraient ses bras, et celle plus légère, plus douce, qui lézardait sur sa tempe. Puis je posai la main sur son ventre chaud, par-dessus son t-shirt, et murmurai son prénom tout doucement.

Il tressaillit dans le silence, ouvrit un œil puis s'écarta pour me faire de la place. Je m’allongeai sur le flanc, je gardai une petite distance de sécurité mais quand il se tourna pour me faire face, je sentis la chaleur de son corps à travers mon pyjama-short.

Ma main chercha sa joue et mon pouce parcourut la cicatrice encore violacée qui marquait son côté gauche, comme si Voldemort avait mal visé ! Louka semblait fragile, lessivé, un peu ébranlé par mes sourires luminescents dans le soir… Il ne bougeait pas, ses yeux étaient deux puits d’incertitude, verts comme par hésitation, changeants, mobiles, graciles. La lune leur donnait des reflets de menthe à l’eau que j’étais bien incapable de déchiffrer.

Lorsque mes doigts quittèrent son visage pour se poser tout doucement sur son torse, il ferma les paupières quelques secondes et lorsqu’il les rouvrit, son regard était en feu ! Alors il m’attira à lui, au creux de ses bras. Puis il murmura dans la nuit, tout contre mon oreille, et sa voix me donna des frissons partout.

- « Je croyais que tu ne viendrais plus… Quelle heure est-il ?

- Tard... Je suis désolée de t’avoir réveillé.

- Je suis plutôt content que tu l’aies fait... It’s nice to see you, actually.

- Tu as le cœur qui bat fort !

- Tant mieux ! Je me suis battu pour qu’il batte, tout court... How are you doing ?

- I’m fine. Je suis contente de te voir, moi aussi.

- …

- Ta peau est douce, juste là…

- Well… Sois prudente : mon cœur n’est pas le seul à se réveiller.

- Oh ! Pardon.

- Je n’ai pas dit que j’avais envie que tu arrêtes.

- Non. Mais tu as l’air tellement… out-of-order ! Comment ça se dit en français ?

- Hors-service. Je suis crevé, c’est tout.

- Tu as dormi une bonne moitié de l’après-midi pourtant ?

- Oui ; mais je suis épuisé, à un point que tu n’imagines même pas.

- Abus de sport en chambre ?

- What ? Abus de rééducation. J’étais à l’hôpital, pas dans un lupanar ! Ou bien tu vas encore me ressortir cette histoire de Cinderella ?

- Euh… Non. Actually...

- Actually, what ? Je n’ai pas envie de parler de ça maintenant.

- D’accord ; on n’en parle pas.

- Really ?

- Oui ! Puisque tu ne veux pas.

- ...

- Parlons de ta jolie kiné, par exemple.

- … Romy ?

- Oui ?

- Tu ne serais pas un peu jalouse, par hasard ?

- Moi ? N’importe quoi.

- Bon. Dommage…

- What ?

- Well... Si tu avais été jalouse, j’aurais été obligé d’être vraiment très gentil avec toi et de déployer des trésors d’énergie pour me faire pardonner.

- Je croyais que tu étais complètement… out-of-order ?

- Mmmmmm… J’ai peut-être quelques réserves, pour les cas de force majeure.

- Montre-moi ça ! »

Il m’embrassa dans un grand sourire aussi mignon que carnassier : doucement d’abord, puis plus profondément. Il vint sur moi, envoya valser mon petit pyjama et laissa ses lèvres parcourir mon corps. Ses mains assaillirent mes seins, mes fesses, ma nuque : j’en frissonnai de la tête aux pieds ! Je le caressai en retour, son souffle était moite, impatient, et suivait le rythme de mes doigts qui se baladaient sur sa peau douce et sur son sexe dur. Louka semblait apte au service, finalement !

Curieusement, il m’empêcha de lui enlever son t-shirt et ne laissa pas mes mains remonter plus haut que son ventre. Bon… Dans le feu de l’action, je ne cherchai pas trop à comprendre. J’aurais préféré le sentir tout nu contre moi, évidemment ! Mais je n’en étais pas moins frétillante, impatiente, réceptive comme au premier jour sous ses mains de miel.

Il m’effeuilla comme une plume, il était doux et efficace, avec son sourire en coin, ses émeraudes dans le regard et ses baisers brûlants comme un thé à la menthe. Si j’avais su qu’un jour, j’écrirais cette histoire pour qui voudrait la lire, j’aurais peut-être résisté, pour gagner quelques pages de suspense, prolonger le plaisir de l’attente, faire mariner le lecteur… Mais en fait non, je replongeai illico comme une andouille enamourée ! Il suffisait qu’il m’effleure pour que mon désir s’affole.

Il me prit d'abord très vite, avec impatience, comme il dévorerait une flamme. Puis il me laissa mener la danse, plus doucement, abandonné sous mes doigts, les yeux fermés, pendant que je laissais libre cours à mon envie de lui.

Nous finîmes tous les deux en nage, sueurs mêlées, coeurs battants, peaux soudées, souffles courts. Il murmura à mon oreille «…Maintenant je suis vraiment out-of-order…» et s’endormit une nano-seconde plus tard, la main posée sur mon sein.

Je me lovai tout contre lui, gonflée de plaisir, et ne bougeai plus d’un pouce avant le matin.

*Ton invitation, de Louise Attaque ; in Louise Attaque, 1997.

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