XVIII. La lettre

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XVIII. La lettre*

Chère Chiara,

Toutes mes félicitations pour ton prix à Cannes ! Luís aurait été fier de toi,... Fier, oui, mais pas surpris, car il avait confiance en toi et en ton travail. Il était si beau dans les rôles que tu inventais pour lui, il rayonnait de toute sa force, de toutes ses ombres ; personne n’a écrit pour lui comme tu as su le faire, toi…

Je t’écris aujourd’hui car près de toi, sur les images de la montée des marches, j'ai vu Louka, mon Louka avec sa jolie bouille et ses cheveux en vrac. Et j’ai pleuré bêtement sur mon canapé. Bien sûr, comme tout le monde, je l'avais vu sur les photos de l'enterrement de sa mère : mais je l'avais à peine reconnu, il était si froid... Et là, enfin, j'ai retrouvé mon gamin, son sourire, sa lumière. J'étais si heureuse ! Il brillait comme un soleil. Il me manque, c'est insupportable et je supporte ça depuis des années.

La Justice a été injuste. Douze ans d'attention quotidienne valent bien neuf mois d'utérus. Louka est mon enfant à moi, le temps n'y peut rien, Natalia n'y pouvait rien non plus. Même s'il est beau comme elle, même s'il est blond comme elle, c'est dans mon pays qu'il a grandi, dans ma langue, dans mes bras, dans ma cuisine. Tu sais comme j'aimais Luís, il était ma force et mon amour, il était ma moitié ; mais Louka était mon tout.

J’ai presque réparé ma vie aujourd’hui. J’ai repris des études et des forces, et j’ai travaillé dur ! Bientôt, je vais suivre les pas de mon père dans la diplomatie marocaine. Quelle fierté… Je viens de réussir le concours, j’attends de connaitre mon affectation, je partirai cet automne inch’Allah... Peu importe où ! Du moment que je quitte cette maison abandonnée... Il est temps pour moi de revivre.

Revivre, mais sans Louka... Je lui ai écrit après son départ, et après la mort de Luìs, puis chaque année pour son anniversaire : il n’a jamais répondu. C’est peut-être mieux pour lui de tourner la page et de ne pas regarder derrière ? Toute cette histoire a fait tant de mal... Mais accepterais-tu de me donner de ses nouvelles ? Le vois-tu souvent ? Est-il toujours aussi proche de ton Pietro ? Vit-il encore à New York ? Est-ce qu'il travaille, est-ce qu'il fait des études ? Est-ce qu'il aime toujours les amandes, le bleu, l’océan ? Et surtout, est-ce qu’il va bien ?

Merci !

Malika Kerguelen Dos Santos.

*La lettre, de Renan Luce ; in Repenti, 2006.

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